Yann THOREAU LA SALLE


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)DisponibilitéRevenu.e dans une autre collectivitéDe deux ans à cinq ansMexique

Yann THOREAU LA SALLE a 41 ans. Il est marié et a 3 enfants (niveau collège).

Très impliqué dans les projets urbains innovants, il a enrichi sa réflexion par diverses expériences de coopération internationale.
Au moment de l’entretien, il est Directeur innovation, économie et international à la Ville de Lille.
Entretien réalisé en juin 2020

Yann THOREAU LA SALLE est attaché territorial depuis 2006.

En 2003, après un Erasmus à Budapest, il termine un master en Relations internationales à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques), par un stage en développement rural en Afghanistan (6 mois en 2003).

Une fois diplômé, il rejoint une ONG basée en Avignon : Volubilis (http://www.volubilis.org/). Cette structure est un réseau euro-méditerranéen pour la ville et les paysages qui œuvre à tisser des liens de culture, d’amitié et de partage de connaissances entre les hommes et les territoires d’Europe et de Méditerranée sur les questions de la ville et des paysages contemporains. Il y reste deux années.

En décembre 2005, il est recruté par Limoges. Il y passe son concours d’attaché et y restera durant cinq annéesoù il assure des missions auprès du DGS sur la contractualisation et l’aménagement du territoire, avant de se voir confier la création d’un service affaires européennes. Il y développe de nombreux programmes européens dont le projet UNIC, un réseau pour la résilience des villes marquées par l’industrie de la céramique – http://www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_unic.pdf.

Mais l’appel du large revient. Il tente, sans succès, une première candidature sur la Transparence du Ministère des Affaires étrangères pour intégrer le réseau diplomatique sans réellement savoir comment se positionner (ignorance des niveaux de grades correspondant à son profil).

En 2009, avec sa femme, le souhait de partir se fait plus fort. Il peaufine alors sa candidature pour la Transparence. Leur souhait est de s’orienter plutôt vers le Maghreb ou l’Europe de l’Est (pour rester assez proche de la France). En décembre 2009 il est reçu en entretien pour un poste d’attaché de coopération en Bulgarie. L’entretien se déroule bien mais le poste lui échappe. Il est rappelé mi-février pour un autre entretien avec d’autres interlocuteurs au MEAE, pour un poste d’expert technique en Roumanie, avant que le Ministère ne lui propose  un poste d’attaché de coopération au Mexique. Le choix de la famille doit alors de faire en l’espace de quelques jours, pour une destination qui n’avait pas été envisagée.

Ce sera donc une mission de quatre années au Mexique, à l’Ambassade de France sur différents programmes de valorisation de l’expertise française (collectivités locales), sur les politiques publiques locales et l’aménagement du territoire.

Le fonctionnement sur place

Pour Yann THOREAU LA SALLE, une expatriation est une expérience formidable : « ce fût passionnant : j’ai pu toucher à plein de choses, j’avais une grande latitude pour prendre des initiatives et pour expérimenter toute sorte de projets ». Mais cela demande aussi de développer des qualités particulières : être patient et tenace tout en faisant preuve d’adaptabilité.

La mission étant de développer des relations de coopération entre collectivités françaises et mexicaines il lui fallait une grande force de conviction pour amener des partenaires français dans une coopération (« le projet de coopération, c’est toujours ce qui vient en plus de leur charge de travail ») et suivre pas à pas le projet pour ne pas prendre de retard.

Au Mexique, outre le fait de devoir apprendre l’espagnol en accéléré (il n’avait que des notions avant de partir), il découvre une complexité spécifique dans les relations de travail. un mélange de protocole et d’humour qui y sont très important.

S’il n’y a pas de passé colonial entre la France et le Mexique, une certaine fierté locale doit être prise en compte. D’autant que la coopération avec la France, et notamment sur la coopération urbaine « durable » – Mexico, ville de 22 millions d’habitants- est en « concurrence » avec d’autres pays et organisations internationales.

A cela se rajoute une posture diplomatique française qui se cherche, et parfois ambiguë pour les Mexicains – des Nord-Américains- : cette coopération relève-t-elle de « la beauté du geste » au service de la ville durable, où s’agit-il finalement de promouvoir, voire de vendre l’expertise urbaine française ? Les autres coopérations étrangères sont souvent plus pragmatiques, et au clair avec leurs objectifs !

Yann THOREAU LA SALLE a appris beaucoup en termes de management au Mexique ; d’une part sur un rapport au temps et à l’anticipation différents dans le travail, et des clés de lectures bouleversées. Progresser dans la découverte du pays et des Mexicains aboutit surtout à renforcer l’impression de complexité, et d’une forme d’inaccessibilité à la richesse culturelle du Mexique.

D’autre part, étant en poste en Ambassade, il participe à l’organisation de rencontres de très haut niveau qui ne tolèrent pas les accrocs. Cela nécessite de savoir définir les priorités pour que, lors des visites d’État, clarté et efficacité soient au rendez-vous. Cela nécessite aussi de développer un sens de la solidarité et du travail d’équipe.

Il fortifie alors ce savoir-faire de traducteur, de passeur qui permet de réunir des profils différents et d’assurer l’émergence d’idées innovantes. C’est cette énergie et cette posture qui intéressera le DGS de Lille à son retour pour positionner la ville sur l’Innovation urbaine en réunissant des expertises diverses mais complémentaires.

Les enjeux personnels

Une expatriation se vit en famille. Pour les trois enfants, en partant en bas âge, tout s’est bien déroulé. Par contre, le fait finalement d’accepter un départ vers un pays qui n’était pas envisagé par le couple dans ses premières réflexions, est un moment difficile.

Ainsi, dans ce cas, un membre du couple doit un peu se sacrifier. « Cela a été très dur pour ma femme car elle a dû quitter un poste très intéressant à l’époque ». Donc dans un premier temps, Yann THOREAU LA SALLE part seul. Il passe ces quatre premiers mois dans un appartement à prendre très rapidement la mesure du poste au sein de l’ambassade tout en essayant de trouver un mode d’organisation pour faire venir sa famille. Sur place, le réseau francophone est moyennement mobilisé sur cette question des conjoints (le modèle de la « femme d’expat » a encore des adeptes…).

Le regard social est dur : l’image que vous renvoient les autres n’est pas valorisant : vous êtes la « femme de… ».

Finalement, pour pouvoir travailler, sa femme devra renoncer officiellement au statut de « conjointe d’expatrié » : un avocat mexicain est embauché pour démêler l’imbroglio et lui permettre de devenir résidente mexicaine officielle afin d’avoir l’autorisation d’exercer une mission partagée entre l’Université Autonome du Mexique et l’Académie des Sciences. Ce qui a induit qu’au « retour en France » elle était une « expatriée du Mexique » …

Et après ? Le Retour

Quitter Limoges en 2010 ne s’est pas fait avec l’assentiment général. Quelques projets étaient en cours et le départ, en 4 mois, du responsable des affaires européennes de la ville n’est pas simple à gérer… Au cours de cette période d’expatriation, Limoges ne cherchera pas particulièrement à profiter de la présence à l’international, dans les réseaux de développement urbain, d’un « agent de la ville » – Yann THOREAU LA SALLE, en détachement, est toujours dans les effectifs de la ville.

Après quatre années passées à l’étranger quand il doit être réintégré, Limoges lui propose une responsabilité de contrôleur de gestion. La connexion n’est pas évidente au regard des multiples réseaux constitués et expériences acquises au cours de son expatriation au Mexique : il ne donne pas suite à cette proposition

Sa femme étant en poste à Paris, il sollicite une « disponibilité pour rapprochement de conjoint ». Sans salaire, à Paris, avec 3 enfants : après la vie d’expatrié, la « repatriation » est dure !

Alors qu’il a monté des programmes de coopération pointus  et signé des accords avec le ministère mexicain de la Ville, qu’il a organisé de multiples studies-tours sur la question du développement urbain et développé des projets concrets sur le sujet, il ne rentre pas dans les cadres traditionnels qu’attendent les recruteurs français d’un  « expert en développement urbain».

Cette période de retour est délicate. « Tout le monde sait que le retour est difficile. Là-bas, on est, par notre poste, en contact avec de grands chefs d’entreprise, on côtoie les élus de grandes villes, des parlementaires, … et on nous confie des responsabilités inédites. Au retour on nous dit que ce sera la douche froide mais quand on le vit, c’est violent ! ». La logique de recrutement française basée sur la stricte cohérence des diplômes et le parcours balisé reprend le pouvoir.

En février 2015, Yann THOREAU LA SALLE est recruté par Expertise France pour une mission de six mois au sein du PFVT – Partenariat français pour la ville et les territoires (PFVT) qui est la plateforme d’échanges et de valorisation de l’expertise des acteurs français du développement urbain à l’international http://www.pfvt.fr/fr .

Le DGS de la ville de Lille avec qui il avait collaboré lors d’une mission au Mexiquelui propose ensuite de développer une direction de projets innovants (il récupérera ensuite l’économie et l’international en 2019). Sa capacité à identifier des initiatives, son réseau international mais aussi son expérience des situations complexes avec de multiples intervenants – le quotidien en Ambassade – est un atout. Mais il va devoir développer une pratique spécifique en gestion de grands projets pour tester de nouvelles modalités de financements pérennes des programmes lillois.

Il a retrouvé à Lille cette grande liberté qu’il avait au Mexique pour associer tout un ensemble de partenariats et de projets qui sortent des sentiers battus grâce à la confiance et au soutien du DGS. Cela a ainsi permit de développer des projets tels que la Cuisine Commune de Fives Cail (projet Tast’in Fives mêlant initiatives solidaires autour de l’alimentation et activités économiques à impact social, au cœur d’une friche en réhabilitation – https://www.uia-initiative.eu/fr/uia-cities/lille) ou le Bazaar St So (https://fr.lita.co/fr/projects/718-bazaar-st-so) .

Son conseil

Le premier conseil de Yann THOREAU LA SALLE est d’être très attentif à l’envie de la famille. Ce désir d’expatriation doit être partagé. Il faut que tous soient conscients qu’en tant qu’expatrié au sein du réseau diplomatique, « on donne beaucoup : il faut intégrer énormément d’informations et de codes au démarrage, il y a des déplacements constamment, c’est un gros investissement et le ou la conjointe se retrouve seule et souvent peu considérée ».

Mais une fois cet accord scellé, l’expatriation est un vrai accélérateur professionnel (en termes de compétences) car on est à un poste exceptionnel pour rencontrer, agir, expérimenter. Au retour c’est une vraie force pour , à nouveau, rencontrer, agir, expérimenter. Attention toutefois : ce qui fonde la plus-value des « territoriaux » à l’étranger s’étiole au fil des années. Il est alors nécessaire d’actualiser ses connaissances de l’action locale en France, de replonger au cœur de la complexité des projets et de leur financement.

Par ces allers retours, les rôles d’acteur du développement local et de « passeur » se nourrissent l’un et l’autre, et provoquent des décalages enthousiasmants.

 

Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Juin 2020


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