Son parcours
Sébastien WELSCH a suivi une formation universitaire en administration publique et économique territoriale. Après une licence à l’Université de Bordeaux, il part un an en Erasmus à l’Université d’Edinburgh en Ecosse. De retour en France, il obtient un master en Aménagement du Territoire et Développement économique local à l’Université de Poitiers en 1999.
Il effectue son stage de fin d’étude dans le Libournais où il est embauché comme emploi-jeune durant un an et demi . Cette expérience lui permet de passer le concours de la fonction publique et d’être recruté comme Directeur Général des Services (DGS) de la Communauté de Communes du Pays Foyen en Gironde. Il y reste deux ans et demi.
Mais l’expérience ERASMUS lui a donné le virus du voyage. « A cette époque, je n’avais pas de conjointe, pas d’enfants, pas d’emprunt : c’était le moment de partir ». Il dépose sa candidature auprès de France Volontaires. « Quand le responsable a vu mon CV, cela convenait parfaitement au poste ». Sébastien WELSCH se met en disponibilité de sa Communauté de Communes et part au Niger. Là-bas, il travaille pour la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH) – la coopération allemande – comme Responsable de l’Appui Maitrise d’Ouvrage Communale dans un programme d’appui à la décentralisation à Niamey. Il reste 30 mois.
A la fin de cette première mission, le responsable de France Volontaires lui propose un nouveau poste à Madagascar. Il devient responsable de la coopération décentralisée « Région Basse Normandie-/ Région Antsiranana », poste qu’il assurera durant 4 ans et 5 mois avant de rentrer en France. A son retour il intègre la Région Normandie, au sein de la direction des Relations internationales, non pas pour gérer la coopération avec Madagascar mais avec le Hordaland en Norvège, pendant 13 mois.
En octobre 2013, il intègre la communauté d’agglomération Bourges Plus pour s’occuper du développement économique avant devenir Chef de Service Economie résidentielle et touristique en 2019.
Le fonctionnement sur place
Pour son départ, lorsqu’il reçoit la validation de sa mission, Sébastien WELSCH en parle à son Président qui lui répond : « Tous les matins, quand je me lève, je ne sais pas ce qui va m’arriver ». Toutefois, tout le monde comprend et après quelques discussions, sa disponibilité lui est accordée.
Pour sa première expatriation professionnelle, Sébastien WELSCH part comme Volontaire de Solidarité internationale, un statut particulier qui est très encadré avec un appui fort de l’organisme « France Volontaires ». Il s’engage d’abord pour 24 mois puis poursuit en « contrat local »
Cette expérience au sein de la GIZ est très formatrice. « j’ai appris une méthodologie pour l’approche stratégique et la déclinaison d’actions. Elle est basée sur un fort échange en amont ». Cette méthodologie, Sébastien WELSCH la pratique encore 15 ans après : « j’ai toujours ma stratégie accrochée au mur ». Ainsi, lorsqu’on lui demande quel était son métier à Madagascar, il explique : « je suis traducteur, je permets à la Région malgache d’exprimer vraiment ce qu’elle souhaite ».
Il découvre aussi au sein de l’équipe allemande, une autre attitude au travail, avec une séparation forte entre le professionnel et le personnel. Ainsi « je pouvais discuter amicalement avec mon responsable à la machine à café mais si j’avais 15 minutes de retard à une réunion, je me faisais « remonter les bretelles » ». Au bureau, les choses doivent être réalisées en temps et en heure. Et on sépare fortement avec l’après boulot, le personnel.
Par ailleurs, au Niger puis à Madagascar, Sébastien WELSCH est convaincu qu’un Maire nigérien ou malgache se comporte exactement comme un Maire français : il fait attention aux mêmes paramètres. Tirant sa légitimité du territoire, il fait attention aux leaders d’opinion. Ainsi « ceux qui ont une puissance déléguée fonctionnent de la même manière ». Cela l’encourage à faire profil bas et à adopter une posture d’observation. « Je reste très prudent sur mes jugements. Face à la complexité, il faut du temps long ».
Il s’intéresse aux contes locaux et apprend les histoires connues de tous, ce qui lui permet souvent de prendre le contrepied de la représentation de l’expatrié qu’ont les partenaires locaux : « On représente l’expert international, ils nous connaissent par cœur. Si on connait leurs héros, cela perturbe le jeu. Quand on rebondit en faisant appel à leur imaginaire, ils sont étonnés et on transforme le jeu d’acteurs. Cela permet des expressions plus franches car on passe un palier. »
Pour Sébastien Welsch, il est important d’être conscient « qu’on a, en tant qu’expatrié, un métier d’intermédiation et ne pas juste être un technicien ».
Les enjeux personnels
Il rencontre sa future femme au Niger (qui est berrichonne) et elle le suit à Madagascar. Pour lui, ces expériences sont un enrichissement personnel exceptionnel : *« Après les apports de l’école républicaine, ces expériences m’ont ouvert à l’altérité. On reste français mais on saisit qu’il y a d’autres représentations du monde »*. Cela lui permet de prendre du recul sur des sujets parfois complexes.
Professionnellement « cette expérience m’a permis de travailler en Berry alors que je ne suis pas berrichon : je formais un couple mixte avec ma compagne (moi du milieu ouvrier de Bordeaux et elle du milieu paysan du Berry). » Ainsi, il forme un couple avec des représentations du monde très différentes, des rapports au travail ou à la propriété assez opposés. « Je suis arrivé dans le Berry comme je suis arrivé à Madagascar. Je me suis positionné comme un expatrié, avec la retenue d’un expat qui cherche à comprendre ce qui pousse à agir, ce qui fait valeur ».
Selon Sébastien WELSCH, on peut entendre les mêmes discours d’expatriés à Bourges ou à Tamatave sur les « territoires taiseux » où « personne de dit que tu les as froissés mais tu te retrouves expulsé du réseau très rapidement ».
Sur le plan financier, en partant en disponibilité, « je passe de 2000 € à 500 € et je sais que mon avancement de carrière s’arrête ». Pas de problème pour Sébastien WELSCH car il n’a « pas de charges, pas d’emprunt. ». Ce faible pécule l’oblige aussi à plus de porosité avec la culture locale au Niger.
A Madagascar, il débute en statut de Volontaire avant d’avoir un contrat local . Il est un peu mieux rémunéré mais sans atteindre les salaires habituels des consultants. Mais pour Sébastien WELSCH « avoir un faible revenu permet de tisser un lien plus proches avec les habitants, vous oblige à prendre le taxi brousse, etc. »
Et le retour ?
Lorsqu’il demande sa mise en disponibilité au Président de la Communauté de Communes du Pays Foyen, il passe un contrat moral : « je ne demanderai pas ma réintégration » pour ne pas mettre en difficulté la collectivité.
Il décide de revenir en France après sept ans de disponibilité « pour ne pas utiliser le capital de 10 ans de disponibilité proposé par le statut ». Après quatre ans comme représentant de la Région Normandie à Madagascar, il réussit à intégrer le service Relations Internationales de la Région avec l’appui de la directrice des Relations internationales de l’époque,
Cependant, il parle alors peu de son expérience (« je trouve cela dommage »). Quand le couple rentre en France, lui est en poste à Caen et sa femme est à Bézier en formation pour reprendre ensuite une exploitation dans le Berry. Sébastien WELSCH essaie donc de se rapprocher et il candidate dans différentes collectivités en présentant son expérience sous le chapeau « spécialiste du développement local ».
Personne ne l’interroge réellement sur ses expériences alors qu’il parle le malagasy par exemple (« je ne le mets pas sur mon CV »).
D’ailleurs, Sébastien WELSCH avait sollicité un retour de quelques mois au Conseil régional de Normandie pour rendre son CV franco-compatible « je n’ai pas du tout jouer la fibre internationale, j’ai francisé mes outils et expériences ».
Lors de sa prise de poste à Bourges, il intègre une équipe très intéressante et très professionnelle. Bien qu’il discute avec une de ses collègues qui a adopté une enfant à Madagascar, l’évocation de son expatriation reste très limitée : « si on en parle, notre interlocuteur ne comprend pas ce dont on parle. Le saut est trop important et on tombe dans les clichés très rapidement. ». Il se souvient d’ailleurs d’un conseil de sa directrice allemande au Niger « Evite de parler du pays précédent car cela les fatigue ».
Son conseil
Le premier conseil de Sébastien WELSCH est d’apprendre la langue locale. Cela montre votre effort et votre attention à votre partenaire (même si vous n’êtes pas doué ). « Cela montre que vous souhaitez sortir des postures du donneur et du receveur ».
Son deuxième conseil est d’être ouvert et de prendre le temps de la consultation : savoir ce qui fait bouger les gens.
Sébastien WELSCH ne se voit pas repartir sur du long terme notamment du fait de ses enfants. Mais il ne refuserait pas des missions courtes.
Entretien réalisé par Yannick Lechevallier
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Juin 2024