Sandrine DOS SANTOS


DisponibilitéRevenu.e dans une autre collectivitéPrivéDe deux ans à cinq ansCap-Vert

Sandrine DOS SANTOS a 42 ans. Elle est attachée territoriale depuis 2018. Avant son expatriation, elle était impliquée dans des associations du domaine culturel et en 2007, elle part avec son conjoint au Cap-Vert où elle restera trois ans avant un retour en France. Aujourd’hui elle occupe le poste de chargée de mission « engagement citoyen » à la Direction de la Jeunesse & de la Citoyenneté à la Région Nouvelle-Aquitaine.
Entretien réalisé en juillet 2022.

Après une première année de Master Histoire Contemporaine et Cinéma, Sandrine DOS SANTOS souhaite découvrir concrètement le monde culturel. Elle part d’abord un mois à Montréal, puis s’engage au sein du Festival Rencontres avec les Cinémas d’Amérique Latine à Toulouse. Après deux semestres à Barcelone « pour parfaire mon espagnol » et à Lisbonne où elle réalise des missions de traduction en 2007, elle accompagne au Cap-Vert son futur mari, artiste, désireux de reprendre son poste de professeur de lettres.

Sandrine DOS SANTOS arrive donc à Praia, capitale du Cap-Vert.

Après quelques semaines, elle trouve un poste de chargée de communication à l’Institut Français de Praia. Parallèlement, elle est recrutée par l’université pour donner des cours sur le système des bibliothèques en binôme avec le directeur de la bibliothèque du Palais du Gouvernement. « Cette expérience a été très enrichissante et complémentaire » et une immersion dans la fabrique politique.

En 2010, le couple revient en France. Mais le retour est compliqué : en effet, le milieu artistique français est très fermé et les nombreux entretiens de Sandrine DOS SANTOS s’avèrent infructueux.

Finalement, après plusieurs désillusions, elle intègre l’Agence Erasmus+ pour un poste qui n’est pas rémunéré à hauteur de son niveau d’études (« le SMIC pour un Bac+5 »). La situation peu flatteuse perdure mais elle poursuit ses recherches.

En 2010, un ami (qui a aussi une expérience d’expatrié), lui conseille de se présenter au concours d’attaché territorial. Elle s’inscrit mais la première épreuve (dissertation) a raison d’elle. Elle ne se sent pas en phase, « trop créative », avec le monde de l’administration.

Sandrine DOS SANTOS et son mari vont de déceptions en échecs professionnels : ils envisagent de retourner au Cap-Vert. Finalement, elle quitte l’Agence Erasmus+ pour assurer la coordination du dispositif AquiMob, le guichet unique de la mobilité internationale des étudiants porté par la Région Nouvelle-Aquitaine et le réseau des universités aquitaines. Elle est alors contractuelle mais son poste est financé par la Région. Ses relations la poussent alors à retenter le concours qu’elle obtient en 2017. Elle rejoint la fonction publique territoriale au 1er janvier 2018.

Cela lui permet de candidater à un poste de la Région qu’elle intègre. Sandrine DOS SANTOS est chargée de mission « engagement citoyen » au sein de la direction Jeunesse et de la Citoyenneté.

Son départ

Lorsque Sandrine DOS SANTOS part, elle n’a aucun accompagnement formel. Elle enrichit ses connaissances par la littérature cap-verdienne et des documentaires historiques pour se familiariser un peu plus avec la culture : « si j’avais suivi les recommandations du Ministère des Affaires étrangères, je n’y serai pas allée ». A la différence des autres expatriés « mon intégration s’est faite de manière très fluide ; j’avais un médiateur » qui lui explique les codes et l’organisation. Ses compétences linguistiques en espagnol et en portugais lui ont simplifié son intégration.

 

Le fonctionnement sur place

En arrivant, comme son conjoint, Sandrine DOS SANTOS doit chercher un poste et ils font chacun leurs candidatures. Comme elle a une première année en master d’Histoire, elle envisage de postuler en qualité de professeur d’Histoire même si cela ne correspondait pas à son projet initial. Une traduction de ses diplômes est requise pour la contractualisation. Cependant, la traduction effectuée à l’Ambassade du Cap Vert (coût 450 €) s’avère non conforme. Une nouvelle traduction sera nécessaire tout comme un nouveau paiement. Elle finit par obtenir un contrat à l’université.

Parallèlement, elle se présente à la Directrice de l’Institut français qui lui fait part d’un besoin en communication.

Sur le plan administratif, au-delà des formalités nécessaires pour les Français (inscription au consulat…) elle demande sa carte de séjour. Cela se traduit par un simple entretien au commissariat local qui se déroule sans souci.

Le contrat à l’Institut français est un contrat local donc rien n’est pris en charge par la France (contrairement aux contrats d’expatriés).

Les enjeux personnels

Sandrine DOS SANTOS arrive et s’installe avec son compagnon dans un quartier populaire. Elle trouve rapidement ses marques (« contrairement à certains expatriés rencontrés ») et se lie facilement aux capverdiens  « ils sont très accueillants ». Il y a ici un art de l’accueil nommé Morabeza (voir à ce sujet le reportage « Echappées Belles » de 2020 https://www.youtube.com/watch?v=V_2hbkVUiEY) qui est renforcé vis-à-vis des français du fait de l’histoire de libération nationale.

Ces rencontres renforcent pour elle le sentiment d’altérité et son intérêt pour l’interculturalité, très présente au Cap Vert.

Sur le plan social, Sandrine DOS SANTOS doit payer sa mutuelle de santé (et l’ensemble des cotisations sociales). Elle doit d’ailleurs attendre quelques mois avant de pouvoir s’inscrire du fait du coût trop élevé de celle-ci. Mais le Cap Vert qui a été fortement soutenu par Cuba, a mis en place un modèle de développement autour des piliers de la santé, de l’éducation et de la culture. Ainsi l’accès aux urgences médicales est assez simple et peu couteux (« les dispensaires sont faciles d’accès et une fois, je suis allée aux urgences et j’ai payé l’équivalent de 1€50 simplement »).

La mauvaise surprise a été la facture d’électricité : exorbitante au regard de la consommation et de la des nombreuses coupures d’électricité quotidiennes « il y a une usine marémotrice qui ne peut fournir tout le monde. Comme il y a une priorité pour les hôtels et le tourisme, la population subit de nombreuses coupures ». Par ailleurs, l’eau potable est un réel souci et est très réglementée (« comme à Barcelone ») avec une fourniture uniquement à certains horaires. « On apprend à stocker l’eau dans des bidons de 5 litres, à se doucher avec un verre d’eau, … ». Mais surtout, il faut être chez soi au moment où il y a de l’eau pour faire les stocks. « Mon mari donnait des cours tous les matins donc j’organisais mon temps de travail en fonction de ses horaires et de l’arrivée de l’eau ». Durant son séjour, Sandrine DOS SANTOS accueille ses parents qui découvrent alors ce fonctionnement : « ils m’ont dit : « tu vis comme les Français ruraux des années 60 » ».

Cette expérience lui a vraiment fait prendre conscience de l’inégalité d’accès aux services essentiels. Elle est aujourd’hui très militante sur le principe du droit commun « Cette expérience a renforcé ma volonté de m’engager sur le fait que tout le monde doit avoir accès aux services essentiels ».

Face aux conditions sanitaires tropicales émergentes (Paludisme, Dengue), elle préfère rentrer en France en 2010.

Et après ?

En 2010, Sandrine DOS SANTOS revient donc en Aquitaine avec son mari. Mais cela s’avère difficile. Elle fait de nombreuses candidatures à Bordeaux, dans les Pyrénées Atlantiques… Elle a parfois des rencontres bienveillantes (« comme ce Directeur de Cabinet d’une collectivité qui analyse objectivement mon parcours et m’oriente vers telle structure ou me déconseille telle autre »). Mais elle rencontre surtout des personnes en entretien qui sont sceptiques, moqueuses (« au Cap Vert vous avez bu des cocktails ») ou incultes (« le Cap vert, c’est en face de l’Afrique du Sud ? »).

Pour Sandrine DOS SANTOS, si vous n’avez pas de filet de sécurité (statut de fonctionnaire ou chômage), « il faut un vrai fonds de roulement » au retour pour pouvoir attendre et trouver le bon poste. Comme elle était inscrite à distance pour un master de Portugais, elle bénéficie toutefois à son arrivée en France de sa carte d’étudiante qui lui permet de trouver plus simplement un logement.

Aujourd’hui en poste à la région Nouvelle-Aquitaine, elle peut tirer les enseignements de ses apprentissages. Ce qu’elle retient de cette expérience, c’est une capacité à travailler avec cet autre qui n’a pas les mêmes références, les mêmes habitudes professionnelles et donc de savoir « comment on simplifie ? Comment on s’adapte ? ». Et surtout « on a une façon particulière d’appréhender notre travail où on cherche à donner du qualitatif plus que du quantitatif ».

De son séjour au Cap-Vert, elle a aussi appris à faire beaucoup avec peu de moyens.

C’est aussi une autre approche du jeune. « Quand je suis partie jeune à Barcelone, c’est parce que je ne trouvais pas ma place en France ». Au Cap Vert, avec 40% de jeunes dans la population, on laisse faire. Il n’y a pas de soutien particulier mais pas de barrières non plus. « C’est avec cela que je nourris mon projet professionnel ».

Mais sur le plan professionnel, elle considère que les Ressources humaines en France ne prennent pas en compte son expérience de deux ans au Cap Vert. Elle ressent une sorte de « réticence » de la part de ses interlocuteurs qui ne sont jamais partis : « il y a un cadre mais on ne l’applique pas ». Ainsi, le fait de parler et de recourir à une langue étrangère dans le cadre de sa fonction n’est pas non plus reconnu dans son traitement salarial.

Cette expérience a été finalement identifiée par la Région dans le cadre d’un partenariat signé avec Expertise France. Sandrine DOS SANTOS est donc inscrite au « vivier d’experts ». Elle a été présélectionnée pour trois postes déjà pour lesquels elle a passé de rapides entretiens sans déboucher sur des missions concrètes ce qui la rend un peu amère : « il ne faut pas donner de faux espoirs à ce qui souhaitent réaliser une mobilité ».

Son conseil

Sandrine DOS SANTOS conseille à tous ceux qui ont envie de partir, de sauter le pas « surtout en tant que fonctionnaire car vous êtes sûr d’avoir un emploi au retour ».

« Découvrir une culture, cela se vit » pour Sandrine DOS SANTOS qui repartira sûrement « quelque part où je trouverai du cinéma, de la culture et un art de vivre ».

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

Juillet 2022


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