Max YVETOT


RussieDisponibilitéRevenu.e dans une autre collectivitéPrivéDe deux ans à cinq ans

Max YVETOT a 34 ans. Après quelques expériences internationales dans le cadre de ses différentes formations (Grande Bretagne, Azerbaïdjan, Lituanie), passionné de culture russe comme sa femme, diplomate, il la suit en 2019 à Moscou. Mais la guerre déclarée à l’Ukraine l’oblige à revenir précipitamment. Il est depuis juillet 2022, Directeur général de l’AURH – l’Agence d’Urbanisme Le Havre – Estuaire de Seine.
Entretien réalisé en aout 2022

Son parcours

Max YVETOT sort diplômé en géographie de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, en 2012.

Il travaille un an dans une commune de Grande Bretagne (Wandsworth Borough Council), après une année de Master en aménagement du territoire à la London School of Economics and Political Science. A son retour, il rate d’abord son entrée à l’INET. Il souhaite alors préparer à nouveau ce concours tout en travaillant son russe. Il fait pour cela un rapide stage de 4 mois au sein de l’Ambassade de France en Azerbaïdjan. La diplomatie ne le tente pas, il préfère les politiques publiques territoriales.

Max YVETOT réussit le concours d’entrée à l’INET en 2015 et devient administrateur territorial en 2016 – il réalise un stage de deux mois à la mairie de Vilnius, en Lituanie. Puis il obtient à sa sortie en 2016 le poste de Directeur des finances et du contrôle de gestion à l’Etablissement public territorial Grand Paris Grand Est. Il y reste presque 3 ans.

Sur les bancs de l’université, il avait rencontré sa femme avec laquelle il partage une passion pour la culture russe. Devenue diplomate, elle est nommée à Moscou à la rentrée 2019. Il sollicite une disponibilité pour suivi de conjoint.

Quelques mois avant le départ, il cherche à trouver un poste en Russie. Il identifie un poste au MEAE sur le site Transparence. Il candidate et décroche un entretien… mais le MEAE lui annonce au début de l’entretien que le poste va en fait être supprimé. Il poursuit des prises de contacts depuis Paris mais se rend rapidement compte que « cela se fait sur place ». Le départ est un peu angoissant mais il en profite pour parfaire sa pratique du russe.

Une fois à Moscou, Max YVETOT démarche les entreprises françaises « pensant que cela serait plus facile » mais aucune opportunité n’apparait. On lui propose un poste de coopération décentralisée à l’Ambassade de France pour septembre 2020, avec des conditions d’employé local. En attendant, il candidate pour une formation dans un institut de recherche en urbanisme. Au cours de l’entretien, il précise qu’il est plutôt intéressé par l’activité de la structure de conseil adossée à l’institut de recherche. Le directeur qui le reçoit est très intéressé d’avoir un Français qui parle parfaitement le russe dans son équipe. Le recrutement se fait en un temps record « un email de deux lignes, un entretien deux jours après et l’accord dans les 10 jours qui ont suivi ». Max YVETOT renonce au poste à l’Ambassade et privilégie le travail dans l’agence d’urbanisme russe.

En février 2022, avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, le couple se prépare à être expulsé. En juin 2022 ils sont de retour en France. Max YVETOT a réalisé plusieurs candidatures depuis quelques semaines. Il est finalement recruté pour devenir Directeur général de l’AURH en juillet 2022.

Son départ

Max YVETOT apprend la nomination de sa femme en Russie assez tôt, dès janvier 2019. Toutefois il patiente jusqu’en avril pour en parler dans sa collectivité car il souhaite d’abord passer le vote du budget (il est alors directeur des finances). Il l’annonce à son DGS qui est lui aussi sur le départ.  Il obtient son arrêté de disponibilité pour suivi de conjoint très rapidement. Ensuite il n’a « aucun contact avec sa DRH durant trois ans ».

Le fonctionnement sur place

En arrivant à Moscou le couple s’installe. Max YVETOT passe deux mois dans sa recherche d’un emploi tout en perfectionnant sa pratique du russe. Lorsqu’il décroche un contrat avec la société STERLKA KB, le recrutement est immédiat (avec un mois d’observation) : « je m’attendais à une bureaucratie importante, mais la flexibilité et la rapidité du recrutement m’est apparue très moderne ». La bureaucratie le rattrape ensuite :  il réside alors en Russie en tant que conjoint de diplomate, avec un visa diplomatique. Il entame donc les démarches pour obtenir un visa de travail. Pour cela, il doit revenir en France (sortir de Russie), rendre son passeport diplomatique et demander un visa de travail à l’ambassade de Russie. Cette période est d’ailleurs un peu compliquée et la complexité administrative contraste avec la rapidité de son embauche dans une entreprise privée. Aux deux mois de recherche de travail se rajoutent donc deux mois de procédure avant de pouvoir commencer à travailler.

Au sein de cette agence d’urbanisme, il participe alors aux multiples missions de la société et est intégré au comité de direction : « j’étais le français qui amenait un autre regard sur les questions traitées », et il échange régulièrement avec le directeur.

Il découvre dans cette société un mode de management dur, « très privé », avec un personnel corvéable soirées et week-end. L’enjeu est alors plus le business plus que l’intérêt général des projets d’urbanisme que mène la société.

Les enjeux personnels

Pour Max YVETOT, cette expérience est un apprentissage par l’exemple et le contre-exemple : « j’ai vu les effets du management inhumain, sans heureusement en souffrir moi-même ». Mais aussi, en participant au comité de direction, il a « observé énormément de choses, a développé une vision transversale » et a appris en mode accéléré tout ce à quoi travaille une agence d’urbanisme. A force de devoir répondre aux questions de ses collègues, il acquiert également une meilleure connaissance des politiques publiques et des manières de faire en France.

Avant d’avoir le poste dans cette agence de conseil russe, Max YVETOT identifie un poste d’attaché de coopération décentralisée à l’ambassade de France à Moscou qui doit s’ouvrir en 2020. Il candidate et est sélectionné. Mais lors de l’entretien, le MEAE s’apercevant qu’il est déjà résident en Russie, transforme la proposition en contrat local avec un salaire trois fois moins élevé que l’offre initiale. Max YVETOT décline et choisit l’expérience dans la société russe.

Sur le plan personnel, étant payé en roubles, en Russie, il se pose des questions pour sa déclaration d’impôts. Il questionne le centre des impôts pour les Français résidant à l’étranger. Mais la réponse arrive après la date limite de déclaration. Ne souhaitant pas prendre de risque il fait une déclaration, se retrouve avec un avis d’imposition alors qu’il est en fait non imposable. S’en suivra une bataille administrative de plus de six mois avant de récupérer les sommes versées. Le fait d’avoir une même résidence fiscale mais une différence de situation dans le couple (un contrat d’expatriée et un contrat local) complique les échanges avec l’administration fiscale.

Pour les relations sociales, Max YVETOT et sa femme se sont expatriés pour découvrir la culture russe. Ils s’éloignent assez rapidement de la communauté française locale. Ils trouvent chez leurs amis russes une grande francophilie. Le travail dans une entreprise russe, en étant le seul étranger, facilite leur intégration.

Et au retour ?

Le retour, Max YVETOT ne le voyait pas avant 2023. Ils pensaient même, après les 4 années en poste pour Madame, solliciter une autre expatriation. Mais le déclenchement de la guerre précipite les choses et le couple est expulsé vers la France le 30 mai 2022.

Dès le déclenchement de la guerre en février 2022, Max YVETOT entrevoie ce risque. Il sollicite d’abord un entretien dans sa collectivité d’attache Grand Paris – Grand Est. Il a un bon contact avec le Président et un très bon échange avec le nouveau DGS qui est intéressé par son profil. Toutefois, il n’y a pas de poste ouvert et on ne lui propose rien de concret dans l’immédiat.

Il commence à candidater dans d’autres collectivités. Depuis trois ans, il travaillait dans les politiques urbaines et souhaite (du fait de sa formation initiale de géographe et urbaniste) continuer dans cette voie. Mais, dans les premiers entretiens, les DRH ne regardent pas son expérience en Russie et lui proposent une continuité avec ses missions antérieures en matière de finances publiques. Parfois même, il sent une réticence vis-à-vis de son expérience : « on a l’impression qu’on a réussi à réaliser un fantasme que nos interlocuteurs s’interdisent ».

Dans d’autres entretiens, il ressent un réel intérêt, comme avec ce DGS qui lui pose plein de questions sur la Russie : « C’est génial ce chemin-là » lui dit-on. Pour son recrutement au Havre, il sent que ce parcours original est une force car l’employeur attend de cela un regard neuf et innovant.

De son expérience en Russie, Max YVETOT pense avoir acquis une certaine rapidité de travail « après tant d’efforts pour lire des documents en russe, parcourir des rapports en français me semble très facile ». Et après s’être confronté aux schémas directeurs russes « les schémas directeurs français ne me font plus peur ».

Par ailleurs, pour lui, les Français sont très autocentrés. « Ailleurs on se pose beaucoup de questions pertinentes. J’ai beaucoup appris sur la France en étant à l’étranger, et j’y ai acquis le recul et la hauteur qui me manquaient. »

Son conseil

Pour Max YVETOT, la qualité première pour réussir une expatriation est le fait de maitriser la langue locale. Il faut aussi accepter qu’il ne soit pas simple de trouver à l’avance un contrat de travail et que c’est sur place que beaucoup de chose se débloquent.

Certes il y a beaucoup d’administratif dans les premiers mois, et de l’incertitude, mais « l’expérience en vaut la peine » !

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Août 2022


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