Maud BATAILLE


DisponibilitéDe un an à moins de deux ansRevenu.e dans une autre collectivitéPrivéCanada

Maud BATAILLE a 38 ans. En 2017, elle est partie 19 mois au Québec (Canada), pour s’immerger dans une autre culture mais aussi se découvrir personnellement. « je suis revenue vivante ».
Elle est aujourd’hui la coordinatrice du Tiers Lieux « La Canopée » pour La Roche aux Fées Communauté, et co-présidente du réseau Bretagne Tiers-Lieux

Maud BATAILLE a 38 ans. En 2017, elle est partie 19 mois au Québec (Canada), pour s’immerger dans une autre culture mais aussi se découvrir personnellement. « je suis revenue vivante ».

Elle est aujourd’hui la coordinatrice du Tiers Lieux « La Canopée » (https://lacanopee.rafcom.bzh/) pour La Roche aux Fées Communauté, et co-présidente du réseau Bretagne Tiers-Lieux

Son parcours

Maud BATAILLE est agent territoriale depuis 2010 sur le grade de rédacteur territorial principal

Elle a d’abord fait des études de droit (Master 2) à l’Université d’Aix Marseille qu’elle complète par une licence professionnelle « Métiers territoriaux » à l’Université d’Angers.

Après ses études, elle débute comme Directrice Adjointe en charge des ressources humaines et des finances à la communauté de communes de la Région du Lion d’Angers. Elle reste 3 ans et 8 mois dans ce premier poste avant de rejoindre la ville d’Angers où elle exercera la fonction de « manager de centre-ville » durant 3 ans et 6 mois.

Mais Maud BATAILLE ne se sent pas totalement épanouie et sollicite un bilan de compétences (qui est pris en charge par la Mairie). Elle travaille alors sur ses envies, sur sa volonté de s’ouvrir et de déployer ses aspirations profondes. L’idée de l’expatriation a alors germé, pour vivre une autre expérience, dans un environnement différent afin de questionner ses pratiques et son positionnement.

Elle quitte la municipalité d’Angers en septembre 2016 et part au Canada, dans la province du Québec, grâce à l’obtention d’un Permis Vacances Travail.

En aout 2018, elle rentre en France. Elle revient à Angers mais après 2 ans d’absence, son poste avait été pourvu. La ville, consciente de ses compétences, la positionne sur un poste transversal de gestion de projet. Ce sera seulement pour quelques mois. Maud BATAILLE a découvert l’univers des Tiers Lieux au Canada et souhaite rejoindre ce mouvement. En mars 2019, elle devient Manager du Tiers Lieux la Canopée, à la communauté de communes La Roche aux Fées Communauté.

Son départ

Au début de l’année 2016, elle pose sa demande de Permis Vacances Travail auprès du ministère des Affaires Etrangères du Canada. Les Programmes Vacances-Travail sont des accords internationaux qui s’adressent à un public jeune de 18 à 30 ans (35 ans pour l’Argentine, l’Australie et la Canada) et désireux de s’expatrier, durant une durée maximale de deux ans, à des fins touristique et culturelle dans l’un des pays partenaires, en ayant la possibilité de travailler sur place pour compléter ses moyens financiers. Le cadre de ces programmes est précisé, de manière réciproque, par un accord bilatéral que la France a conclu avec seize pays ou territoires.

Elle choisit le Québec car, en tant que manager de centre-ville, elle a identifié par ses lectures qu’il s’y pratique une manière très transversale et valorisant l’intelligence collective dans le pilotage et l’animation des projets. Elle veut en savoir plus.

Coup de chance, elle reçoit son acceptation en quinze jours (lors qu’il faut souvent attendre plusieurs mois).

Elle prépare son départ « en parallèle de mon travail » durant les six mois suivants : « j’ai tout géré toute seule. Sur le Québec, administrativement, si on cherche un peu, tout est sur le WEB ». Elle clôture l’ensemble des contrats (assurances, …), se trouve une mutuelle pour le Canada, organise ses comptes en banque, etc. « je ne savais pas si c’était une parenthèse ou un nouveau départ ; je souhaitais être libre de mes choix sur place ». Elle part seule.

Vis à vis de sa collectivité (Angers) elle annonce son projet et demande une disponibilité pour convenance personnelle pour un an. Cette annonce est très bien reçue : « cela va être très riche pour toi », « tu vas récolter de nouvelles idées », etc. A son retour, elle est sûre de retrouver un poste. La ville lui proposera une autre fonction. Tout se passera simplement au plan administratif. Mais il n’y aura aucune demande particulière de témoignage. Finalement « pour eux c’était une parenthèse».

Lorsqu’elle décolle pour Québec, Maud BATAILLE sait où elle dormira les deux premiers mois. Elle part juste avec un sac à dos et projette de fonctionner via le woofing (l’idée est de proposer sa force de travail dans de petites exploitations ou autres et en échange elle sera nourrie et logée gratuitement). Elle débute donc son expatriation en woofing dans une auberge de jeunesse située à Levis, puis se met en recherche de job en lien avec ses envies : gérante libraire !

Finalement elle sollicitera une seconde année de disponibilité pour vivre ses 2 années d’expatriation.

Le fonctionnement sur place

En tant que bénéficiaire d’un Visa « PVT », elle ne peut pas travailler dans un service public. « Or, j’avais un vrai sens du service public ». Après la période « woofing », elle se met en recherche d’une activité avec trois « conditions » : un travail rémunérateur qui répond à ses envies, laisse du temps libre pour discuter, observer et permette aussi de découvrir et de randonner.

Maud BATAILLE a toujours rêvé d’être libraire. Elle identifie alors une opportunité et postule. Elle est recrutée : « j’ai halluciné, on m’a donné ma chance ». C’est un fait qu’elle va constater à de multiples reprises : l’accueil est franc et les personnes accordent facilement leur confiance. Le défi n’est pas de décrocher le job mais vient ensuite : le conserver. La facilité est dans les deux sens : « on peut être licenciée dans la seconde ». Elle se trouve en accord avec ce modèle qui renforce selon elle la responsabilité de chacun, autour d’objectifs déterminés et précis. En France, cette absence de confiance bride selon elle la créativité et les motivations.

Maud BATAILLE prend alors un poste de gérante libraire au sein d’une librairie indépendante sur Québec puis dans une librairie franchisée sur Montréal (au total 14 mois à 80% afin de garder du temps libre). Sur ce temps, elle part découvrir différentes initiatives avec le collaboratif en point commun.

Tout d’abord, elle explore les « bibliothèques 3ème lieu » : « les Québécois partent sur un équipement public qui doit servir à tous. Passer la porte ne doit pas être un frein » Puis elle sollicite des entretiens auprès de groupements de chefs d’entreprises où elle explore le modèle d’apprentissage par les pairs et par le collectif.

Cette démarche d’exploration demande une réelle humilité selon Maud BATAILLE. Il faut être dans le « donnant-donnant » et pouvoir accueillir l’autre dans sa globalité (ce qui ne semble pas être le point fort des Français qui partent à l’étranger selon elle). Il faut pouvoir dire « je ne sais rien – apprends-moi ».

 

Les enjeux personnels

Maud BATAILLE part seule en septembre 2016. C’est volontaire. Elle souhaite ainsi se donner les meilleures chances pour s’ouvrir au pays et à ses habitants. Elle a choisi un territoire francophone pour pouvoir profiter au maximum de la rencontre (sans le souci de la langue). Elle s’immerge ainsi pleinement dans la culture québécoise en liant des contacts avec toute personne rencontrée et en développant des amitiés sincères. Même si elle évite les français expatriés, elle se rapprochera au fil du temps d’un groupe d’expatriés (européens) qui partaient vivre la même expérience. « Cela nous a lié et une fois rentrés, on se voit souvent pour discuter de cette expérience ».

Quand Maud BATAILLE dépose sa première demande de disponibilité pour un an, elle sait qu’elle retrouvera un emploi à Angers si elle revient : « c’était important pour moi ». C’est une sécurité même si elle n’est pas certaine de revenir.

Maud BATAILLE part pour se trouver et pour découvrir une nouvelle voie.

Au niveau de ses revenus financiers, elle perd bien évidemment au début de son expérience. Elle l’a préparé : « je suis parti avec 5000 € d’économie : c’est un challenge ». Elle fait toutefois attention à ses dépenses, notamment en cherchant une collocation.

Elle apprend aussi une autre manière de voir le travail. « Au Québec, si tu fais 10 min de plus que ton temps de travail, c’est que tu es mal organisée ». Aujourd’hui elle veille à ce que ses équipes partent à l’heure. Toutefois, ce cadre est particulier. S’il y a peu de vérification et contrôles c’est que le cadre est très fort, « chacun sa place » et les syndicats sont très puissants (« les managers ne peuvent pas faire n’importe quoi »).

Et après ?

A son retour, la Ville d’Angers avait recruté une nouvelle Manager de centre-ville et Maud ne redemande pas à réintégrer ce service. L’expatriation a permis à Maud BATAILLE de trouver son champ d’intervention qui convient à sa personnalité : les tiers lieux. Elle quitte donc assez rapidement la ville après quelques mois pour s’épanouir dans un nouveau travail : Manager d’un tiers lieu à Janzé (35). Dans ses nouvelles fonctions, identifiées à son retour, « j’y déploie toutes mes capacités ». Mais les bénéfices de la rencontre interculturelle ne sont pas immédiatement visibles pour Maud. « l’appropriation est lente et c’est au retour que l’on comprend un certain nombre de choses ».

Au-delà de cette « ouverture », Maud BATAILLE revient avec une vraie boite à outils tant dans le savoir -être que des savoirs-faires qui lui apparaissent essentiels dans nos politiques publiques : « je me suis formée à la facilitation ».

Mais surtout, c’est sa curiosité et son assurance qu’elle laisse éclore : « dans mes postes avant mon départ, la vérité venait de la hiérarchie : j’étais cadre B, je n’étais pas légitime à dire les choses. L’expatriation nous ouvre, nous donne confiance. On le comprend après mais aujourd’hui j’ose ! ». « Je ne réfléchis plus en catégorie A, B ou C mais en management collaboratif ».

Elle revient par manque du Pays « j’ai pris conscience de la beauté de la France en la quittant ». L’enracinement aux origines est important pour avancer. On en prend conscience en se déracinant.

Etonnamment à son retour, il y aura peu de curiosité sur cette expérience : elle discutera essentiellement de manière informelle avec certains collègues et notamment avec la direction de certains services notamment des bibliothèques (du fait de son champ d’activité à Québec). Mais ni les Ressources humaines ni le service Communication ou le service Relations internationales ne se saisissent de son expérience pour alimenter la réflexion interne : « on ne valorise pas ces parcours ». Aucune question de sa collectivité n’apparait (contrairement à ce qui lui avait été dit à son départ : « tu reviendras avec des idées »). Elle est très étonnée de ce manque de curiosité : « quand on parle de notre expérience, on ne nous écoute pas » et les autres se disent souvent que ce n’est pas pour eux.

Son conseil

La mise en disponibilité, pour les territoriaux, c’est « une ligne de vie » comme dans les parcours d’escalade. Cela permet de tout tenter avec un filet de sécurité. Donc si vous avez une envie « allez-y » / « le seul frein c’est soi-même ».

Mais pour vivre cette expérience à 100%, il faut « lâcher prise », vivre aux grés des rencontres et opportunités, et ne pas vouloir calquer son ancien train vie de France.

Le Québec amène une humilité certaine : « je suis revenue vivante, davantage conscience de mes envies, mes besoins. Ouverte davantage aux autres, à la nature et au monde qui m’entoure ».

Et pour terminer cet entretien, Maud BATAILLE ne nous recommande pas un livre mais un groupe de musique qu’elle a découvert : « les cow-boys fringants ». https://www.cowboysfringants.com/discographie/

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

Juillet 2022


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