Isabelle CAUSSANEL


DisponibilitéRevenu.e dans sa collectivitéAfrique du SudPrivéPlus de cinq ans

Isabelle CAUSSANEL a 55 ans. Elle a réalisé toute sa carrière dans la fonction publique territoriale. En 2006, elle décide avec son mari de tenter l’aventure sud-africaine. Ils partent en famille avec leurs trois enfants pour créer leur entreprise de tourisme. L’expérience durera 8 ans. Elle est aujourd’hui revenue à la Réunion où elle est en charge de la coopération régionale au sein du Département de la Réunion.
Entretien réalisé en avril 2021

Isabelle CAUSSANEL est dans la fonction publique territoriale depuis plus d’une trentaine d’années. Elle a débuté sa carrière à la Mairie de Saint Denis de la Réunion. Puis elle a intègré le Conseil départemental de la Réunion où elle s’est occupé, à la direction de la culture, de la lecture publique. Elle est mobile au sein de l’administration et occupe successivement différent postes. Elle a intègré dans un premier temps la DGA coopération régionale pour plusieurs années. Elle a ensuite rejoint la Direction Générale des Services en tant que chargée de mission durant quatre année puis elle s’est occupée des structures d’accueil du jeune enfant à la PMI.

L’idée de partir à l’étranger la démange elle et son mari (enseignant) depuis plusieurs années. Elle n’a pas encore d’expérience internationale professionnellement mais ils voyagent très régulièrement, notamment en Afrique du Sud. Ils construisent donc un projet personnel et en 2006, ils posent chacun une demande de disponibilité et tentent l’aventure. Ils partent s’installer à quelques kms de Cape Town (Le Cap) sur la côte sud-ouest de l’Afrique du Sud.

Durant 8 années, ils vont développer leur propre activité économique : la construction et la proposition de circuits touristiques à la carte (https://www.afsud.co.za/).

En 2014, c’est le retour à la Réunion. Isabelle CAUSSANEL demande sa réintégration. Elle revient d’abord au sein de la Direction des Ressources Humaines puis, depuis 2016, elle est à nouveau au sein du Service de Coopération Régionale où elle s’occupe de différents projets sur la zone de l’océan Indien.

Le fonctionnement sur place

Isabelle CAUSSANEL est partie dans le cadre d’un projet familial. Deux à trois ans avant son départ, elle et son mari décident de vivre une expérience à l’étranger avec leur trois enfants (alors en bas âge) : « on a préparé ce départ bien en amont en économisant pour pouvoir vivre quelques mois sans revenus ».

En effet Isabelle CAUSSANEL et son mari, tous les deux fonctionnaires (elle territoriale, lui de l’Education nationale), ne s’inscrivent pas dans une expatriation par détachement, au sein du réseau du MAE par exemple : ils souhaitent créer leur propre activité et sont conscients qu’il leur faudra quelque temps avant d’atteindre la rentabilité.

Ils choisissent la région de Cape Town car ils y vont régulièrement pour les vacances et y ont plusieurs connaissances qui les aideront dans leur installation.

En 2006 ils partent sans savoir exactement pour combien de temps : « on était partis en se disant que ce serait peut-être pour de bon » nous rapporte Isabelle CAUSSANEL.

Au plan administratif, ils ne rencontrent aucun réel souci : « c’est très simple : en quelques clics on crée l’activité ». Mais c’est sur le plan du projet économique que c’est le plus dur. Isabelle CAUSSANEL et son mari n’ont pas l’expérience de la création d’entreprise et ils vont créer toute l’activité : les circuits proposés, la recherche de clients, la gestion, etc… « passer de fonctionnaire à entrepreneur est une expérience compliquée » d’autant qu’ils doivent travailler dans une autre langue (même si la clientèle ciblée est francophone). Ils vont construire leur activité et ne touchent leurs premiers revenus qu’au bout d’une année.

Les enjeux personnels

Isabelle CAUSSANEL est partie en sollicitant une disponibilité pour élever un enfant de moins de 8 ans. A partir de 2006, elle sollicite donc chaque année un renouvellement de sa disponibilité pour un an supplémentaire : « c’était le seul contact avec ma collectivité – une fois par an ».

Elle avait annoncé son départ quelques mois à l’avance et cela n’avait posé aucun problème. Mais cela n’avait suscité aucun intérêt particulier non plus. Elle avait toutefois reçu un courrier officiel du Président du Conseil départemental de la Réunion de l’époque pour représenter la collectivité auprès du consulat. Elle rencontre alors le Consul qui l’accueille assez fraichement « il n’’avait pas de place pour moi ». Ses relations s’amélioreront avec le consulat en changeant de statut, en tant qu’entrepreneure française en Afrique du Sud, au fil des mois.

Aucun lien avec le service Coopération régionale du département n’est formalisé à l’époque. Seul le site « réunionnais du monde » s’intéresse à leur expérience (https://www.reunionnaisdumonde.com/magazine/actualites/reportages/reporter-reunionnais-du-monde-isabelle-caussanel-en-afrique-du-sud/).

Au plan personnel, l’expatriation n’est pas si simple : « au début vous êtes sur un nuage mais au bout de six mois de difficultés, vous vous demandez parfois si vous avez eu raison de partir». Comme le rappelle Isabelle CAUSSANEL dans ce témoignage en 2008 au site « Réunionnais du Monde – cf. ci-dessus), l’Afrique du Sud est une société très contrastée avec 11 langues officielles et surtout avec l’Afrikaans. Ainsi, ses enfants s’intègrent-ils très facilement : ils sont inscrits dans une école sud-africaine (par choix mais aussi car l’école française était beaucoup trop loin) : ils apprennent vite l’anglais et l’Afrikaans pour communiquer avec leurs amis. Et c’est à la maison que l’on apprend à lire et écrire le français (au retour il faudra des cours intensifs de grammaire et d’orthographe).

Mais pour Isabelle CAUSSANEL et son mari, l’intégration à la société civile sud-africaine est plus difficile du fait, notamment, de l’importance de la langue afrikaans dans cette région du Western Cape et de la religion dont la pratique rythme la vie des familles sur place. Les liens d’amitié se sont donc plus développés avec d’autres Français ou francophones.

Au plan social, l’Afrique du Sud est un état très libéral et très peu protecteur. Isabelle CAUSSANEL et son mari ne peuvent cotiser pour des mutuelles et leur retraite. A leur retour, ils mesurent la chance de l’organisation de notre système social.

Et après ? Le Retour

Isabelle CAUSSANEL et son mari sont conscients du filet de sécurité que représente leur statut. C’est un atout pour leur départ. Ils feront donc appel à cette possibilité de réintégration au bout de huit années lorsqu’ils décident de rentrer.

Elle écrit alors à sa collectivité six mois avant la fin de sa disponibilité pour prévenir de son souhait de réintégration. Elle ne reçoit pas de réponse et à son arrivée, rien n’a été préparé. Elle restera deux à trois mois sans poste (et sans salaire) avant que la collectivité ne lui fasse deux propositions « communication interne ou personnes âgées ». Isabelle CAUSSANEL choisit la communication interne où elle savait pouvoir retrouver ses marques plus rapidement.

Elle redémarre alors son activité, sans susciter aucune curiosité particulière «  j’ai cru qu’on allait s’intéresser à mon expérience mais pas du tout : aucune question n’est apparue – c’est comme si j’étais partie la veille».

Et pourtant, la double expérience (à l’étranger et en tant qu’entrepreneure) est riche d’enseignement et pourrait interpeller l’institution publique dans son fonctionnement : « en revenant je me questionne sur la lenteur de certaines prises de décision ou l’utilité de tenir des réunions de trois heures sans prise de décision… ».

Au plan salarial, sa disponibilité a stoppé sa carrière huit ans avant : « pas de discussion sur ce plan car j’étais au courant avant de partir : il faudra juste travailler un peu plus longtemps pour la retraite » nous reconnait-elle dans un sourire. Mais au-delà, pour une absence aussi longue, Isabelle CAUSSANEL convient qu’elle ressent un décalage fort professionnellement car la collectivité a évolué ainsi que le cadre réglementaire qu’elle doit intégrer et rattraper. C’est une charge de travail supplémentaire « les lois ont évolué depuis mon départ et il y a eu un travail de mise à jour important pour me remettre à la page ».

Ainsi l’expatriation apparaît pour Isabelle CAUSSANEL comme une expérience très riche personnellement mais professionnellement, le bilan est plus contrasté.

Son conseil

Pour Isabelle CAUSSANEL, un départ en expatriation, surtout sur un projet professionnel personnel, il faut faire preuve d’une forte capacité d’adaptation et humilité. Adaptation car vous rencontrez une société ou les règles, les coutumes, l’attitude interpersonnelle sont différents. Humilité car vous n’arrivez pas en terrain conquis : les échecs, nombreux au départ, sont surmontés que si vous avez une conviction forte en votre projet.

Au plan professionnel, Isabelle CAUSSANEL propose qu’un debriefing oral direct avec une personne de la Direction de Ressources Humaines puisse se faire, sans filtre, pour parler de l’expérience. A partir des éléments recueillis, il revient à la DRH de voir si certains éléments peuvent être positifs pour la collectivité.

 

Pour conclure, Isabelle CAUSSANEL nous avoue : « on repartira : cela nous manque déjà ».

 

Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Avril 2021