Hélène DELFORGE


Hélène DELFORGE a 32 ans. Elle occupe le poste de Cheffe de projet Nord durable au Conseil départemental du Nord. En 2018-2019, elle passe un an à Washington, capitale des États Unis avant de revenir dans sa collectivité. « Cette expérience, je l’ai trouvée dingue. Désormais, je ne peux envisager de rester toute ma vie sur un poste. Cela m’a rendu mobile et adaptable ».

Son parcours

Hélène DELFORGE est du Nord. Après des études à l’Université de Lille, elle suit une licence à l’IAE de Lille en Management des collectivités jusqu’en juin 2013. Elle est recrutée au Conseil départemental du Nord en septembre comme assistante du Directeur Général du Développement Territorial. Elle passe le concours et devient rédactrice territoriale en février 2014. Elle gravit les différents échelons jusqu’à devenir Chargée de mission « Pilotage » au sein de la même Direction, où elle s’occupe du domaine RH.

Au cours d’un voyage au Botswana, où elle visite avec son conjoint, des amis partis en VIE (Volontariat International en Entreprise), ils découvrent l’expatriation et le mécanisme du volontariat. « Cela semblait super ». A leur retour ils se renseignent et son conjoint décroche un VIA (Volontariat International en Administration) par une connaissance à la DGFIP qui partait en poste à Washington et avait besoin d’un adjoint. En 2017 il est retenu et décolle en novembre.

Hélène DELFORGE vient de réussir le concours d’attachée territoriale. Elle décide de rester en France encore quelques mois pour finir sa période de stage et valider sa titularisation.

Elle et son ami se pacsent en 2017, avant le départ. Ainsi, en 2018, elle peut, après sa titularisation, déposer une demande de disponibilité pour rapprochement de conjoint. Elle le rejoint en juillet 2018 (« je pars dans un premier temps sur mes congés avec un début de disponibilité en septembre »).

Ils resteront aux States jusqu’en septembre 2019.

A son retour Hélène DELFORGE réintègre le Département du Nord, dans un premier temps comme contrôleuse de gestion à la Direction des finances. Depuis mars 2023, elle est Cheffe de projet Nord durable à la Direction des collèges.

Le fonctionnement sur place

Tout d’abord, rejoindre son conjoint n’a pas été simple. Dans un premier temps, le couple s’est pacsé pour que Hélène DELFORGE puisse demander une disponibilité. Toutefois, l’Administration de Bercy (Ministère auquel est rattaché son conjoint en VIA) indique cela ne suffit pas pour obtenir un visa « A2 conjoint » aux USA. « On s’est donc marié aux Etats Unis en janvier 2018. Puis on a fait reconnaitre le mariage en France par le biais du Consulat de France à Washington». Etant reliée à l’Ambassade de France, elle bénéficie de facilités pour obtenir son visa. Elle doit toutefois faire valider son visa à Ottawa et non en France (la DGFIP ne souhaitant pas délivrer de passeport de service pour les conjoints,  le  MAEE n’aurait été en capacité de réaliser de notes permettant d’obtenir un visa auprès de l’Ambassade des Etats-Unis en France. Le service protocole de l’Ambassade de France aux Etats-Unis s’est chargé de réaliser cette note en lieu et place du MAEE et nous a recommandé d’effectuer le visa à l’Ambassade des Etats-Unis à Ottawa (celle-ci fut moins regardante de l’origine de la note (à savoir s’il s’agissait de l’Ambassade de France ou du MAEE à Paris). )

« Les premières semaines, c’est le bonheur : on est dans un état d’esprit de vacances ». Puis les semaines passent, son conjoint a son activité. Hélène se demande « et maintenant qu’est-ce que je vais faire ? qu’est-ce que je vais devenir ? ». Partie dans l’enthousiasme, elle se rend compte qu’elle a peu préparé son expatriation. Durant les premiers mois « mon conjoint a construit son réseau. Je suis alors connue comme « la femme de… » ». C’est assez difficile à vivre reconnait Hélène. De plus, le réseau en ambassade est constitué essentiellement de hauts diplômés d’écoles très prestigieuses, « j’ai ressenti une forme de fracture sociale ».

Elle s’inscrit dans une association pour améliorer son anglais. Cela lui permet de rencontrer beaucoup d’expatriés autres que français. Si elle et son mari vivent dans un studio, beaucoup d’amis vivent en colocation. Cela leur facilite aussi les rencontres avec la population locale. « les Américains ont un contact très facile, font en sorte de nous intégrer sans tisser toutefois de relations profondes. »

Hélène DELFORGE postule sur un CDD pour les Affaires sociales à l’Ambassade de France. Elle n’est pas retenue. Elle repostule ensuite, mais au service des Visas où elle est recrutée pour un CDD de 2 mois. Puis après un mois sans emploi, elle est à nouveau recrutée en CDD sur une plus longue durée. Elle restera à ce poste jusqu’à son départ et retour en France.

Même si c’est un petit service Hélène DELFORGE constate un rapport très hiérarchique du fonctionnement du Consulat .En tant qu’agent venant de la territoriale, « j’ai entendu des remarques sur la valeur des concours et une sous-estimation de la fonction publique territoriale ».

Malgré la curiosité qu’Hélène développe pour ce nouveau poste dans un nouvel environnement, celui-ci n’est pas forcément pas stimulant sur le long terme (« c’est d’abord un job alimentaire » – c’est d’ailleurs un service qui comprend essentiellement des conjoints de VIA ou d’expatriés). Le fonctionnement est très rationalisé – « c’est une sorte d’usine administrative ». Une société privée est en contrat avec l’Ambassade. Son premier rôle est l’accueil des demandeurs de visas Schengen dans les 8 consulats français du territoire américain, puis se charge de tout remonter à Washington. Quotidiennement, elle arrive avec son lot de dossiers. Les vacataires comme Hélène font une pré-instruction sur 60 dossiers par jour en moyenne (avec un management américain « tous les jours au tableau est affiché un quota de dossiers à instruire dans la journée »). En fonction des expertises des vacataires , ils traitent les visas court séjour ou long séjour. Pour sa part, Hélène DELFORGE assurait aussi le suivi comptable et financier des demandes des visas.

Comme elle vient du Nord, si les demandes étaient pour sa région, on lui transmettait. Mais c’était peu fréquent, « surtout des étudiants mais pour les longs séjours, c’étaient essentiellement des retraités vers la Gironde ». Pour les courts séjours, Hélène remarque que les demandes viennent de personnes de multiples nationalités (les dossiers ne sont alors pas du tout les mêmes). En termes de charge de travail, elle est bien occupée mais par rapport à son niveau d’études, Hélène se sent sous utilisée. « Sur la fin je m’ennuyais un peu, je ne me voyais pas rester plus longtemps ».

Ce poste lui a permis également de co-organiser les élections européennes pour les français de l’étranger. « Je garde le souvenir d’avoir rencontré à ce moment-là Christine Lagarde, encore à cette époque Directrice Générale du FMI. »

En tant qu’agent de l’Ambassade, Hélène participe aussi aux cocktails ou cérémonies au sein de la résidence de l’Ambassadeur de France à Washington (Gérard Araud à l’époque).

Les enjeux personnels

A son arrivée, le conjoint d’Hélène se loge en louant quelques nuits via Airbnb. Puis par le réseau des français de Washington, il a repris un studio d’un ancien expat. Le couple vit dans un studio de 20m2 dans un beau quartier au sein de Georgetown. « C’est un quartier un peu ancien, un peu romantique, très agréable à vivre, très vert avec une faune et une flore très riche (pas un jour sans voir des biches, des écureuils, etc), de plus, Washington est ensoleillé tous les jours ». Ils peuvent aller à l’ambassade à pied. L’ambassade est située juste en phase de la célèbre université Georgetown.

La location est un peu onéreuse mais il est « toutes charges comprises » : « cela responsabilise peu ». Même si l’eau est de mauvaise qualité, la vie semble plus simple, plus légère. « Vous avez une fuite, on le signale au concierge qui fait les réparations en votre absence ». Hélène découvre un gros niveau de confiance locale : par exemple, « les gens font leurs propres brocantes dans leur jardin en laissant sur la table une simple tirelire sans personne pour contrôler ».

Hélène DELFORGE ne ressent pas d’insécurité. Elle est aussi marquée par la forte ségrégation. « En s’aventurant dans les quartiers populaires on découvre les travailleurs pauvres… ». La ville lui apparait « vielle, délaissée, sans investissements publics ».

Le couple profite du fait d’avoir les congés « français » ( 5 semaines pour Hélène en tant que vacataire et 8 semaines pour son conjoint en tant que VIA – « on vivait à Washington avec les avantages des contrats français »).  Ils visitent San Francisco, Los Angeles, Seattle… « le retour a été un peu compliqué par rapport à cette liberté ». Leurs collègues américains, avec leurs deux semaines de congés annuels, ne comprenaient pas qu’ils puissent autant partir en vacances. Le couple participe à de nombreuses soirées, fêtes, bals de promos… « Washington n’est pas les US : c’est une bulle démocrate ».

Au niveau soins, Hélène DELFORGE est inscrite à la Mutuelle des Français de l’étranger. Le couple n’a pas eu de souci « on limitait les consultations : à 200 € le rendez-vous avec un généraliste, on fait attention ». Le couple est aussi parti avec son chien : « des soins en France facturés à 70 € coutent 1500 € aux USA ! »

Et le retour ?

Tout d’abord, le couple aurait bien aimé rester aux USA, même s’il y a eu des hauts et des bas. Toutefois, si « la vie paraît plus cool aux US, nous avons en France les avantages de la protection ». Le tarif d’un accouchement (5000 $) surprend. « On ne se voyait pas sur ce modèle ».

Des connaissances avaient décroché des postes dans des institutions (« parfois simplement en allant prendre un café avec un français qui travaillait à la Banque Mondiale »). Son conjoint essaye un peu mais sans conviction surtout qu’Hélène « ne se voit pas rester travailler au service des visas du Consulat » et n’a pas vraiment d’autres perspectives. Ils décident donc de rentrer (« avec un petit regret au fond de nous»).

Au retour, à Lille, Monsieur retrouve un poste dans sa société PWC. Hélène DELFORGE revient au Département sur son ancien poste. Mais « déjà en partant, j’avais exprimé mon souhait d’évoluer ». Après deux mois elle prend donc un nouveau poste de contrôleur de gestion.

Elle parle de son expérience lors des entretiens mais en insistant sur les softs skills développées lors de cette expérience aux US qui l’a rendue plus entreprenante. « Cette expérience, je l’ai trouvée dingue, hors du commun. Désormais, je ne peux envisager de rester toute ma vie sur un même poste. Cela m’a rendu mobile et adaptable et toujours à la recherche de nouvelles expériences d’évolution ». Certes, lors d’un entretien, un directeur s’est posé une question sur sa stabilité. Elle se rend hélas compte que cette expérience n’est pas forcément un « plus » pour les recruteurs.».

Hélène avait une appréhension sur le retour « est-ce que cela ne va pas me fermer des postes ? ». Finalement ce ne fût pas du tout le cas selon elle.

Sur le plan relationnel, elle aborde ses rencontres, sa vie aux Etats Unis. Elle ressent toutefois un manque d’intérêt de la part de ses relations sur les US : ils et elles ont peu de questions et souvent ressortent des clichés bien ancrés sur les Américains. « J’ai essayé de déconstruire ces clichés, ce pays est bien plus complexe qu’il n’en a l’air ou que l’image que les médias, le cinéma tendent à diffuser ».

Dans les relations professionnelles, le retour dans une DGA « Développement territorial » l’a radicalement projeté dans un autre univers. A l’ambassade, Hélène DELFORGE a dû s’adapter au fonctionnement des fonctionnaires d’Etat, à la bureaucratie d’Etat. « Au Département, j’ai retrouvé un environnement plus familial, très nature. C’était presque trop chaleureux (rire). Il a fallu me réadapter ».

Son conseil

Le premier conseil d’Hélène DELFORGE est de « bien préparer son départ avec un plan A et un plan B » en s’appuyant sur les associations d’expatriés et les groupes dédiés sur les réseaux sociaux.

Le second conseil : « Ne pas se donner de limites ! ». Malgré le décalage social et de formation, ce que Hélène a adoré c’est que tous « ont été dans le même bateau, entre expatriés, on apprend à développer une certaine tolérance».

Et repartir ? La réponse d’Hélène claque immédiatement : « J’aimerai bien. Mais que cela soit moi qui parte cette fois et ce sera mon conjoint qui me suivra ! »

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Mars 2024


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