Helen ROCHERY


SoudanDisponibilitéOrganisation internationaleRevenu.e dans une autre collectivitéPrivéPlus de cinq ansChine

Helen ROCHERY a 49 ans. Elle est aujourd’hui Cheffe de Service Europe et International au Département de la Gironde. Son parcours international est riche. Elle a été expatriée huit ans, de 2005 à 2013, d’abord à Khartoum au Soudan (où elle travaille notamment pour le PNUD) puis à Guangzhou (Canton) en Chine.
Entretien réalisé en mars 2023

Son parcours

Helen ROCHERY a suivi ses études à l’IUP Banque Finances Europe de l’Université de Nantes en alternance entre Nantes et une université londonienne. Elle passe ainsi trois annéea à Londres et obtient un Master d’économie internationale et finance à la Middlesex University. Revenant en France, elle conclut ses études par un master « Economie du développement local et de l’aménagement du territoire » à la Sorbonne en 1997.

A la suite de son diplôme elle est recrutée en octobre 1998 par l’association interdépartementale pour le développement de l’Estuaire de la Gironde (CD33 CD17), en tant que chargée de mission Europe, notamment pour piloter un projet Leader. Elle n’y reste que 8 mois pour prendre rapidement son poste suivant.

En juin 1999, elle rejoint en tant que Directrice Générale des Services, le Syndicat Mixte du Pays de la Haute Gironde à Blaye en Gironde où elle restera 6 années au cours desquelles elle porte la création du Pays avec une équipe de 10 personnes. Elle passe le concours d’attaché territorial en 2003 et quitte le pays en 2005. Elle prend alors une disponibilité pour rapprochement de conjoint. Elle part en avril 2005 pour rejoindre son compagnon basé à Khartoum depuis septembre 2004 (Conseiller de coopération et action culturelle à l’ambassade de France).

Au cours d’un voyage à la Toussaint 2004, à Khartoum, Helen ROCHERY rencontre par hasard plusieurs personnes du PNUD, dont la directrice locale. Le PNUD a alors à Khartoum, à la suite des accords de paix, une des plus grosses délégations à l’étranger (après Bagdad et Kaboul), près de 250 personnes. Dès son arrivée en avril 2005 elle est recrutée comme consultante par le PNUD comme cheffe de service sur la Gouvernance : « la vision française de la gouvernance et de la décentralisation intéressait le PNUD ». Elle restera 19 mois en poste. « Je mets fin à mon contrat car ma posture est trop inconfortable dans ce microcosme assez particulier ». Elle prend quelques mois pour s’occuper de son jeune fils.

Finalement, le directeur du Lycée français de Khartoum la sollicite pour prendre le poste de professeure d’anglais pour le collège et le lycée :« histoire de rencontres et d’opportunités saisie à chaque fois ». Elle assure ainsi une année scolaire.

Après 4 ans, le contrat de son conjoint au Soudan avec le MAE se termine. Le couple tombe d’accord pour repartir et monsieur resigne avec le MAE pour un poste en Chine. Helen ROCHERY est alors enceinte d’un second enfant. Elle reste accoucher en France et ne part en Chine, à Guangzhou (Canton) retrouver son conjoint qui est Attaché culturel auprès de l’Ambassade de France, qu’après quelques mois, début 2009. Dans un premier temps, elle se consacre à ses enfants et à apprendre le Mandarin. Finalement, en octobre 2010, elle est recrutée par la Chambre de Commerce de l’Union Européenne comme directrice adjointe pour la Chine du Sud « Delta de la Rivière des Perles ». Elle y reste jusqu’à son retour en France.

Elle rentre à l’été 2012. Son mari, qui était Chef de la Mission des Relations internationales à la Région Aquitaine, réintègre (de droit) sa collectivité en septembre 2012. Elle n’a donc pas d’obligation. Elle s’occupe de la rentrée des enfants, etc. Après trois mois, elle identifie un poste à la Région sur la formation professionnelle. Elle postule et est recrutée « à la première candidature » comme Cheffe de Service Développement de l’Accès à la Qualification en janvier 2013. Elle y reste 4 ans et 5 mois jusqu’en mai 2017. Elle décide alors de changer et candidate au Département pour un poste de chef de service Europe. A son recrutement, le Président du Département la reçoit. Devant son parcours international, il élargit son périmètre. Helen ROCHERY est depuis mai 2017 Cheffe de service Europe et International au Département de la Gironde.

Son départ

Sur son premier poste de management, après 6 ans « j’avais fait le tour ». Elle s’en ouvre à son Président. Elle passe le concours d’attachée territoriale en 2003 et propose alors « un deal ». Elle assure de rester jusqu’au vote du budget 2005. Mais en contrepartie, elle obtient de pouvoir faire sa formation d’intégration en 7 mois. Ainsi, quand elle quitte le Pays, elle est titulaire depuis septembre 2004 et a fini sa formation obligatoire. Mais ce départ se fait dans la douleur : « j’étais très présente pour la création du Pays que j’ai vraiment portée » et des collègues et élus m’ont reproché ce départ, « le vivant comme un abandon ». Elle vit mal cette situation. « Les gens qui restent ne s’intéressent pas à votre expatriation ».

Le départ est pour elle, définitif : « j’avais pris l’engagement en conseil syndical que je ne reviendrai pas dans cette collectivité. »

Elle rejoint son conjoint. Le couple a construit ce projet de départ ensemble mais ils partent en décalé (lui en septembre 2004, mois du début des contrat au MAE et elle en avril 2005). Elle obtient une disponibilité. Recrutée au PNUD, elle espère un temp pouvoir obtenir un détachement (plus intéressant au point de vue de la progression de carrière). Mais la bureaucratie onusienne ne permet pas cette possibilité.

Pour son second départ pour la Chine, Helen ROCHERY reste d’abord en France pour accoucher à la fin de l’année 2008 de son second fils. Elle rejoint son mari après deux mois mais ne cherche pas à travailler immédiatement.

Le fonctionnement sur place

Pour sa première expatriation professionnelle (après celle de ses années d’études à Londres), Helen ROCHERY intègre le PNUD, imposante machine Onusienne. Elle est alors sur une fonction d’appui à la gouvernance : « avec une pratique française et une connaissance anglosaxonne » elle intéresse particulièrement le PNUD et le gouvernement soudanais. Sa responsabilité est alors de missionner et suivre différents experts internationaux de haut niveau pour la mise en place de multiples sujets liés à la gouvernance. « Ce poste a été très formateur mais aussi très dur. On avait énormément d’argent à dépenser, avec de nombreuses luttes internes au PNUD ». Finalement elle démissionne après 19 mois : « je venais d’avoir mon fils, je voulais m’en occuper ».

Pour la Chine, elle découvre la Chambre de commerce de l’Union Européenne (CCUE) par relation. La Chambre fête alors ses 30 ans dans le pays. Son profil territorial intéresse, même si elle n’est pas très « commerce » : elle va gérer les relations avec le gouvernement local, le lobbying, s’assurant du bon déroulement « des rencontres très protocolaires, très codifiées ». Elle produit aussi différentes notes de situation économique « comme dans mon premier poste à Londres ». Le travail de la CCUE est moins sur la construction de réseaux (comme les autres chambres de commerce nationales) que productrices d’informations utiles aux chefs d’entreprise.

« Ma capacité d’animation interculturelle m’a fortement servi dans chaque poste ». Au Soudan elle doit animer une équipe constituée de 60% Soudanais mais aussi comprenant de nombreux experts mondiaux. En Chine, à la CCUE, elle a aussi une équipe pluriculturelle avec des Hollandais, des Roumains, des Chinois, un Russe, un Singapourien, etc… « Il me fallait faire travailler tous ces gens entre eux ».

En termes de statut, en tant que femme de diplomate français, l’ambassade lui octroie aussi ce statut. Mais elle ne peut alors pas travailler : à Khartoum, elle doit abandonner ce statut pour pouvoir être recrutée par l’ONU (et obtenir un statut de diplomate international). En Chine, elle obtient une dérogation exceptionnelle pour garder ce statut de diplomate et mener un contrat local (« j’étais payée au SMIC »). « Je le fais alors pour travailler et pour ne pas être « la femme de… » ».

Les enjeux personnels

Pour la première expatriation à Khartoum, les accords de paix viennent d’être signés donc la situation était stable mais pas simple tout de même : « obligation d’avoir des gardiens pour la maison – le PNUD sécurise fortement »… puis à la mort du Président un coup d’Etat a lieu. « On vit avec un sac sous le lit avec tous les documents importants pour être capable de partir à la moindre alerte et de tout quitter ».

Au-delà de cela, « les conditions de vie sont un peu « roots » » en effet avec un climat rude (45 à 50 °) des coupures d’électricité régulières (« donc plus de climatisation ou de ventilateur ni de pompe à eau »). Et tout va bien « tant que l’on reste en bonne santé » car sinon, les conditions de soins restent très compliquées. « On part donc avec sa propre pharmacie ».

Sur le plan social, le couple est dans les soirées expatriées mais aussi rencontre de nombreuses personnes locales : « mon mari est alors attaché culturel donc nous voyons beaucoup d’artistes, qui sont à chaque fois des bulles d’évasion du quotidien ». Helen ROCHERY tisse de forts liens d’amitiés avec certains : « nous étions invités aux soirées de rupture du jeun et je restais alors avec les femmes, entre nous ».

L’avantage de cette ambiance, c’est qu’au Soud             an les « expatriés ont une mentalité assez conviviale – type ONG » qui est différente de l’ambiance trouvée en Chine, plus « business ».

En Chine, la situation est tout autre. Tout d’abord, Helen ROCHERY vient d’accoucher de son second enfant. Elle ne cherche donc pas à travailler immédiatement. Son premier choix est d’apprendre le Mandarin car les Chinois ne parlent pas l’anglais :« nous prévoyons de rester 4 années donc je me dois d’apprendre la langue locale » ce qu’elle fait 10 heures par semaine pendant 18 mois, en « formation continue ». « Je ne me voyais pas rester 4 ans en Chine sans pouvoir échanger ». Elle prend aussi une nounou pour ses enfants qui ne parle pas l’anglais pour s’obliger à progresser et à pouvoir converser avec elle.

« Les 6 premiers mois furent durs, j’avais peu de contacts et mon mari bossait de longues journées ». Elle va au début dans les réseaux comme « Canton Accueil » qui lui permettent quelques rencontres, notamment de femmes qui avaient des situations en France mais qui ont tout abandonné pour suivre leur mari en Chine. Être une « femme d’expat » , qui se satisfait « de petits boulots en dessous de ses compétences » ne lui convient pas.

Malgré tout elle s’habitue, sans rien lâcher « je conduisais ma propre voiture, ce qui est rare pour les femmes d’expat », etc… Et finalement elle a un coup de cœur pour Guangzhou et la Chine : elle rencontre des Chinois très ouverts qui ont envie de parler, qui adorent les enfants (ce qui facilite ses rencontres). Mais Helen reconnait aussi que le régime est dur et cela génère peu de compassions entre les personnes, ce qui peut induire des situations difficiles à vivre pour elle. « Au bout de 4 ans, il y a des choses que je ne supportais plus ».

Financièrement, notamment l’expérience soudanaise, est fortement intéressante. Mari et femme travaillent avec de hauts revenus qu’ils investissent immédiatement dans l’achat de leur maison en Gironde. Cela permet d’une part d’avoir un pied à terre à chaque retour (notamment pour les naissances). Mais surtout, en revenant de Chine, leur pied à terre est payé.

Sur le plan familial, Helen ROCHERY reconnait que partir avec de jeunes enfants est sans doute la meilleure solution. Partir avec des adolescents lui semble plus hardu, tant du point de vue de la formation que pour gérer cette phase parfois compliquée.

Et le retour ?

Helen ROCHERY rentre en France à l’été 2012. Elle ne cherche pas immédiatement à reprendre un poste en collectivité. Son mari, qui été responsable des Relations internationales à la Région Aquitaine, réintègre sa collectivité. Mais durant plusieurs mois, la collectivité ne lui donne aucune mission ni affectation. « On ne cherche pas à l’utiliser, c’est très dur à vivre » .

Elle s’occupe de la maison et de l’adaptation des enfants avant de reprendre une activité professionnelle. Si à Khartoum les conditions étaient un peu rudes, en Chine elle vit dans une résidence de haut standing. Mais très rapidement elle se dit « dans 4 ans, on rentre. Attention à ne pas vivre « en expat », à vivre simplement sinon le retour sera dur » (par exemple, elle continue à faire la vaisselle, les courses, les lessives même si elle a une employée de maison). Et en effet « on revient ensuite à la vie réelle ».

Heureusement, avec la qualité des salaires, le couple a pu acheter la maison, ce qui est un avantage aussi lorsqu’ils s’installent à nouveau à Bordeaux.

Professionnellement, elle ne sollicite pas sa collectivité d’attache. Elle intègre la Région Aquitaine Par une candidature spontanée. A l’entretien, elle est face à des recruteurs qui comprennent son profil atypique du fait de leur propre parcours (« l’un venait du secteur de la Banque par exemple »). Son parcours riche et différent leur plait. Et ce parcours s’avère utile notamment sur la question du management pour le poste qu’elle prend où la situation est compliquée : « Je me rends compte qu’il y a une méconnaissance entre collègues ». Elle crée, comme au Soudan ou en Chine, des espaces de discussion « qui permettent aux personnes de se connaitre, d’échanger » ou des moments « vis ma vie » comme ce qu’elle proposait à Khartoum. Elle reprend aussi une méthode découverte en Chine auprès de son directeur hollandais : les « Walking meeting ». « J’emmène l’équipe dans un parc et pendant 1 heure on ne parle pas du boulot mais de nos situations puis la réunion peut se dérouler sereinement ».

Helen ROCHERY concède :« mon arrivée à la Région fût un décalage pour les équipes ».

Selon elle, elle a ramené de ces expériences, un apprentissage de ce management décalé et une hyper-adaptabilité. Mais aussi « on devient plus philosophe et on ne prend plus les choses autant à cœur. On a appris à quitter un poste, un métier ou un pays. On apprend à garder le lien et à faire attention mais aussi à se détacher. »

Son parcours est également apprécié par les recruteurs au Département de la Gironde, dont le Président. Il est plus facile pour elle de le valoriser sur des politiques européennes et internationales.

Selon Helen ROCHERY, chaque expatrié revient avec une réelle curiosité, s’intéresse plus à la personne.

Mais aussi, elle garde du recul : « à mon retour, je fais bien mon travail mais je sais que je peux changer, je ne vais pas y laisser ma santé. » Aujourd’hui elle « n’argumente plus, elle fait ».

Au plan de la carrière, Helen a dû partir avec une disponibilité : « il vaut mieux privilégier le détachement qui permet une progression de carrière ». En effet, avec ces 8 années d’expatriation, elle ne peut toujours pas être nommée « attachée principale » 10 ans après le retour et certains postes lui sont bloqués. « Partir quelques années l’étranger n’est pas le meilleur moyen d’obtenir de hauts postes dans la territoriale ».

Son conseil

Le premier conseil d’Helen ROCHERY : « attention au retour et à l’exemple de ces femmes qui ne supportent pas la chute de niveau de vie ». Son choix a été d’avoir une belle vie avec des facilités mais sans tomber dans le luxueux. « Il faut déjà penser au retour au moment du départ ».

Son second conseil est d’apprendre la langue locale (« c’est un minimum ») pour pouvoir rencontrer les personnes et s’immerger dans la culture du pays .

Sur le plan professionnel, l’expérience est un vrai plus personnellement. Elle concède que les profils peuvent questionner au retour « on peut effrayer, on peut penser de nous qu’on va être compliqué à gérer ». Le problème est que les territoriaux bougent peu dans leur territoire ou leur collectivité et « à un moment, avec notre parcours, on leur renvoie cette image d’immobilité ». Mais ce n’est pas que dans la territoriale : « après 8 ans d’expatriation dans ma propre famille on ne m’a pas posé beaucoup de questions ».

Il faut donc anticiper son retour sans avoir trop d’attentes précises. « On n’est pas attendu, la collectivité a continué sans nous ».

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Mars 2023


> Contacter sur LinkedIn