Guillaume THIERIOT


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)DisponibilitéRevenu.e dans une autre collectivitéPrivéDe deux ans à cinq ansBrésilGuinée-BissauMozambique

Guillaume THIERIOT a 50 ans. Son parcours professionnel se déploie entre collectivités territoriales, coopération au développement et diplomatie culturelle. Il est parti notamment en Guinée-Bissau, au Mozambique et au Brésil pour différents postes.
Il est aujourd’hui Directeur du GIP « Agence Grenoble Capitale Verte Européenne 2022 » depuis octobre 2021.
Fiche rédigée en juillet 2022

Guillaume THIERIOT a une double culture franco-brésilienne. Il est né au Brésil, à São Paulo, où il passe son enfance. Son père y dirige l’Alliance française et sa mère, brésilienne, est metteuse en scène de théâtre. Il parle ainsi couramment le portugais brésilien et a depuis une appétence pour l’international.

Toutefois, après un Master 2 (DEA à l’époque) en Philosophie économique à l’Université d’Aix Marseille, Guillaume THIERIOT est recruté en 2001 au Cabinet du Président Michel Vauzelle à la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA). Il y reste 10 ans et s’occupe de multiples dossiers (jeunesse, santé, solidarité, prévention, puis aménagement et développement durable du territoire, transports, …). En 2008, il prend le poste de Directeur de Cabinet, toujours au service du Président de Région. A ce titre, il aura un œil sur toutes les politiques régionales, y compris les nombreuses actions de coopération décentralisée de la Région PACA.

En 2011, il part pour une première expatriation de 2 ans en Guinée-Bissau comme directeur du Centre Culturel Franco-Bissau Guinéen (cf. § Son Départ). Puis, en 2013, il rejoint l’Ambassade de France au Mozambique et en Eswatini comme COCAC (Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle). Il assure l’animation d’une équipe pluridisciplinaire et multiculturelle, la définition de la stratégie et conseille l’Ambassadeur en matière de coopération au développement. Il a aussi la tutelle du Centre Culturel Franco-Mozambicain, de l’Ecole Française Internationale de Maputo, de l’Alliance Française de Mbabane, et la coordination de grands événements portés par l’Ambassade (projet Mar Nosso en 2014, 2015 et 2016 sur la coopération maritime dans le Canal du Mozambique, année du climat Respirar en 2015 avant la COP21, célébrations de la francophonie).

Guillaume THIERIOT reste en poste 3 ans, jusqu’en août 2016. Il revient en France et trouve un poste à la Ville Avignon en tant que DGA en charge du pôle « Vivre ensemble » (culture, éducation, solidarités, jeunesse, sport). Il y reste 4 ans.

En 2020, il prend une année « semi-sabbatique » pour rejoindre le Brésil avec sa famille. Son épouse est alors recrutée comme attachée de coopération universitaire, et il en profite pour travailler comme journaliste indépendant, en se formant en parallèle et à distance à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. (

Mais en 2021 il revient en France, étant recruté par la Ville de Grenoble, le Département de l’Isère et Grenoble Alpes Métropole pour piloter le GIP « Agence Grenoble Capitale Verte Européenne 2022 ».

Son départ

En 2010, Guillaume THIERIOT vient d’accompagner la réélection du Président de Région Michel Vauzelle auprès duquel il est depuis 9 ans. Il sent que c’est le moment de changer, de partir : « J’avais cette envie de départ en moi ». Il se prépare en s’inscrivant en formation continue à l’Institut des Hautes Etudes Internationale de Genève, un executive master en « international negociation and policy making ». « Je me suis donné ainsi un an pour préparer ce départ, avec un background qui me manquait en relations internationales ».

Pour identifier son futur poste, il regarde simplement la Transparence du ministère des Affaires étrangères en cours d’année pour les postes complémentaires. Comme il parle le portugais (« mon seul avantage comparatif »), il postule sur le poste de COCAC en Angola (suite logique selon lui d’un poste de DirCab – c’est-à-dire coordonner des équipes œuvrant dans des domaines très divers, avec une dimension stratégique et politique). Il passe deux entretiens avec le ministère des Affaires étrangères qui se déroulent bien. Mais finalement le MAE lui propose la direction d’un centre culturel en Guinée-Bissau dans un premier temps. L’établissement est un centre parapublic, sous double tutelle (française et bissau-guinéenne) avec de multiples intervenants et donc très politique (« ce contexte, dans un pays fragile, m’intéressait beaucoup ; j’avais l’habitude de la négociation avec diverses parties prenantes grâce à mon poste précédent à la Région »). Selon Guillaume THIERIOT, c’est aussi son expérience de gestion de multiples dossiers complexes avec des points de vue très différents parmi les acteurs, qui a pu intéresser le MAE.

Puis il annonce son départ au Président et à son entourage professionnel. C’est plutôt la surprise car les élections régionales viennent d’être gagnées, c’est un début de mandat et le plus dur était passé. Lorsqu’il annonce son nouveau poste, les réactions sont pour le moins diverses, entre incompréhension et stupeur (« quand les gens se renseignaient sur la Guinée-Bissau, que personne ne savait situer sur une carte, j’avais l’impression qu’après ils me félicitaient en me présentant leurs condoléances »)») Il retient toutefois quelques expressions de respect pour ce choix de partir « pour suivre sa propre voie ».

Selon lui « « il faut justement partir quand tout va bien. Surtout un départ international : cela ne doit pas être une fuite, une volonté de s’échapper d’une certaine situation. Cela doit être un vrai projet avec un total engagement, vu le changement que cela représente. »

Le fonctionnement sur place

Lorsque Guillaume THIERIOT se retrouve à l’aéroport de Lisbonne, prêt à embarquer, il réalise le vertige de ce départ en Afrique subsaharienne, région qu’il ne connait pas du tout, et sur un poste totalement nouveau pour lui.

Mais à l’arrivée en Guinée-Bissau, il se sent très vite à l’aise, comme « dans son élément naturel ». La communication passe bien, en partie parce qu’il a, pense-t-il, « comme tout brésilien, un peu de sang africain », mais aussi et surtout parce qu’il « fait l’effort d’apprendre le créole qui, bien plus que le portugais, est la véritable langue locale, celle que les gens parlent entre eux, en famille, entre amis. »La langue est selon lui un vecteur important pour se faire accepter et comprendre le pays où l’on se trouve de l’intérieur. « L’apprendre, la parler, est une marque de respect », et c’est conforme au message de la francophonie en faveur de la diversité culturelle et linguistique. Il sera ainsi à l’initiative de la première « Semaine de la Créolophonie » (« un moment fort, qui a libéré les paroles, un an après un coup d’Etat ») – pendant de la célébration de la francophonie que le centre culturel a l’habitude d’organiser chaque année.

Les rencontres avec les populations locales ne sont pas toujours évidentes selon Guillaume THIERIOT ; « il faut manifester un intérêt sincère, montrer une envie de connaître. Si vos interlocuteurs sentent que vous avez une curiosité réelle et bienveillante, vous pouvez être invité à des endroits où vous ne pourriez pas aller, comme des cérémonies familiales, notamment funéraires »

Les enjeux personnels

En expatriation, Guillaume THIERIOT a renforcé son attrait pour la rencontre, la « compréhension de l‘autre », prenant son inspiration notamment dans les écrits d’Edgard Morin sur l’Ethique et l’enseignement de la compréhension de l’autre (voir à ce sujet la conférence ESSEC https://www.youtube.com/watch?v=JWlGPf9qDPg ).

Guillaume THIERIOT souhaite ainsi, à chaque fois, participer à des actions localement. Il essaye, à côté de son activité en poste, d’avoir des projets personnels et « profite »des relations professionnelles pour tisser des liens qui se poursuivent ensuite : au Mozambique, par l’intermédiaire du Concours Liberté et Tolérance qu’il a créé après les attentats de Charlie Hebdo et l’assassinat d’un professeur de droit franco-mozambicain, il rencontre un groupe de jeunes comédiens d’un quartier périphérique de Maputo, avec lesquels il développe plusieurs projets, dont la mise en scène d’une pièce brésilienne . En Guinée Bissau, il anime un programme radiophonique hebdomadaire sur Radio Sol Mansi, et continue depuis de suivre des projets de développement sur l’île de Bolama, à travers l’ONG Smilo dont il est administrateur. Au Mozambique encore, il est présentateur d’une chronique hebdomadaire sur l’environnement sur la chaîne STV, comme un avant-goût des sujets qui désormais l’occupent à Grenoble.

Au plan familial, pour sa première expatriation, il part sans sa femme ni ses enfants pendant la première année pour prendre ses marques. Pour la deuxième année, la famille se retrouve pour des vacances en Guinée Bissau pour envisager une expatriation familiale. Las, un coup d’État a lieu en Guinée-Bissau le 12 avril 2012 mené par l’armée, lorsque toute la famille est présente, compliquant sérieusement les projets. Rapatriée, la famille restera en France finalement et Guillaume THIERIOT termine seul sa mission. Sa famille le rejoindra en revanche pour son nouveau poste à Maputo, en 2013.

Ses enfants sont au lycée français (« dont je suis membre, par ma fonction, du Conseil d’administration »). Pour lui ce sont « parmi leurs plus belles années ». Les équipes éducatives ont davantage de libertés et évoluent dans un cadre stimulant pour les enfants.

Il est de fait en lien avec la communauté française mais « attention, cela ne doit pas être un piège ». Il nous explique : « dans une ville française, vous pouvez avoir une séparation nette entre sphère privée et travail. A l’étranger, souvent vous gardez les mêmes contacts dans le travail et dans le privé : si la frontière s’estompe trop, cela peut parfois devenir compliqué. » Pour Guillaume THIERIOT il faut savoir s’extraire de sa sphère professionnelle et prendre du temps pour soi dans un autre environnement.

Au fil de ces années d’expatriation, la famille conserve sa maison en France. Pour Guillaume THIERIOT l’expatriation ce n’est pas « faire l’escargot et partir avec sa maison sur le dos », faire un déménagement avec tous ses meubles, etc : « nous sommes partis avec 5 cantines, c’est tout, comme ça on a aussi vécu avec ce qu’on a trouvé ou fait faire sur place ».

Et après ?

En 2016, le retour s’est bien déroulé pour Guillaume THIERIOT. Il a gardé de solides réseaux en Région PACA et trouve assez rapidement un poste à la Ville d’Avignon. Son parcours est d’ailleurs apprécié car il arrive avec un regard décalé sur les problèmes d’une ville avec de nombreuses fractures, les mettant en perspective avec les difficultés qu’il a connues au Mozambique.

Sa mission concerne le « vivre ensemble ». S’inspirant de son activité en termes d’évènementiel à l’étranger, il propose pour le Printemps des écoliers à Avignon une thématique interculturelle : que chaque école présente un pays du monde pour comprendre les multiples cultures qui composent la ville et au-delà.

En termes de management aussi, les postes à l’étranger dans le réseau France, s’ils obéissent à un mécanisme très vertical (avec l’Ambassadeur en haut), la limite des moyens humains et le grand nombre de dossiers imposent de décloisonner, d’aller vers les partenaires et d’agir « en mode commando », avec un petit nombre d’agents, très dynamique. Il retrouve ce mécanisme à Grenoble où avec seulement 16 personnes, il doit animer et coordonner plusieurs centaines d’initiatives du territoire en lien avec de multiples partenaires locaux et européens. Mais aussi, le resserrement de l’équipe permet une mutualisation plus simple : « on se prête main forte constamment, on est en mode projet en permanence ».

Il reconnait que dans un autre poste de DGS ou DGA, il aurait plus de difficulté à impulser ces changements car il serait face à une organisation plus cadrée avec un dialogue social formalisé, etc. Les changements seraient plus compliqués à porter : toutefois, dans la ville d’Avignon, il pense avoir réussi à proposer en partie un mode de fonctionnement plus horizontal, en équipe et moins cloisonné.

Cette posture de mobilisation collective plutôt qu’une posture hiérarchique et verticale vient du contexte de ses missions effectuée à l’étranger où « votre mission est de convaincre constamment des personnes qui sont des acteurs externes à travailler pour vous : la logique du travail en commun sans rien n’imposer est obligatoire »

Son conseil

Pour Guillaume THIERIOT, il faut partir pour de bonnes raisons et avec humilité ; « vous ne devez pas partir avec l’idée de sauver le monde, ni pour fuir une situation qui ne vous conviendrait pas. Une mobilité internationale n’est pas un simple changement de poste entre deux collectivités locales » vu l’ampleur du changement de cadre, de culture, d’environnement. De ce fait une expatriation doit se travailler pour parvenir à la compréhension de l’autre. Puis écouter et suivre les conseils locaux. Sa professeure de créole en Guinée Bissau lui conseille de lire Amadou Hampaté Ba : « cela m’a sans doute fait gagner plusieurs années » dans la compréhension de certains comportements locaux.

Il faut aussi considérer cette expatriation comme une étape dans sa vie personnelle et professionnelle et donc partir en gardant à l’esprit qu’il y aura un retour. Pour cela, selon lui, il est nécessaire de bien entretenir ses réseaux tout en ayant un espace géographique large pour le point de chute, « si on veut connaître une évolution positive à son retour, et non stagner ou reculer dans son ancienne collectivité. »

Il est indispensable aussi de garder à l’esprit, dans cette phase de retour, que la vie d’expatrié est « exceptionnelle » et que le confort et la facilité de l’expat ne se retrouvera pas à son retour.

Enfin pour certains le départ peut être définitif. Mais pour Guillaume THIERIOT, si on part pour représenter son pays (dans le réseau France), « il est essentiel de revenir se confronter à la France pour savoir ce que l’on est censé promouvoir. L’idée est d’aller de l’un à l’autre pour apprendre de l’un et de l’autre. »

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

Juillet 2022


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