Son parcours
Musicien de formation, Franck PATILLOT dirige d’abord une école de musique en Vendée avant de rejoindre la côte méditerranéenne en 2003, où il devient titulaire de la Fonction publique territoriale. Il prend en 2008 la direction du conservatoire intercommunal de musique et de danse de la Communauté de Communes du Golfe de Saint Tropez. En 2009, il lance des stages d’orchestre pour jeunes musiciens, ouverts à des participants de toute la France, des DOM et, grâce à une rencontre avec le directeur du centre culturel français de Yaoundé, du Cameroun. Il découvre au fil des échanges les nombreuses missions de ces structures. Cela l’intéresse et il postule alors en déposant son dossier en ligne sur la « Transparence », la procédure de recrutement du Ministère des Affaires Etrangères : « j’ai formulé huit choix dont Pointe Noire au Congo ».
La réponse tarde. « J’ai attendu deux ans. Et tout d’un coup je reçois un mél ». Le Ministère lui propose un entretien puis il reçoit un courrier et un dossier de 5 cm à remplir et « 12 jours pour répondre ! ».
A cette époque Franck PATILLOT vient d’avoir avec sa femme un bébé qui a trois mois, 7ème enfant de la famille. La décision est délicate. « Mais ce souhait de partir est une aspiration profonde de notre couple et nous en avions déjà longuement parlé ». Ils acceptent.
Sa première mission sera donc à Pointe-Noire durant trois ans. Il rebondit ensuite pour un poste similaire à Agadir au Maroc. Il y reste cette fois quatre années.
En 2019, après sept ans à l’étranger, en détachement, il revient à Cogolin. Sa collègue qui avait assuré son intérim part en retraite. Il reprend donc le poste quitté sept ans auparavant. Il reprend ses fonctions à la direction du conservatoire intercommunal de musique et de danse de la Communauté de Communes du Golfe de Saint Tropez. Mais il exerce désormais ses missions avec cette riche expérience internationale.
Le fonctionnement sur place
Le premier départ fut « extrêmement compliqué administrativement ». « On vous dit ce qu’il faut faire et le délai pour le faire mais vous êtes peu accompagné. Certes tout se fait mais la première fois, c’est un travail du matin au soir durant quatre mois » ! Un véritable marathon administratif.
Professionnellement, ses deux missions diffèrent. Pour le Congo, « rien n’a posé de problème ». Franck PATILLOT se sent « comme un poisson dans l’eau » et entretient de très bonnes relations avec les différents acteurs locaux. Par ailleurs, la présence française est limitée. Il a donc des rapports très fréquents avec l’Ambassadeur et l’attaché culturel. Au Maroc, cela apparaît plus compliqué car la présence française est beaucoup plus importante, avec 12 antennes. Ainsi, la hiérarchie est beaucoup plus pyramidale et centralisée. « Mais l’expérience territoriale aide alors, même sur la négociation des budgets, pour pouvoir naviguer dans l’organisation ».
Avec ces postes, il élargit son champ d’action professionnelle intervenant dans l’enseignement artistique, la musique, la danse, le cinéma et les débats d’idées et la coopération.
Au plan personnel, au Congo, Franck PATILLOT reprend le logement de son prédécesseur qui est au 3ème étage de l’Institut ce qui facilite l’installation mais il est donc en permanence sur son lieu de travail. Au Maroc, la famille loue un appartement durant un mois avant de trouver une maison qui convient à tous.
Pour chaque pays, l’ambition de la famille est de sortir du microcosme des expatriés. Ainsi au Congo, si le plus âgé des 3 enfants encore au sein du foyer entre en seconde au lycée français, le second est inscrit en primaire dans une école congolaise. « Notre idée était de vivre à fond ces moments en faisant confiance ». Ils réitèrent cela au Maroc : « le plus jeune avait alors 3 ans. Il fut inscrit dans une école marocaine. Désormais, il parle français et arabe ».
Selon Franck PATILLOT, pour tisser des liens, il faut le vouloir profondément et être très actif pour cela : « il faut aller chercher la relation ». Son maître mot : « faire confiance aux gens » et en premier lieu aux personnes qui travaillent avec lui (qui sont en contrat-local). « Ainsi au Congo, j’étais le premier directeur à les appeler mes « collègues ». Mais alors une confiance réciproque s’installe et ils nous font découvrir énormément de choses ».
Les enjeux personnels
Sur le plan administratif « comme tout le monde » Franck PATILLOT ne reçoit que très peu d’informations et doit tout vérifier. Il doit notamment prendre contact avec sa collectivité pour mettre en place la gestion de ses cotisations retraite.
Par ailleurs, étant en détachement auprès du MEAE, il ne peut prétendre alors à un changement d’échelon en cours de contrat (carrière au sein de sa collectivité d’origine). L’évolution de carrière n’est prise en compte qu’au renouvellement du contrat. Et à son retour de sept années, il voit dans son relevé de carrière trois ans de détachement puis quatre ans de disponibilité. « Il m’a fallu faire les démarches pour obtenir un rectificatif ».
Sur le plan de ses compétences professionnelles, s’il a toujours été attentif et curieux envers les autres, Franck PATILLOT assure que cette expérience a renforcé cette attitude et d’autres capacités.
Sur le plan managérial, « je rapporte des méthodes de travail » qui responsabilisent ses collègues. « on s’est mis d’accord sur cette tâche donc tu la gères en autonomie ». Il conçoit que cela puisse être problématique au début pour certains agents mais cela est nécessaire et bénéfique pour tous avec l’accompagnement inhérent au changement.
Franck PATILLOT cite aussi une nouvelle relation au temps comme apport de cette expérience internationale « avoir la capacité à hiérarchiser les choses rapidement et à s’inscrire dans une « autre » temporalité ».
Et le retour ?
Pour son premier poste, au Congo, Franck PATILLOT demande un détachement. Il est alors fonctionnaire titulaire au sein d’un SIVOM. Il prend un rendez vous avec son Président et son DGS et leur explique son choix et la procédure du détachement : « on discute sans tabou ». « Dans la mesure où je partais au moins deux ans, la collectivité avait la possibilité de recruter plutôt que de prendre une mission d’intérim ». Mais alors à son retour, Franck PATILLOT aurait été en surnombre. Sa collègue, directrice adjointe est alors recrutée en intérim.
Il organise le détachement pour deux ans d’abord (« même si on savait que je partais pour 4 ans »). Normalement, un poste de ce type se déroule en effet de la manière suivante : un premier contrat de deux ans puis un renouvellement d’un ou deux ans. A la fin de sa seconde année, il reçoit une proposition du Département de la Guadeloupe avec qui il entretient des liens. « Donc je signe un nouvel engagement mais uniquement pour un an, le temps d’effectuer les démarches pour Pointe-à-Pitre ». Toutefois, à la fin des trois années à Pointe Noire, le dossier de recrutement pour la Guadeloupe n’est toujours pas finalisé. Franck PATILLOT est alors sollicité par le MEAE pour l’Institut français d’Agadir. Il repart pour quatre ans. Ainsi, au lieu d’un départ de deux ans, il sera parti sept ans.
Il a toujours conservé des contacts permanents avec sa collectivité et sa collègue. Au retour, il n’y a eu aucun souci pour réintégrer son poste.
C’est plus sur son activité quotidienne que Franck PATILLOT s’est questionné. « En France, mon champ d’activité est plus limité » que celui qu’il avait à Pointe-Noire, où son champ d’expérimentation était plus étendu. Cela peut amener une certaine frustration au retour dans le fait de revenir à quelques chose de plus basique. « Ainsi, ma plus grande frustration est de revenir exercer un métier en étant confronté à de petits problèmes qui apparaissent ici parfois comme insurmontables ». La tendance à se « noyer dans un verre d’eau » l’étonne. Cette capacité à relativiser les moments de difficulté est sans doute l’un des premiers apports professionnels de cette expérience.
Son conseil
En premier, Franck PATILLOT insiste sur ce point pour les futurs expatriés : « il faut constamment se rappeler que ce n’est pas la vraie vie. On vit à l’étranger des moments exceptionnels dans des conditions exceptionnelles ». Ceci est important pour éviter une potentielle déprime au retour.
Ensuite, il faut être convaincu de ses choix. Pour ceux qui sont en couple notamment, il faut rapidement trouver une activité pour le/la conjoint/te.
Enfin, en termes de préparation, il faut être précis et rigoureux sur le système de santé « au cas où ». Il faut donc se renseigner, être attentif aux situations. Il est inutile de stresser « sinon on rentre », il faut surtout être vigilant et rigoureux.
Selon Franck PATILLOT, pour que cela se passe bien, il faut avoir développé en amont, une idée de la différence et de l’expérience particulière : « ainsi, je ne peux que m’enrichir de l’expérience et de la différence ».
Certains de ses amis lui ont dit, à l’annonce de son départ en 2012 « la chance que tu as !!! ». Mais Franck PATILLOT s’est donné les moyens de cette chance.
« Dans le doute, ne t’abstiens pas ».
Entretien réalisé par Yannick Lechevallier
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Entretien réalisé en aout 2024