Son parcours
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris puis de l’École Nationale d’Administration (ENA) en 1987, Eric MARTIN commence sa carrière comme DGS de la ville de Limoges en 1991, un poste qu’il occupe pendant 23 ans. Durant cette période, il s’implique dans des missions internationales, notamment en Chine, et dans la création d’un réseau mondial des villes de la Céramique. En 2014, il devient Directeur régional des services de la Région Limousin avant la fusion avec la Nouvelle-Aquitaine, poste qu’il occupe pendant 10 mois. L’année suivante, il rejoint Poitiers où il prend la direction des services de la Ville et de l’Agglomération du Grand Poitiers
Puis en janvier 2021, il rejoint Quimper, aux mêmes fonctions, pour deux ans avant de prendre un congé spécial pour partir en mission avec Expertise France : « j’y réfléchissais depuis plusieurs années, lors de discussions au sein de l’AATF avec Jean Louis Rocheron. J’ai posé ma candidature et après quelques entretiens, notamment avec la directrice du programme, j’ai été recruté assez rapidement pour ce poste en Mauritanie par Isabelle Valot.
Aujourd’hui, je travaille dans le cadre du PAGFAM – Programme d’appui à la gouvernance financière et administrative en Mauritanie. Ce programme est dirigé par Christian Delherm d’Expertise France dans le cadre d’un contrat passé avec l’Union Européenne. Expert Technique en charge de l’appui à la fonction RH et aux réformes en cours de la fonction publique, ma mission implique tout d’abord de travailler en lien étroit avec la Direction Générale de la Fonction Publique mais également l’ensemble des gestionnaires RH des ministères concernés. »
Le départ et le fonctionnement sur place
Fin 2021, Eric MARTIN est DGS de la ville de Quimper. Quand il est recruté par EF, il lui faut identifier le meilleur statut pour son départ. Il propose le « congé spécial » qui permet à un DGS de partir sur une autre mission au maximum cinq ans avant sa retraite. « Il a fallu discuter et expliquer la formule du congé spécial qui est peu connue ». Le départ d’Éric à l’étranger n’a pas posé de problème particulier à la municipalité, s’inscrivant dans un contexte de changement politique en 2020 et de nouveaux objectifs municipaux.
En arrivant à Nouakchott, Eric MARTIN est accueilli par une équipe projet resserrée : 1 directrice, 1 cheffe de projet adjointe et 5 experts. Les relations et la circulation d’informations sont très fluides au sein de l’équipe. Il trouve aussi une feuille de route et une fiche de poste claires. « Pour cette mission, les objectifs sont clairs avec des indicateurs précis. Dans une collectivité, les objectifs peuvent être plus flous ». Pour lui, c’est la première différence avec ses postes en collectivités. « L’expert à une marge de manœuvre réelle sur les moyens à mobiliser mais le parcours est bien jalonné et les objectifs à atteindre sont précis ».
Eric MARTIN a son bureau à côté de celui du Directeur Général de la Fonction Publique. En commençant sa mission, il s’attèle à essayer de bien saisir le fonctionnement, comment les équipes travaillent, dans un autre contexte culturel, des méthodes différentes. « Par exemple, j’essaie d’installer la pratique de réunion avec un ordre du jour et un compte-rendu rapidement diffusé ». Cette adaptation mutuelle reste un défi quotidien.
Les enjeux personnels
Eric MARTIN est parti en expatriation avec sa femme. A son arrivée, l’équipe projet est déjà en place, l’aide et lui fournit un guide pratique. On le met en contact avec une agence pour trouver un logement. L’équipe EF l’appuie aussi dans les démarches administratives, notamment pour avoir la carte professionnelle lui permettant de travailler en Mauritanie. Même si le pays est sûr, la direction « Sécurité » d’Expertise France lui fournit diverses informations. « Ils sont venus valider le dispositif sécurité de notre logement ».
Certes « il faut être vigilant » reconnait-il mais Nouakchott est une grande ville (0,8 M d’habitant), en fort développement, où il y a une solution pratique à toute difficulté. Il y règne une tranquillité publique réelle dans les rues « il y a peu de bruit et les gens sont très respectueux envers les étrangers ». Ainsi, il reçoit plein de gestes sympathiques tant au travail qu’à l’extérieur « Si on est ouvert, sans la tête pleine de préjugés » les rencontres sont riches.
Au plan interculturel, Eric MARTIN se plie sans difficultés aux règles locales « cela me semble évident de respecter les règles locales, comme l’absence d’alcool par exemple ».
Il tisse des liens avec des personnes qu’il rencontre sur le plan professionnel. Le pays étant francophone, il communique facilement et est désormais invité chez certains mauritaniens.
Et le retour ?
Pour l’instant, Eric MARTIN est sous contrat pour encore plusieurs années, et la question du retour en France ne se pose pas encore.
Il a gardé peu de relations avec les anciennes équipes en France. Lorsqu’il a évoqué son départ avec certaines connaissances, « les personnes ont été surprises ». Il note en fait un manque de curiosité des acteurs français. « C’est dommage car on passe à côté d’expériences motivantes et de bonnes pratiques ». Ces projets, selon Eric, peuvent inspirer et montrer que même, dans des contextes difficiles, il est possible de progresser.
Pour lui, le cadre professionnel du DGS se caractérise par la complémentarité mais parfois la confrontation entre les axes politiques et leur mise en œuvre pratique sur le terrain. A l’international, cela reste d’actualité. Le problème est qu’en France, les compétences « sont balkanisées ». Il faut déterminer « qui fait quoi entre l’Etat et les collectivités ? quelles sont les responsabilités ? ». Pour Eric MARTIN « le cadre n’est pas clair et cela contribue à démotiver élus et agents ». Selon lui « ces missions internationales pourraient remotiver au sein des collectivités. Les combats en faveur de la reforestation comme le programme de la Grande Muraille Verte en Afrique, dans les domaines de la santé ou de l’autonomisation des femmes et des jeunes pourraient nous faire réfléchir par exemple. Mais il faut se rendre sur place».
Son conseil
Selon Eric MARTIN, si les élus et les DGS ne sont pas convaincus, ensemble, il est difficile d’impulser une dynamique de mobilité internationale dans une collectivité.
Pour partir en tant qu’expert, selon lui, il faut intégrer les réseaux comme l’AATF, qui assure une bonne circulation d’informations. Il faut compléter en recherchant un maximum d’informations pour identifier les opportunités professionnelles.
Il y a un réel créneau à encourager tant pour le développement des territoires en France qu’à l’Etranger.
Entretien réalisé par Yannick Lechevallier
https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/
Entretien réalisé en septembre 2024