Eric DUREL est rentré dans la fonction publique territoriale par la petite porte en 1987 à la Ville de Lyon où il a travaillé plus de dix ans au sein de différents départements spécialisés, en tant que bibliothécaire sur des missions spécifiques (responsable des acquisitions, création de la vidéothèque, etc.).
En 1997, il déménage dans l’Hérault. Il prend un premier poste à Castries, comme directeur de la médiathèque, durant 3 ans. Puis il devient directeur de la médiathèque à Ganges où il a en charge la création et le suivi de la construction de la médiathèque. Il y reste 2 années.
Dans le secteur de la lecture publique, le travail en réseau est naturel. Au fil des rencontres, Eric DUREL apprend que la Coopération recherche des personnes de son profil. Il postule sur Transparence et rencontre au ministère des Affaires Étrangères une volonté de rénovation de la coopération sur le livre. « En zone francophone, les métiers de la lecture publique étaient occupés par des cadres vieillissants, formés en France ou en Europe à la fin de la colonisation parfois ». Or, à l’époque, les principales compétences, en France, étaient dans les collectivités, au sein de la fonction publique territoriale. Il partira alors au Togo puis au Gabon pour deux missions de quatre années chacune.
Au Togo tout d’abord, Eric DUREL part pour une mission de Direction de la médiathèque du Centre Culturel Français (CCF) de Lomé durant 4 ans. Puis en 2006, il enchaine avec 4 ans au Gabon, pour prendre la Direction de la médiathèque du Centre Culturel Français (CCF) de Libreville.
Il revient en France en 2010 et intègre le Département de l’Hérault. Il coordonne la création, au sein de la médiathèque départementale (compétence obligatoire du département), de la médiathèque Pierresvives, puis en prend la direction.
Après 4 ans et le lancement de cette médiathèque, l’appel de l’expatriation se fait à nouveau sentir. Il repart en 2014. Cette troisième expatriation se déroulera au Niger où il assure, pour le Centre Culturel Franco Nigérien (CCFN) , la coordination du réseau des médiathèques françaises au Niger : Niamey, Zinder, Agadez, Maradi. Il participe aussi à plusieurs reprises à des expertises sous-régionales pour le MAEDI et l’Institut Français Paris : au Nigéria en 2015 et au Burkina-Faso en 2016.
Eric DUREL rentre précipitamment en 2017 (cf. § Et après ? le retour) mais ne réintègre le Département de l’Hérault qu’en septembre 2018 comme Chargé de développement culturel territorial.
Depuis février 2021, il est chef de projets transversaux au Département, autour notamment de la coordination de la politique documentaire, le circuit du document et la cohérence de la base bibliographique mais aussi de l’action thématique de la Médiathèque départementale auprès des EPCI en partenariat avec les cheffes de services Ouest et Est héraultais.
Le fonctionnement sur place
Avant sa première expatriation, il avait fait 10 années professionnelles à Lyon. Il connait donc les « grosses machines ». En arrivant Eric DUREL doit s’adapter à la « novlangue » diplomatique et aux protocoles spécifiques mais cela se fait sans grandes difficultés. Le cadre des missions est de fait particulier : il est à chaque fois positionné dans un « institut français » donc certes sous la responsabilité de l’Ambassade mais pas directement à l’intérieur des Services de Coopération.
Par ailleurs, jusqu’en 2012, les instituts avaient une autonomie et la tutelle de l’Ambassade était relativement éloignée.
Mais surtout, Eric DUREL est à chaque fois parti en demandant expressément une lettre de mission très précise au Ministère pour rappeler ensuite, dans le quotidien local, la ligne à suivre. Cette lettre, pour Eric DUREL, il est très important de se battre pour l’obtenir au départ de la mission pour ne pas dévier du projet initial en cours de séjour.
A chaque fois, il tisse des liens forts avec les acteurs locaux. En effet, Eric DUREL se positionne « en passerelle ». Il accompagne ses pairs et cela s’est toujours bien déroulé. Il avait un rôle de facilitateur qui était bien identifié. Par ailleurs, cette pratique d’échanges et de travail en réseau est très développée dans le métier des bibliothécaires ce qui facilite ces missions.
Les enjeux personnels
Pour ses trois missions, il est parti en famille, avec deux enfants (quand il arrive au Togo la première expatriation, sa fille a 14 jours !). C’était un projet familial. : « un pur bonheur ».
Sa femme ne travaille pas : en effet, une partie de l’indemnité de résidence qui est versée par le MEAE revient au conjoint si celui-ci n’a pas d’activité professionnelle. Mais il faut toutefois trouver une activité familiale ou associative pour garder l’équilibre et éviter un trop fort décalage dans le couple (d’autant que la mission de l’expatrié est prenante, riche en rencontres, …) : elle intervient ponctuellement dans des écoles.
Si au Togo, ses enfants restent à la maison, ils seront scolarisés, pour la mission au Gabon, dans le réseau national local. Au Niger, Eric DUREL inscrit ses enfants, plus grands, au Lycée Français.
Ce départ en famille nécessite toutefois une certaine veille sur les questions sécuritaires. Notamment pour sa troisième mission au Niger, en zone sahélienne. Avec la dégradation de la situation, dans les années 2017-2018, il commençait à être difficile, en tant que français, de résider dans cette zone. C’est la raison pour laquelle il démissionnera en septembre 2017 pour rentrer en France (anticipant d’un an la fin de son contrat).
Au plan professionnel, Eric DUREL nous dit avoir appris beaucoup. Mais il précise « j’ai appris la patience » et « c’est sans doute pour cela qu’un DGS m’a recruté à mon premier retour d’expatriation ».
Il a aussi appris en termes de management, encadrant plus de personnes dans le cadre de ses missions qu’en France. Au retour d’ailleurs, son choix s’est porté sur un département pour retrouver des missions de taille similaire à celles qu’il avait eu en expatriation.
Et après ? Le Retour
Eric DUREL essaye de changer de poste environ tous les 4 à 5 ans. Il connait les conditions de recherches de postes. Ainsi, pendant la dernière année de chaque mission pour le MEAE, un temps considérable (personnel) est consacré au retour : « il faut vous prendre en charge car dès la fin du contrat, le MEAE vous oublie : vous êtes « rendu à la collectivité » ».
A la fin de la première expatriation qui avait duré 8 ans, il était pour lui hors de question de demander un retour dans sa commune d’attache. Il va donc, un an avant son retour, candidater au Département de l’Hérault. Il prévoit pour cela un « budget retour » et se finance deux allers-retours de Libreville au Gabon, à Montpellier, pour les entretiens.
Mais une « repatriation » peut parfois être difficile ou délicate. Pour sa troisième expatriation (2014-2017), Eric DUREL part au Niger à nouveau en famille. Sa demande de disponibilité est validée sans souci par son employeur, le Département de l’Hérault. Mais au bout de 3 ans, la situation locale se dégrade et il souhaite rentrer plus tôt que prévu. Le MEAE ne prend pas en compte la situation familiale pour analyser le risque et Eric DUREL doit démissionner formellement du MEAE en janvier 2017 pour rentrer en France. Il sollicite alors une réintégration anticipée un an avant la date prévue pour son retour, en septembre 2017 au lieu de 2018.
Sa collectivité d’attache, le Département de l’Hérault, ne le réintègre pas et le place « en disponibilité d’office » déclarant ne pas avoir de poste vacant.
Comme il n’y a aucune cellule « repatriation » au MEAE qui pourrait discuter et expliquer les situations aux Directions RH des collectivités, ces dernières n’appréhendent pas les difficultés rencontrées par les agents ou les potentiels et compétences qu’ils ont développés. Si l’agent souhaite « mettre sa carrière entre parenthèses » « pour convenance personnelle », il n’est alors plus le problème de la collectivité. Pour le MEAE, l’agent a accepté de partir dans une zone complexe, en connaissance de cause, il n’a donc pas non plus à s’en préoccuper si une difficulté survient (sauf cas exceptionnel).
Ainsi en 2017, Eric DUREL se retrouve un an sans salaire. Il en profite pour développer certaines idées et notamment créer l’ONG BiblioSud (https://bibliosud.org/), – cette ONG française a pour objet, dans l’esprit du Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique de novembre 1994, le renforcement, la formation, l’aide financière ou matérielle, la modernisation par des techniques et projets innovants, partout dans le monde, des institutions et acteurs des bibliothèques publiques ou universitaires, des centres de documentations et de la chaine du livre en général, pour leurs actions sur leurs missions-clés en terme d’informations, d’alphabétisations, d’éducations et plus généralement d’accès à la culture-.
Il réintègrera le Département en septembre 2018, à la date initialement prévue lors de sa demande de détachement.
Eric DUREL nous rappelle, avec son expérience, que la discussion avec les responsables Ressources humaines peut être compliquée car un décalage important de connaissance des réalités des expatriation est souvent constaté. D’abord, les RH ont une mauvaise compréhension de ce que recouvrent l’activité et les salaires des expatriés Cela peut générer des représentations erronées.
Au retour, vous pouvez ainsi avoir le sentiment que votre interlocuteur vous dit « Bon ! Maintenant c’est fini les vacances avec un gros salaire ». Eric DUREL reconnait pourtant que, notamment pour sa dernière mission « je n’ai jamais autant bossé ! Cela a démultiplié par deux ma capacité de travail » !
Son conseil
Premier conseil : « pour un départ en famille, il faut que cela soit un projet familial ou alors il ne faut pas partir ! »
Ensuite, Eric DUREL pointe une difficulté à laquelle il faut se préparer : un expatrié dans un pays africain sera face à un écart culturel et économique très important : « il faut faire attention à ses valeurs morales et financières » pour ne pas se perdre.
Mais surtout, lorsque vous partez dans ce type d’expatriation, vous vivez des espaces professionnels de liberté, avec des moyens importants. Au retour, vous pouvez « vous sentir à l’étroit ». Vous avez pris de « mauvaises habitudes » qui peuvent amener des frictions avec votre entourage professionnel.
Mais encore en fois : ces expériences : « c’est un pur bonheur ».
Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER
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Mars 2021