Émilie EMOND


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)AutreRevenu.e dans une autre collectivitéDe deux ans à cinq ansCanada

Emilie EMOND a 31 ans. Elle est aujourd’hui Directrice des Relations Internationales de la ville d’Epinay-sur-Seine (93).
Elle est entrée en collectivité après et grâce à une expatriation.
Entretien réalisé en juin 2020.

Emilie EMOND va passer cette année(2020) son concours d’attaché territoriale. Elle est pour l’instant recrutée comme cadre contractuelle par le ville d’Epinay-sur-Seine du fait de son parcours international (au niveau d’Attachée territoriale Cat A).

Emilie EMOND a obtenue une licence à la Sorbonne Elle suit ensuite une double formation : Master de recherches en Histoire de l’art spécialisé en Arts islamiques dans le cadre duquel elle a effectué un échange d’un an en 2013 en Espagne pour achever son mémoire / et d’un Master en Management de projets internationaux, qui lui a permis d’effectuer un stage à l’Alliance française de Madrid et au terme duquel elle a été embauchée en contrat local en tant que Coordinatrice du réseau des 21 Alliances Françaises d’Espagne. Elle anime un programme culturel entre ces 21 alliances françaises et s’occupe notamment de plusieurs expositions et projets culturels.

Pendant ses années de licence, elle est alors guide en parallèle dans un office de tourisme pour subvenir à ses dépenses.

Au sein de l’Alliance française, elle côtoie des expatriés et prends connaissance de ce milieu. elle postule alors, via le site CIVIWEB (https://www.civiweb.com/) à un poste de VIA (Volontaire International en Administration[1]) d’attachée culturelle au sein du Service culturel l’Ambassade de France à Ottawa. La concurrence est rude (plus de 100 candidats par poste). Elle passe plusieurs entretiens au MEAE avec la direction des RH puis par téléphone avec la Consule et la Conseillère culturelle à Ottawa. Elle décroche le poste et part pour un contrat de 2 ans (elle restera un an et quatre mois).

Le fonctionnement sur place

L’accueil au Canada la fait changer de monde professionnel : dès le premier soir, elle est accueillie par la Consule pour un diner, elle a une aide à l’installation importante (cf. ci-après). Et le statut d’expatriée, partagé avec d’autres, crée une cohésion, une solidarité : « on évolue avec des gens qui sont aussi isolés que vous, aussi les collègues deviennent rapidement votre famille ». Cette proximité déclenche une dynamique de groupe particulière (qu’Emilie EMOND retrouvera en collectivité à son arrivée à Epinay-sur-Seine).

Elle apprend alors à travailler avec des interlocuteurs très différents (politiques, institutionnels, partenaires locaux, entrepreneurs, artistes, …) qui lui permet de développer une capacité de travail en réseau complexe qu’elle retrouvera ensuite en collectivité.

Le Canada n’est pas « un pays à risques » pour le MAE et Emilie EMOND ne bénéficie pas d’une formation spéciale mais sous l’impulsion de la Consule, elle doit s’astreindre à des procédures assez rigides. Cependant ce pays fait partie des pays où l’obtention du visa peut-être très longue car il existe une politique protectionniste en matière d’emploi assez poussée.

Et en plus de la Consule, de par son activité sur le champs culturel, Emilie EMOND doit s’adapter à une double hiérarchie, à la fois politique et culturelle/ administrative, double composante que l’on retrouve également au sein d’une Ville.

Ce poste est alors un moment très formateur dans sa carrière. Elle apprend sur le tas le formalisme administratif et le fonctionnement très hiérarchique (fonctionnement qu’elle retrouvera en collectivité).

A ce cadre, s’ajoute une attente particulière sur les « expats » par rapport aux « contrats locaux » : « vous êtes en poste sur une période relativement courte et bien rémunéré donc on attend énormément de vous ». Au-delà de l’image de l’expat et de sa réputation « un peu superficielle avec les diners de l’ambassade, etc », l’exigence est importante (« la vie c’est votre poste, toujours en déplacements ») et la disponibilité doit être totale.

Concernant la relation avec les Canadiens, le poste lui apparait dans un premier temps, plus simple car, à la différence de son activité précédent en Espagne, elle rencontre au Canada une vraie francophilie. Toutefois, « il ne faut pas tomber dans le piège de la francophonie, si la langue peut créer au départ cette sensation de proximité, il ne faut pas oublier que les Canadiens francophones sont avant tout des nord-américains qui parlent français, avec une francophonie et un mode de vie propre à cette partie du continent. À cela s’ajoute un contexte culturel singulier crée par le bilinguisme que nous ignorons totalement en France ». Elle doit ainsi se départir rapidement d’a priori et d’un imaginaire que nous avons tous de ce côté Est de l’atlantique.

Les enjeux personnels

En Espagne Emilie EMOND est partie seule : elle se débrouille entièrement pour son installation, ses contacts, apprend la langue sur place etc. « une vraie expatriation à mon sens, celle où l’on se débrouille seule de A à Z, la plus difficile mais la plus formatrice également ». Elle souhaite s’immerger dans la culture locale. Elle choisit donc une collocation avec « des locaux », notamment pour parfaire le plus rapidement possible sa pratique de l’espagnol. Avec l’expatriation au Canada, elle bénéficie de l’appui constant du consulat et d’une situation plus confortable, son assistante l’aide durant les 15 premiers jours pour l’ensemble des démarches (appartement, location de voiture, …).

Malgré cela, il reste difficile de tisser de réels liens. Le travail étant très prenant, les liens se tissent dans ce cadre et les relations, du fait de votre poste, sont toujours teintées d’intérêts professionnels sous-jacents. Or, « les personnes rencontrées/ vos interlocuteurs connaissent le système, ont vu déjà passé plusieurs attaché(e)s culturel(le)s et savent que vous n’êtes présente que pour quelques mois »

Au plan administratif, Emilie EMOND a eu un petit souci avec sa banque : en effet, en bénéficiant d’un contrat français, les indemnités de fonctions sont réglées par le MEAE ne peuvent être réglées que sur un compte bancaire français. Il est nécessaire donc de bien se renseigner avant le départ, sur les possibilités de transferts et de retraits vers une succursale que votre banque dans le pays d’expatriation (ce n’est pas toujours le cas et cela pose alors de grosses difficultés ou peut engendrer des frais importants).

Et après ? Le Retour

Au retour, cela a été un peu « compliqué ».

Emilie EMOND débute par un poste de Coordinatrice des Relations Internationales pour une école de commerce : l’ESCE, à Paris.

Puis en septembre 2019, elle rejoint la ville d’Epinay-sur-Seine pour gérer les Relations Internationales de la ville et notamment ses 7 coopérations à l’étranger. Ses responsabilités l’amènent à se déplacer dans de nombreux pays (« plus que je ne le pensais »). Mais bien sûr les émoluments ne sont pas similaires…

Son embauche a été facilitée du fait des compétences développées lors de ces deux expériences : une parfaite pratique de l’anglais et de l’espagnol, des compétences en allemand, mais aussi un savoir-faire dans l’organisation de projets culturels. Mais c’est surtout sa souplesse dans le relationnel, développé au sein du Consulat français qui permet de faciliter la communication et les liens lors des rencontres de délégations avec les villes partenaires d’Epinay-sur-Seine.

Son conseil

Pour Emilie EMOND, une capacité de souplesse et d’adaptation est nécessaire pour bien profiter d’une expérience d’expatriation : « il ne faut pas partir en voulant transposer son mode de vie ».

Il est nécessaire de partir dans un esprit de curiosité, accepter l’imprévu et lâcher prise.

Pour profiter au mieux de cette période, in est d’nécessaire d’  « apprendre autant que possible la langue du pays d’accueil car l’intégration passe selon moi nécessairement par là. Plus qu’un mode de communication, apprendre une langue c’est aussi comprendre une culture et assimiler un mode de pensée. Les langues sont par ailleurs souvent les premières compétences valorisées par les expats à leur retour lorsqu’ils recherchent un emploi ».

Ne pas rentrer trop souvent aussi car « l’entre deux n’est jamais bon » et peut être un frein à l’immersion.

En conclusion, Emilie EMOND recommande de ne pas avoir peur d’aller vers l’inconnu, les phases les plus difficiles étant souvent l’«avant » et l’ « après » départ. Le « pendant » se fait souvent bien plus naturellement qu’on ne le pense.

Un poste dans le réseau diplomatique du MAE vous amène à rencontrer de nombreuses personnes et à vous créer un réseau très hétérogène que vous retrouverez nécessairement par la suite car c’est un petit monde » :  (« le métier de diplomate a beaucoup évolué, ce n’est plus uniquement de la représentation, on nous demande d’être beaucoup plus proactifs aujourd’hui »). C’est l’un des atouts.

Cela permet aussi de développer un certain sens de la réserve et de la discrétion du fait de la dimension politique, qui est également indispensable lorsque l’on travaille auprès d’élus en collectivité.

Enfin, une expatriation forge le caractère : en effet il vous faut souvent vous débrouiller seule, apprendre à persévérer tout en restant patient. Cela vous incite à développer votre autonomie, développer une ouverture d’esprit face à des interlocuteurs issus d’horizons différents, et vous permet de gagner en assurance.

Pour Emilie EMOND, il ne faut pas avoir d’inquiétude avant le départ et envisager l’inconnu comme du positif. Attention néanmoins, l’expatriation dans le cadre d’un contrat du MEAE ou contrat d’entreprise est très différente d’une initiative individuelle et peut souvent « s’apparenter à une bulle dans laquelle tout est facile, un poste à responsabilité avec un niveau de vie souvent plus confortable qu’en France, le retour n’en est que plus difficile ». « Il faut bien saisir que ce n’est pas la vie normale » : c’est une expérience à saisir en conservant du recul » Et si certains souhaitent rester sur place, attention car le passage à expatriation en contrat local, peut s’avérer très différente selon les pays.

 

Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Juin 2020

[1] Les postes de VIA sont des postes de volontariat accessibles aux moins de 28 ans.


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