Donato GIULIANI


KosovoBosnie-HerzégovineDisponibilitéRéseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)Revenu.e dans sa collectivitéPlus de cinq ans

Donato GIULIANI a 64 ans. Il a une formation européenne et une double culture franco-italienne.  « Mon parcours est l’histoire d’hommes et de femmes qui tissent des liens ». Il commence sa carrière professionnelle en 1986 comme comédien et conseiller technique d’un centre dramatique. Très rapidement, il rejoint un satellite régional sur la culture qui lui permet de tisser de nombreux liens et réseaux avec de acteurs européens. Cette capacité à travailler avec des acteurs nombreux et divers intéresse le MEAE : il partira à deux reprises en Bosnie Herzégovine puis au Kosovo, au sein des ambassades françaises pour mener des projets concrets et complexes, mobilisant le savoir-faire développé dans la territoriale et l‘adaptant à la dynamique de projets.

Entretien réalisé en aout 2024

Son parcours

Donato GIULIANI commence sa carrière comme comédien et metteur en scène. Dès 1986, il est conseiller technique au Centre Dramatique National à Béthune. Il suit plusieurs formations supérieures au début des années 1990 : tout d’abord un DESS en sociologie et anthropologie stratégique à Lyon II, puis à Bruxelles au sein de la Fondation Marcel Hicter où il obtient un diplôme européen en Administration de projets culturels et politiques publiques européennes (formation soutenue par le Conseil de l’Europe). Son appétence pour l’Europe et l’international est alors déjà développée.

En 1993, il rejoint le DACOR (Développement de l’Action Culturelle Opérationnelle en Région), un organisme associé au Conseil régional. Avec l’arrivée de Marie Christine Blandin à la tête de l’exécutif régional, l’occasion de repenser le rôle des organismes associés est donné : l’enjeu est alors de redéfinir une dimension opérationnelle en appui à la politique régionale dans le champ de la culture, sans risque de gestion de fait, et sans se substituer à l’activité des acteurs culturels régionaux. Donato GIULIANI est tout juste diplômé de sa formation européenne. La mission qui lui est confiée lors de son recrutement est « d’ouvrir le secteur culturel régional à l’ingénierie européenne et aux collaborations internationales ». Il va créer une base de données de 10 000 références européennes. Cela lui permet d’intégrer de nombreux réseaux culturels internationaux d’où de nombreuses régions étaient absentes: « Une stratégie de déploiement des activités artistiques et culturelles régionales sur la scène européenne et internationale élargissant ainsi le sens donnée à la dimension opérationnelle de l’Institution régionale ».

En 2002, avec la loi Sapin, Donato GIULIANI est intégré au Conseil régional du Nord Pas de Calais en CDI. Il devient chef de service puis directeur adjoint à la Direction de la Culture et s’occupe également de nombreuses missions internationales « complexes mais passionnantes »(Préfiguration implantation de l’Institut du monde arabe en région / Capitale régionale de la culture Dunkerque 2013 / Coopération européenne et internationale (LEAD / Tool Quiz – Interreg A & C). Il participe aussi à Lille2004 et assure de multiples missions et négociations : Autriche, Belgique, Brésil, Pologne, Norvège, Italie, Royaume Uni, Espagne, Maroc, Sénégal, Namibie, Vietnam… dans le cadre notamment des missions de coopération décentralisée de la Région.

En 2013, Donato GIULIANI est recruté par le MEAE. Il part, au titre d’un congé pour convenance personnelle, pour 3 ans à l’Ambassade de France de Bosnie Herzégovine ; à Sarajevo, comme COCAC (Conseiller de Coopération et d’Action culturelle) et comme directeur de l’Institut français (sur trois site : Sarajevo, Banja Luka et Mostar). A ce poste, il développe des projets en multi-partenariat dont « Sarajevo cœur de l’Europe » (partenariat Allemagne, Autriche, Grande Bretagne, Bosnie-Herzégovine, GIP Centenaire…)), sur financement IPA / Instrument de Pré-Adhésion.

A la fin de son contrat, il réintègre en septembre 2016 la Région des Hauts de France. La fusion est toute récente, et il fait partie des directeurs préfigurateurs nommés en septembre 2016 (directeur de l’Attractivité : Culture & Tourisme). Toutefois, il opte quelques mois plus tard pour un poste en lien avec l’expérience acquise dans sa carrière et est nommé Conseiller technique à la Mission auprès de l’Union Européenne à Bruxelles. Il met à disposition de la Région et des acteurs régionaux ses réseaux nationaux et internationaux. Il est en charge notamment du BREXIT smart border / Automated Border Control (Fastpass) et de dossiers liés au plan ‘Energie Afrique’. Il se trouve que l’Ambassadrice de France en Bosnie-Herzégovine, à l’époque de sa première expatriation, est nommée en Namibie. Elle le contacte ayant noté qu’avant sa prise de poste, une première tentative de partenariat avec les Hauts-de-France a été tentée autour de la pêche. En binôme avec SE l’Ambassadrice de France et sous couvert de l’accord du DGS de la Région, il organise plusieurs missions de repérages et de prises de contacts en Hauts-de-France pour l’Ambassadrice. Tout ceci aboutit à une mission régionale en Namibie au premier trimestre 2020 pour l’ouverture de nouvelles connexions entre les ports de Dunkerque et de Walvis Bay. Un protocole d’accord est signé et l’AFD soutient la démarche.

« Mon parcours est l’histoire d’hommes et de femmes qui tissent des liens ».

Après quatre années passées à la mission auprès de l’Union européenne de la Région, à Bruxelles, Donato GIULIANI repart à nouveau pour le MEAE, toujours dans les Balkans mais cette fois au Kosovo. Il endosse ici aussi les fonctions de COCAC puis de Directeur de l’Institut français au Kosovo qu’il crée avec l’appui de l’Ambassadeur de France et des services du MEAE en charge des Balkans occidentaux. Il est alors très engagé dans la coopération territoriale et décentralisée avec sa Région d’attache (Kosovo en Hauts-de-France et Hauts-de-France au Kosovo). Il mène un important travail sur la doctrine d’emploi des financements européens (Horizon Europe et Europe créative) mais aussi autour de la question minière, un sujet essentiel au Kosovo, et « qui s’inscrit dans presque tous les dossiers que j’ai la chance d’impulser et coordonner ». A ce titre, il organise plusieurs missions de délégations kosovares dans le bassin minier des Hauts de France et de délégation des Hauts de France au Kosovo.

Donato GIULIANI cultive aussi son réseau international en réalisant depuis 30 ans de multiples missions et conférences dans divers pays : Allemagne, Islande, Egypte, Suède, Suisse, Luxembourg, Finlande, Irlande, Danemark, Ukraine, Biélorussie, Russie, Grèce, Canada, Etats-Unis, Portugal, Slovénie, Croatie, Serbie, Roumanie, Hongrie, Namibie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Albanie

En mai 2024 il revient en France et réintègre sa collectivité d’attache, la Région Hauts de France où il doit développer différents projets européens.

Le fonctionnement sur place

A Sarajevo, lors de sa première mission, la situation est complexe. Cela fait moins de 20 ans que la guerre de Bosnie-Herzégovine est officiellement terminée, mais les tensions restent palpables. L’Europe est fortement engagée pour l’intégration des Balkans. Donato GIULIANI doit faire face à de nombreuses injonctions pour mener à bien le projet « Sarajevo Cœur de l’Europe ». En effet, le cap qu’il s’est fixé, en accord avec sa lettre de mission reçue du Ministère avant son départ, est de réussir le projet européen, intégrer le centre culturel André Malraux à l’Institut français, tout en assurant -c’était son objectif- l’intégration de son personnel. Il a donc la charge de coordonnée « Sarajevo Cœur de l’Europe », une initiative lancée par la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale : dix jours de commémorations dont le moment symbolique est le 28 juin 2014, date anniversaire de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand, un évènement qui allait entraîner l’Europe dans la Grande Guerre. Son expérience en Région est alors très utile. Il mobilise son savoir-faire pour réunir de multiples partenaires et les associer au projet. Il travaille alors en confiance avec les deux ambassadeurs français successifs.

Il n’a pas de difficulté à intégrer les règles et pratiques au sein de l’Ambassade. « Mon parcours sur la culture et l’international m’avait permis d’intervenir à plusieurs reprises en lien avec le Ministère. Je connaissais bien l’organisation interne des ambassades ».

« Je me suis retrouvé assez vite « à mon aise ». Les agents de la territoriale ne constituent pas un sujet de préoccupation particulière pour les agents du ministère, ce qui ne les dédouane pas pour autant de bien comprendre le rôle de l’Ambassadeur. »

Les enjeux personnels

Donato GIULIANI a abordé ses fonctions dans les Balkans occidentaux comme un territoire important qui n’est pas un monobloc culturel. Il précise : « je suis d’origine italienne et j’ai deux langues natives : j’en tire une prédisposition à la rencontre interculturelle ». Il est conscient qu’il peut exister des schémas mentaux différents et qui impliquent certaines précautions.  « Quand vous prenez vos fonctions, il y a toute une série de signaux que vous ne comprenez pas. Il faut les appréhender de telle sorte qu’aucune relation ne se bloque ». Ainsi, dans les Balkans occidentaux, il identifie rapidement l’importance de la perception du statut qui est toute aussi fondamentale que le statut lui-même. Inutile de rappeler que dans la dialectique qu’on engage, il convient de parler avec sincérité et retenue, et ainsi éviter de « faire perdre la face » à qui que ce soit. Il importe également, « d’identifier qui est le décideur en face de vous, car le sociogramme culturel ne correspond pas toujours à l’organigramme institutionnel ».

Sur le plan personnel, Donato GIULIANI a toujours privilégié les rencontres locales plutôt que les soirées entre expatriés. De toute façon, le travail de COCAC, sur un temps de présence de quelques années, implique d’avoir à travailler énormément, ce qui limite considérablement une vie sociale hors le relationnel indispensable aux missions confiées. Mais « comme je crois avoir donné sans compter mon temps pour la réussite de projets complexes et parfois sensibles, j’ai noué de nombreuses amitiés avec des acteurs locaux. Tout ayant me concentrant sur l’exigence au profit de projets structurants des liens durables avec la France, j’ai recherché les moyens financiers supplémentaires nécessaires, afin de ne pas donner des réponses minimalistes à des demandes de soutien». Pour Donato GIULIANI, en construisant des projets durables, on « tricote » des liens très forts. A tel point qu’il a été fait citoyen d’honneur de la ville de Peja (Kosovo).

Et le retour ?

Donato GIULIANI anticipe son retour en France en 2024 de manière à reprendre lien avec sa collectivité.  « Le retour en septembre, après plusieurs années d’absence du fait de cette disponibilité pour convenances personnelles, et qui permet à un CDI de la fonction publique de pouvoir enrichir son expérience professionnelle grâce au MEAE, est toujours plus complexe en termes d’offres de poste à pourvoir. En effet, septembre correspond à de nombreux mouvements internes au sein des collectivités territoriales : recrutement de jeunes diplômés, retours au sein des effectifs».

Mais il précise immédiatement : « Quand on revient, il n’y a pas forcément un poste idéal qui vous attende. En effet l’activité a continué en votre absence, il faut donc anticiper votre coming back. Il est important de préparer votre ‘atterrissage’ au sein d’une direction ou d’un pôle ». Selon lui « Vous revenez d’un univers professionnel qu’on appréhende parfois mal mais qui suscite fascination voire de la réserve -exceptions faite des agents qui ont vécu la même expérience». Conscient de cette réalité, il informe très en amont son service RH de son retour. Finalement, il est positionné auprès d’un DGA « qui m’accorde sa confiance, me laissant la délégation nécessaire à la conduite des chantiers qu’il m’a confiés».

Fort de deux expériences de COCAC, il considère que les pratiques professionnelles importées dans la collectivité restent, quoi qu’il arrive, délicates à appréhender par les collègues qui ont fait toute leur carrière dans la territoriale. « Le rapport au travail, au projet n’est pas le même », et si votre profil peut intéresser un DGS ou une DGA, la relation est plus délicate au sein des services : « Quand vous partez en mission pour le MEAE, vous êtes en contrat de deux ans (renouvelable par deux contrats supplémentaires d’un an) et vous avez des livrables à fournir à court terme ; en collectivité, les tâches sont plus récurrentes, s’inscrivent plus dans le long terme.». La Nuance reste d’importance et il convient de ne pas l’oublier.

Son conseil

Pour Donato GIULIANI, si vous postulez un poste au sein d’une Ambassade, sur une mission de coopération, il faut être conscient que cela représente beaucoup de travail, « avec un quota d’heures à discrétion que vous vous imposez vous-même, en toute liberté. A chaque reprise, je suis parti en tant que ‘célibataire géographique’ ce qui m’a permis, à défaut d’être satisfaisant sur un plan personnel, de pouvoir me consacrer en presque totalité à mon travail. Cela reste cependant un choix très personnel et non une règle!».

Un corollaire de cette charge de travail : « ne pas lésiner dans le choix de votre résidence car vous y passerez de longues heures sur vos dossiers. Il importe donc de se sentir bien chez soi. C’est un ancien ambassadeur de France qui m’avait donné ce conseil avant mon départ en poste en 2013, et l’expérience a montré qu’il avait parfaitement raison».

Enfin en dernier conseil, Donato GIULIANI rappelle que vous intervenez dans un contexte culturel qui a ses codes que l’on ne saurait maitriser sur l’espace de quelques années. « A votre prise de poste, prenez une posture d’écoute, d’ouverture, en autre terme d’humilité auprès de vos interlocuteurs. Ceci n’empêche ni de la fermeté, ni vos convictions que vous pouvez clairement exprimées. Veillez à cela en particulier envers vos partenaires locaux. Toute mauvaise interprétation d’attitude pourrait être prise pour de l’arrogance, et il serait très difficile ensuite de rectifier l’image que vous renvoyez. »

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Aout 2024


> Contacter sur LinkedIn


> Télécharger cette fiche en PDF