Damien CHAPUIS


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)AutreRevenu.e dans une autre collectivitéAllemagneAutrePlus de cinq ans

Damien CHAPUIS a 48 ans. Il commence sa carrière en 1998 à Dresde. Sa première expatriation professionnelle sera donc de l’Allemagne vers la France en 2006 quand il rejoint la Région Rhône Alpes. Depuis, son parcours professionnel (il est contractuel) se déroule essentiellement au sein des collectivités locales, avec des missions entre la France et l’Allemagne. Il est aujourd’hui Responsable du service Coopération internationale de la Métropole et de la Ville de Lyon.
Entretien réalisé en novembre 2022

Son parcours

Damien CHAPUIS a réalisé ses études à Science Po à Strasbourg. Il passe une année Erasmus en Allemagne à la Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg en Bavière puis prolonge ses études à Lyon en 1996 pour obtenir un DESS (Master 2) en Urbanisme.

Mais c’est en Allemagne que Damien CHAPUIS retourne pour débuter sa carrière en 1998. Il s’installe à Dresde, capitale politique et deuxième ville la plus peuplée de la Saxe, en ex Allemagne de l’Est. Il va y rester huit années, sur différents postes et pour différents employeurs. Il sera notamment chargé d’enseignement et de recherche à l’Université.

Il revient en France en 2006 : « pour moi c’est en fait la première expatriation professionnelle mais de l’Allemagne vers la France ». Il est recruté par le Conseil régional Rhône-Alpes, comme chargé de mission auprès du premier Vice-Président puis comme chargé de mission auprès du DGS sur la coordination de la participation de la Région à l’exposition universelle de Shanghai 2010.

Une fois ce projet mené à terme, Damien CHAPUIS quitte le Conseil régional pour rejoindre la Ville de Saint Etienne. Il est dans un premier temps conseiller technique au cabinet du Maire puis prend en 2012 la direction du service des Relations internationales de la Ville, poste mutualisé avec la Métropole. Il y reste trois années.

Le changement de majorité et donc d’orientations de la politique internationale met un terme à son contrat avec la Ville fin 2014. Il postule alors au MEAE (MAEDI à l’époque) pour intégrer le « réseau » car il souhaite retourner en Allemagne : « je connaissais l’importance de l’action en ex-Allemagne de l’Est où les instituts sont souvent la seule présence étrangère dans ces villes et réalisent un vrai travail de fond ». Il est recruté. En attendant son départ au 1er septembre 2015, il revient à la Région Rhône-Alpes comme chef de projet pour l’organisation du Sommet mondial Climat et Territoires (https://www.uclg.org/fr/node/23877), sommet des acteurs non étatiques avant la réunion de la COP21 à Paris.

En septembre 2015, il prend la direction de l’Institut français de Saxe-Anhalt, à Magdeburg. Il anime les relations franco-allemandes dans ce Land durant deux ans.

Damien CHAPUIS revient en France à la fin de ce contrat avec le MEAE. Il explore la fonction de Directeur de Cabinet dans une communauté de communes. Puis il s’éloigne quelques temps de la fonction territoriale pour se lancer avec un ami dans la création d’une entreprise. Mais rapidement l’espace public lui manque : « j’ai eu envie de revenir dans les collectivités et je souhaitais découvrir « de l’intérieur », les villes en Allemagne ». Il commence à prospecter, toujours en ex-Allemagne de l’Est et « coup de chance, Chemnitz, dans le cadre de sa candidature pour être capitale européenne de la Culture, lançait le recrutement d’un directeur des relations internationales et des affaires européennes». Il candidate et Madame la Maire le recrute, après trois entretiens, pour cet enjeu d’ouverture à l’Europe de l’administration municipale. Il y restera deux ans et demi.

En fin de crise COVID, Damien CHAPUIS fait le choix de revenir en France : « le COVID a été une période compliquée, limitant les retours » et mettant à mal sa vie privée (« à chaque fois, je suis parti seul »). Le changement de Maire à Chemnitz et l’évolution des orientations finissent de le convaincre. Il se met en veille sur différentes opportunités et voit alors que Lyon cherche un responsable de la coopération internationale. Il est recruté à Lyon où il pose de nouveau ses valises en juin 2022 en prenant la gestion du service « coopération internationale » de la Métropole et de la Ville.

Ses départs

Damien CHAPUIS n’a jamais été fonctionnaire territorial. Il est contractuel et a choisi ce statut pour avoir une grande liberté de mobilité sur ces postes internationaux.

Le fonctionnement sur place

L’expérience de Damien CHAPUIS au poste de responsable de l’Institut français est très intéressante. C’est un Institut avec un mode de gestion particulier, partagé entre l’Ambassade dont il dépend pour la programmation culturelle et le Land allemand qui met à disposition toute la logistique. Ce poste est à la fois exaltant pour Damien CHAPUIS (« une grande liberté de proposer une programmation très variée avec de nombreux partenaires locaux» avec quelques moyens) mais aussi frustrant (« j’étais dans une ville éloignée du centre, donc peu d’écoute, peu d’intérêt de la part de Berlin ou de Paris»). Il est face à une inertie administrative importante qui rend parfois difficile la programmation des activités.

Mais c’est d’abord un vrai choc culturel professionnel pour Damien CHAPUIS. « J’ai eu la chance de travailler avec l’Ambassadeur Philippe Etienne qui est une personne remarquable, avec une vraie confiance dans ses équipes », mais le fonctionnement du Ministère lui semble extrêmement lourd « on passe sous la coupe de l’administration d’Etat. On se plaint parfois de lourdeurs dans la territoriale mais on est en fait des « hors-bords » en comparaison ».

Pour sa troisième expérience en Allemagne, à Chemnitz, le recrutement a duré six mois avec trois entretiens dont un avec Madame le Maire de l’époque. Il prend le poste juste avant le Covid pour participer au travail préparatoire à la programmation de l’évènement Capitale européenne de la Culture 2025. La Maire avait souhaité ouvrir l’administration municipale de cette ville de l’Est à plus d’international : en plus de Damien CHAPUIS (français), elle avait recruté une Canadienne et un Italien. Il découvre un haut niveau d’exigence de l’administration locale allemande en termes de transparence: beaucoup d’écrits, d’archives et tout est adossé à des instructions de service (« Dienstanweisung »). « Je ne connaissais pas cela en France ». Un exemple l’a marqué : « l’attitude à adopter face aux petits cadeaux reçus lors de missions ou d’accueil de délégations par les élus ou les agents était codifiée dans un document de plusieurs pages : ils doivent être déclarés, enregistrés et sont conservés par la collectivité si leur valeur dépasse 5€, sauf autorisation expresse». Pour Damien CHAPUIS « l’encadrement de l’action est très fort avec de nombreuses directives à respecter. C’est parfois lourd, mais c’est aussi très protecteur pour les agents et permet de lutter contre l’arbitraire et la corruption».

Il découvre aussi un autre positionnement international des collectivités avec des Länder très actifs. Par ailleurs, en Saxe, « la majorité des agents territoriaux sont des contractuels, en CDI : le statut de fonctionnaire n’existe que pour certaines catégories ».

Enfin, Damien CHAPUIS est marqué, pour l’administration allemande, par un positionnement très axé sur le service aux usagers avec une obligation de service. Pour lui, « il n’y a pas du tout le même rapport à l’Autre » qu’en France. Ainsi, pour l’arrivée des migrants, il est normal que tous les outils de communication de la ville (y compris sur internet) soient traduits en anglais, en arabe, en ukrainien, etc… « les services s’adaptent aux personnes accueillies et non l’inverse ».

Les enjeux personnels

Pour Damien CHAPUIS, l’expatriation, lors du contrat pour le MEAE à l’Institut Français, n’a pas été un problème. Il partait seul et n’était pas « en terre inconnue ». Donc il trouve un appartement sans difficulté. Idem lors de sa prise de poste à Chemnitz où il trouve des interlocuteurs bienveillants. C’est plus à son retour en France que les difficultés apparaissent : « un formulaire de plusieurs pages, de nombreux documents et 4 mois d’attente et de va-et-vient pour rouvrir mes droits à l’assurance maladie ». Idem pour réapparaître dans les fichiers des services fiscaux.

Pour sa première expatriation en ex-Allemagne de l’Est en 1998, Damien CHAPUIS était en fait « un extra-terrestre ». En effet, peu de Français étaient en poste dans cette région de Saxe et il apparaissait comme « le vrai Français ». Mais il prévient : « on vit ici, on n’est pas un touriste » et donc il est confronté à des choses positives mais aussi négatives. Ainsi il reçoit parfois en direct, des remarques liées à la politique internationale de la France.

Au plan personnel, Damien CHAPUIS est toujours parti seul : « en Europe et hors Covid, on peut quand même assez facilement rentrer une voire deux fois par mois ». Le départ en couple n’est pas obligatoirement souhaité : « il faut en discuter, que chacun trouve son équilibre ». Mais c’est aussi « une question de confiance ». Damien CHAPUIS reconnait toutefois que « partir en expatriation est d’abord un souhait égoïste : on le fait pour soi et on voit ensuite ce qui est acceptable pour l’autre. »

Et le retour ?

Pour Damien CHAPUIS, travailler à l’étranger est un vrai plus car cela permet de penser différemment et d’enrichir ainsi le débat. Par ailleurs, « travailler à l’étranger dans une autre langue demande un effort supplémentaire en termes de précision. On n’est jamais dans sa zone de confort ». Cette rigueur acquise est pour lui un atout professionnel reconnu.

Au service des RH de la Ville de Lyon, Damien CHAPUIS rencontre des personnes attentives et bienveillantes. Par exemple, une recherche est réalisée pour savoir si l’expérience à Chemnitz peut être considérée comme un contrat en collectivité pour déterminer si cela peut faciliter le transfert (notamment pour les questions d’ancienneté). Cela ne concerne finalement pas Damien CHAPUIS car il est contractuel mais « la question a été posée » démontrant l’intérêt. Les services RH ont aussi été attentifs à ses contraintes du fait de son poste en Allemagne pour programmer sa prise de poste.

Lors des entretiens, Damien CHAPUIS valorise son parcours. On lui a déjà posé la question « est-ce que vous allez rester ? ». Pour lui, il n’y a pas de problème. Il vient pour une mission pour laquelle ses multiples expériences sont un atout. Il peut apporter ses expériences pour mettre en place les choses attendues : « c’est pour cela que je n’ai pas passé les concours ; J’ai toujours craint de ne plus pouvoir être mobile ».

Son conseil

Pour Damien CHAPUIS, si l’on veut partir en expatriation, il faut être prêt à se retrouver dans des situations qu’on ne maitrise pas car on ne possède pas les codes. Pour dépasser cela, il est nécessaire d’adopter une posture suffisamment souple et rester très ouvert. Mais « on sort de sa zone de confort ». Il faut alors s’intéresser aux autres pour tisser des liens, comprendre les fonctionnements. Mais aussi se départir des clichés qu’on a pu accumuler avant d’arriver (par les lectures, les discussions). « les gens qu’on rencontre sont comme tout le monde : il y a des sympathiques et des antipathiques ». Il faut comprendre « qu’on se met en situation de confrontation avec l’altérité sans savoir ce qu’il en ressortira ».

Il nous prévient aussi de « ne pas sous-estimer l’énergie que cela demande ». D’abord il faut assurer la logistique de l’installation, l’administratif, l’adaptation à sa nouvelle vie… Toutes ces choses qu’il faut caler en peu de temps. « Cela peut être un peu brutal » nous avoue Damien CHAPUIS. « Quand on part en expatriation, on ne part pas en vacances ».

Enfin, pour Damien CHAPUIS, après une expatriation, il est souvent compliqué de revenir. Vous vivez une expérience forte qui doit vous permettre de faire autre chose ensuite. Ce n’est pas pour revenir en arrière.

Conclusion : « si vous voulez partir, allez-y malgré les différentes difficultés ».

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

novembre 2022


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