Carine BOUGNAGUE


Pays-BasDétachementRevenu.e dans une autre collectivitéPlus de cinq ansAustralie

Carine BOUGNAGUE a 49 ans. Après plusieurs années au sein de l’Agglomération puis de la Ville de Montpellier, notamment comme directrice des relations internationales, elle rejoint le réseau des alliances françaises en 2013. Un premier poste l’emmène, elle et sa famille, à Perth en Australie. Après 4 ans aux antipodes, elle poursuit toujours dans le réseau des Alliances françaises mais aux Pays-Bas cette fois. La pandémie Covid l’amène à mettre fin prématurément à son contrat, au bout de 3 ans au lieu de 4, et Carine BOUGNAGUE revient en France en 2020 mais pas dans sa collectivité. A partir d’octobre 2020, elle rejoint l’AMUE, à Montpellier, comme chargée des relations établissements.
Entretien réalisé en janvier 2023

Son parcours

Carine BOUGNAGUE a commencé sa carrière professionnelle dans le secteur du Tourisme. Après un BTS « commerce international », elle poursuit en 1993 dans un Master pro « hôtellerie- tourisme et thermalisme » à Toulouse. Elle souhaite alors s’orienter vers la gestion d’établissements hôteliers à l’international. Finalement, elle enchaîne plusieurs CDD dans différentes structures privées à vocation publique (offices de tourisme, etc.). Elle parle aujourd’hui 3 langues étrangères (Anglais, Allemand, Espagnol, auxquelles s’ajoutent un niveau élémentaire en Néerlandais et Italien).

En 1998, la France accueille la Coupe du Monde de Football et elle rejoint Montpellier pour participer à l’organisation de l’événement. Quelques mois plus tard, le directeur des Sports de Montpellier, devenu directeur de Cabinet à l’Agglomération, la rappelle et Carine BOUGNAGUE revient à la Métropole pour un remplacement à l’Agence de Développement Economique. Elle ne repartira pas de Montpellier (à l’exception de ses 7 années d’expatriation).

Elle intègre donc l’agence de Développement économique de l’Agglomération de Montpellier avec une mission axée sur la prospection à l’international des entreprises. Elle reste contractuelle jusqu’en 2006, année où elle passe le concours d’attachée territoriale, suivi en 2011 par l’examen professionnel d’attachée principale. C’est alors seulement que Carine BOUGNAGUE est mutée à la Ville de Montpellier. Elle est nommée Directrice des Relations internationales.

Elle ne reste à ce poste finalement que deux ans. Sans réellement chercher à partir à l’étranger, du fait des nombreux liens et réseaux qu’induisent ses différentes missions, elle voit sur le site internet du MEAE un poste ouvert en Australie pour l’alliance française de Sydney (hors recrutement Transparence) : « les alliances, je connaissais. Donc en octobre 2012, je postule en me disant que je ne partirai pas mais que mon CV aura été vu pour une autre fois ».Finalement elle est sélectionnée. Mais elle ne peut accepter le poste car les délais d’intégration ne sont pas compatibles avec l’obligation de préavis imposée par son employeur : « la Ville était d’accord pour mon départ, le Maire était conscient de l’opportunité pour moi et pour la ville mais il fallait un minimum de trois mois pour la transition et le MEAE souhaitait un départ immédiat ».

Malgré ce contre temps, son profil intéresse le MEAE et le poste de responsable de l’Alliance de Perth en Australie lui est proposé pour un départ en septembre 2013. Sa décision est immédiate malgré / en raison du poste isolé en Australie occidentale où ses compétences économiques seront utiles. Le défi l’intéresse et la famille est partante.

La discussion avec la Mairie est alors très simple : le Maire et le directeur de Cabinet autorisent immédiatement ce départ prévu avec quelques mois de préparation : « j’ai eu l’impression que la Ville était fière de ce qu’on sollicite un agent pour participer au réseau de la Diplomatie française ».

Après son contrat de quatre ans en Australie, Carine BOUGNAGUE poursuit dans le réseau et pose ses bagages aux Pays-Bas à Amsterdam. Elle est alors chargée du lancement d’une nouvelle Alliance française. Après un premier contrat de deux ans, elle renouvelle son engagement mais sa famille rentre à Montpellier. Elle démissionne finalement un an plus tard, un an avant le terme de son contrat du fait de complications administratives liées au COVID.

En octobre 2020, elle ne réintègre pas sa collectivité – la Ville de Montpellier – mais est recrutée par l’AMUE (Agence de mutualisation des universités et établissements d’enseignement supérieur ou de recherche et de support à l’enseignement supérieur ou à la recherche), à Montpellier où elle exerce depuis cette date de retour.

Son départ

Lors de son premier départ, le dialogue avec la DRH de la Mairie est minimal. Carine BOUGNAGUE obtient facilement son avis de détachement auprès du MEAE pour deux années qu’elle renouvellera régulièrement.

Mais en fait la collectivité ne maîtrise pas l’ensemble de la procédure et Carine BOUGNAGUE ne reçoit pas toutes les informations. Si elle est bien destinataire régulièrement de ses arrêtés d’avancement et de changement d’échelon, elle n’est pas informée du mécanisme de paiement de ses cotisations retraites : « en effet, le MEAE ne les prend pas en charge. Il revient à chaque agent de payer ses cotisations auprès de la trésorerie municipale ». Carine BOUGNAGUE n’est pas prévenue et s’en aperçoit qu’après 1 année et demie quand « la trésorerie me retrouve ». Il lui faut apurer un passif de quelques milliers d’euros avant de mettre en place un versement mensuel.

Sur le plan administratif en fait, Carine BOUGNAGUE ne bénéficie d’aucune préparation au départ.

Au plan familial, la discussion est assez rapide, avec son conjoint et ses enfants de 10 et 3 ans : « tout le monde est OK, l’aîné est un peu réservé mais son parrain vit en Australie…».

Le fonctionnement sur place

Professionnellement, Carine BOUGNAGUE trouve un poste passionnant. « La fonction de directrice d’Alliance offre une grande liberté ». Certes, administrativement, elle est rattachée au poste diplomatique – mais Perth est à 3700 km de Canberra (la distance Paris Ankara). Mais elle rend surtout compte de sa gestion de l’alliance française à un conseil d’administration constitué de personnes locales (Australiens, français ou étrangers). Elle a alors une réunion mensuelle « avec le board » qui lui offre une forte délégation : « on gère une petite PME ».

Son intégration locale est très simple : « je trouve des collaborateurs ouverts, habitués aux changements de direction ». Le conseil d’administration joue aussi un rôle important de facilitateur : « quelqu’un vous attend à votre arrivée, vous introduit auprès des collaborateurs de l’alliance et reste un point d’appui pour les premières semaines ». Cela remplace le MEAE qui est absent sur les questions d’installation.

Pour l’Australie mais aussi pour les Pays-Bas, la famille fait le choix de voyager léger (« deux sacs par personne ») et trouve un logement assez simplement : en prenant une première location pour quelques semaines avant de pouvoir identifier une location longue durée.

Les enjeux personnels

Les mobilités doivent se décider en famille selon Carine BOUGNAGUE. Pour le premier départ, la famille est d’accord très rapidement.

Après 4 années à Perth, le MEAE pense à elle pour un contrat de directrice d’AF à Pondichéry. Professionnellement, le poste est très intéressant. Mais elle fait face à un véto familial : « mon aîné ne se retrouve pas dans le lycée qui est proposé et mon conjoint qui a déjà une situation professionnelle interrompue  en Australie ne voit pas de perspectives en Inde et craint aussi le climat ». Elle décline donc l’offre indienne.

Pour la vie quotidienne, en Australie, le conseil d’administration de l’Alliance facilite grandement l’intégration. Au-delà, du fait du choix de scolariser les enfants à l’école publique australienne, la communauté scolaire, très forte en Australie, a permis une intégration rapide, « renforcée par le fait que mon conjoint ne travaille pas et participait ainsi à toutes les activités et rejoint un club de vélo.»

Si la période en Australie est très positive, le séjour à Amsterdam est plus compliqué, notamment au plan familial. En Australie, la pratique de la langue anglaise permet une intégration réelle. Pour les Pays-Bas, toute la famille est partante initialement : « on revenait vers l’Europe ». Mais, la réalité est finalement plus complexe, notamment du fait de la barrière de la langue. Aux Pays-Bas, il n’est pas question, pour un séjour de quelques années, d’intégrer le système éducatif local, d’autant que les enfants commencent à être grands. L’aîné est inscrit en école internationale à 25 kms et le plus jeune intègre l’école élémentaire française et tout le monde se retrouve limité dans la communauté des expatriés. « La vie se rétrécit pour la famille : mon conjoint ne trouve pas de travail, souci de lycée international pour mon fils, activités extérieures limitées à cause du climat et de la langue… ». Le désir de la famille de vivre « avec les locaux » est impossible.

Mais surtout, ils ne retrouvent pas une communauté française enthousiaste : « à la sortie de l’école, les discussions ne tournent qu’autour du prochain retour en France pour les vacances ». Finalement la famille rentre en France au bout du premier contrat de deux ans à Amsterdam et Carine BOUGNAGUE entame une vie entre Amsterdam et Montpellier où elle rentre trois jours tous les quinze jours.

Finalement, avec le Covid et le confinement, Carine BOUGNAGUE se retrouve à Montpellier avec sa famille, et, avec l’accord du Poste, travaille à distance, situation non prévue par le cadre réglementaire. La situation de nombreux agents dans cette situation est problématique pour l’administration du ministère qui prend des mesures d’abattement de l’indemnité de résidence des agents, alors même que ceux-ci conservent leurs loyers. Carine BOUGNAGUE prend la décision de rentrer en France en septembre 2020.

Et le retour ?

Déposant sa démission fin mai pour un retour en France en septembre 2020, Carine BOUGNAGUE envoie sa demande de réintégration au Maire et à la DRH de Montpellier plus de trois mois avant la date d’échéance. Certes, elle sollicite une fin anticipée d’un an de son détachement (prévu normalement jusqu’en août 2021) mais la collectivité peut normalement lui proposer un poste correspondant à son grade. « Rien ne se passe. Finalement, de passage à Montpellier en juillet 2020, je fais le forcing pour rencontrer le DRH que je ne connaissais pas, pour me présenter ». La rencontre est cordiale : « on me dit que j’ai une expérience fantastique et on me demande si je veux réellement revenir en collectivité : « vous allez vous ennuyer » ». Carine BOUGNAGUE sent alors un décalage entre son envie de réintégrer le secteur public local où elle pense pouvoir jouer un rôle et l’environnement (RH, élus, etc..) qui ne comprend pas bien son parcours et son souhait de revenir.

Carine BOUGNAGUE n’a gardé aucun lien professionnel avec le service des Relations Internationales au cours de ses expatriations. Si elle maintient des liens interpersonnels avec certains collaborateurs, le décalage du calendrier des élections et l’installation d’une nouvelle équipe municipale ne favorisent pas l’usage par la Ville de cette collaboratrice expatriée. Aucun lien n’est fait alors au retour à sa demande de réintégration.

Devançant ces réticences ou difficultés, elle anticipe sa recherche ailleurs. En effet, demandant une réintégration anticipée, elle n’a pas d’assurance d’avoir un poste et donc un salaire : « j’ai bien fait car en septembre et octobre, la Métropole ne m’a rien proposé ». Si elle trouve un nouveau poste dès la première semaine de septembre, les différentes étapes de ce nouveau détachement prennent du temps, « la DRH ne traitait pas ma demande de nouveau détachement qui pourtant leur simplifiait les choses ». Elle intègre l’AMUE seulement au 19 octobre : « je n’ai pas été payée durant un mois et demi et il m’a fallu batailler pour obtenir un détachement à cette date.».

Au plan personnel, « je ne regarde pas en arrière ». Pour Carine BOUGNAGUE, certains anciens expatriés peuvent avoir du mal à faire le deuil de « l’extraordinaire ». Mais pour elle, pas de nostalgie : « quand on part dans le réseau MEAE, on sait que l’on va revenir et on ne se projette pas au-delà de 4 ou 8 ans ». Elle est très contente de revenir à Montpellier, dans une ville qu’elle apprécie mais qui a fortement changée au cours de ses sept années d’absence : « je redécouvre ma ville et je l’apprécie à nouveau ». Et 7 années « c’est assez long pour détisser certains liens non essentiels sans perdre les connaissances qui comptent pour soi ».

Son conseil

Pour Carine BOUGNAGUE, durant une expatriation « vous vivez le meilleur des deux vies, professionnelle et familiale. Au travail, vous découvrez et apprenez continuellement et familialement, vous vivez le quotidien mais vous devenez en même temps un touriste longue durée. Vous mettez à profit tous les week-ends pour découvrir et voyager localement et vous en arrivez à mieux connaître le pays que les locaux. »

Au plan professionnel, pour Carine BOUGNAGUE « il existe certainement une grande valeur à tirer de cette expérience ». Elle a découvert de nombreuses choses mais cette curiosité lui semble difficile à réutiliser ; « on n’utilise pas assez ce levier » selon elle. Elle est convaincue d’avoir acquis, en plus de ses nouvelles compétences, des « soft skills » qu’elle utilise naturellement dans son management.

Pour Carine BOUGNAGUE, « si vous avez l’opportunité, il faut oser l’expatriation, quel que soit votre âge ». Mais il faut chercher cette opportunité car elle ne viendra pas à vous toute seule. Il faut bien identifier les contraintes qui sont là (enfants, famille, travail du conjoint…) sur ces 3 ou 4 années prévues pour que l’expatriation y réponde et ne pas se bloquer sur la langue (il faut juste pouvoir interagir).

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

janvier 2023


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