Armelle GUYOMARC’H


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)En poste au moment de la rédactionPlus de cinq ansBelgiqueChine

Armelle GUYOMARC’H a 52 ans. Après une thèse à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne en Droit Public / Droit du Patrimoine culturel, elle rentre au Conseil régional d’Ile de France, en premier lieu comme chargée de mission puis coordinatrice des Affaires européennes. Après quelques années, elle passe à l’action internationale comme responsable des coopérations décentralisées avec les pays émergents ( Sao Paulo, Johannesburg et Delhi). Elle réalise ensuite une mobilité au Quai d’Orsay, à Paris. Après 4 ans elle rejoint le SCAC de Pékin comme cheffe du Pôle Environnement et Patrimoine en tant qu’Attachée de coopération. En 2016, Armelle GUYOMARC’H revient quelques mois au Conseil régional d’Ile de France mais repart rapidement au MEAE. Depuis février 2022, elle intervient à la Commission Européenne à Bruxelles comme Experte Nationale Détachée (END) au sein de la DG INTPA, sur les questions de Gouvernance, Etat de Droit, Démocratie Locale et Décentralisation, en appui aux délégations de l’Union Européenne.
Entretien réalisé en mai 2023.

Son parcours

Armelle GUYOMARC’H a intégré la fonction publique assez tardivement du fait d’une thèse menée jusqu’en 2000. Mais dès ses études, elle s’engage sur les questions de décentralisation, le titre de son doctorat étant : « La décentralisation de la protection et de la gestion du patrimoine culturel [1]».

Mais après sa thèse, elle souhaite participer concrètement à l’aventure décentralisatrice en France « il y avait alors une vraie volonté politique de rapprocher la gouvernance du citoyen ». Une semaine après l’obtention de son doctorat, elle passe le concours d’attachée territoriale. Elle souhaite plus particulièrement intégrer un exécutif régional : « j’ai répondu à une annonce de l’Ile de France – sur Minitel- pour la « création d’une cellule Europe » ». L’exécutif régional venait de basculer (Jean Paul Huchon avait remplacé Michel Giraud en 1998), « il y avait une administration publique avec de jeunes fonctionnaires et la Région venait de devenir éligible au FEDER : par ma thèse j’avais étudié les politiques communautaires ». C’est ainsi qu’elle intègre la fonction publique territoriale.

Armelle GUYOMARC’H élargit son activité quelques années plus tard : « après 6 ans à la cellule Europe, la Région Ile de France est l’une des premières collectivités à répondre à des appels à projets de l’UE vers des pays tiers » et s’engage notamment sur des programmes communautaires d’aide extérieure tels que le programme Asia Urbs (sous l’impulsion d’Alain Le Saux, le directeur des relations internationales de l’époque) : « je parlais anglais et portugais – je passe à l’international par l’entremise des projets de coopération avec les pays émergents ». Elle pilote ainsi les coopérations avec Sao Paulo au Brésil, Johannesburg en Afrique du Sud et New Delhi en Inde durant 3 années.

En 2009, elle sollicite un premier détachement au ministère des Affaires étrangères. Elle rejoint le Pôle Patrimoine mondial au sein de la Direction de la Culture et de la Francophonie du Quai d’Orsay, notamment pour la mise en place du Comité interministériel de suivi du trafic illicite des biens culturels (Douanes, Police, Justice, Culture, Quai d’Orsay), et l’étude des dossiers de demandes de restitution (Asie, Amériques, Afrique), etc. Elle reste 4 années dans cette direction.

Puis Armelle GUYOMARC’H part en expatriation en Chine en tant qu’attachée de coopération – cheffe de pôle environnement et patrimoine au sein sur SCAC de Pékin. Elle y reste 3 années.

A son retour en France, elle demande sa réintégration au sein du Conseil régional d’Ile de France. On lui propose un poste de cheffe de projets de coopération internationale en aménagement durable. Elle mène différents projets. Mais ses compétences acquises lors de ses expatriations ne sont que peu utilisées, la plus-value de ce détachement étant mal comprise et cernée.

Armelle GUYOMARC’H sollicite rapidement un nouveau détachement et repart au MEAE, d’abord comme adjointe à la sous-direction d’Extrême Orient (15 mois), puis rejoint la Délégation à l’action extérieure des collectivités locales – DAECT- comme chargée de mission auprès de l’Ambassadeur.

En 2022, elle arrive en fin de période de détachement. Elle postule au SGAE – Secrétariat Général des Affaires Européennes pour un poste d’Expert National Détaché (END) (ces postes au sein de l’UE, sont financés par le MEAE) : « c’est une manière pour moi de revenir à l’Europe ».

Malgré toutes ces années professionnelles en dehors d’une collectivité territoriale, elle reste une ferme défenseuse de la décentralisation et de la démocratie locale, en tant que territoriale en mission dans les instances nationales ou internationales.

Le fonctionnement sur place

Armelle GUYOMARC’H a « adoré » sa première expatriation professionnelle en Chine. Au sein de l’Ambassade, « vous êtes une représentante de la France, au sein d’une équipe de haut niveau ». Elle est alors plongée dans une équipe qui regroupe différentes administrations avec des cadres de multiples ministères ce qui est très stimulant. « j’ai eu vraiment l’impression de servir la cause de la France et celle de ses collectivités locales ».

Toutefois, en tant que territoriale elle ne bénéficie pas d’un passeport diplomatique. « on est moins protégé » et cela compte dans un pays difficile comme la Chine, surtout à cette époque.

A Bruxelles, son arrivée au sein de son service a suscité de l’étonnement. En effet, Armelle GUYOMARC’H est la première fonctionnaire territoriale en tant qu’END – Experte Nationale Détachée. Elle détonne un peu car « j’amène du politique dans les analyses » au sens qu’elle rappelle l’exigence d’une nécessaire place des collectivités locales dans l’APD -Aide Publique au Développement- européenne, tout en prenant en compte la différence des collectivités dans chaque pays : « je suis un peu un poil à gratter car je rappelle régulièrement les réalités du terrain et la place des collectivités locales en Europe. Il faut penser « collectif », état de droit dans touts ces composantes, faire connaitre le rôle essentiel des autorités locales. »

De son côté, elle s’est rapidement adaptée à la technostructure européenne. « il existe un ensemble de procédures hyper-normées ». Mais son rôle, au titre d’END, est d’apporter l’expertise nationale française dans un secteur particulier. Sa plus-value, comme experte, est sur la programmation européenne « En tant qu’END, je n’ai pas à toucher aux contrats et projets, au suivi financier et administratif mais j’apporte dans la plupart des documents une analyse politique circonstanciée ».Ce travail se fait aussi avec la Représentation Permanente auprès des Institutions européennes (la RP France) et les services du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à Paris.

En restant sur le plan politique, ce qui passionne Armelle GUYOMARC’H c’est de « participer à la construction européenne » en étant au cœur de la « machine européenne ».

Les enjeux personnels

Sur le plan statutaire, pour Armelle GUYOMARC’H, ses départs étant au sein du MEAE, elle a sollicité à chaque fois une procédure de détachement. Les relations avec les RH de la Région « sont fluides ». Mais sa progression statutaire a de fait été ralentie par ces expériences : « je reste aujourd’hui dans le statut de Directrice territoriale et le cadre juridique ne permet pas de passer en attaché hors classe : notre expérience est mal reconnue ».

Pour la gestion statutaire « c’est moi qui suis mon calendrier ».

Pour son portage, elle est aujourd’hui détachée chez Expertise France, société de droit privé avec une mission de service public, et mise à disposition de l’UE par l’Etat français. Si ses précédentes missions étaient des détachements de 2 ans renouvelables, cette fois ce sont des périodes d’une année, ce qui ne facilite pas une projection à moyen terme.

Sur le plan personnel, pour Armelle GUYOMARC’H, son départ à Bruxelles « un peu précipité » a été plus compliqué que pour Pékin. Pour trouver à se loger notamment « c’est l’enfer ». Si les appartements sont grands, ils sont aussi extrêmement chers -. Elle trouve la ville de Bruxelles finalement assez « petite ». Le quartier européen est une ville dans la ville. Pour son fils, c’est une vraie chance « il est entré en seconde à l’Ecole européenne, et côtoie des élèves de toutes les nationalités, avec une grande ouverture d’esprit ».

Concernant la protection sociale, cela apparait très compliqué. Il faut d’abord obtenir une carte de résident permanent étranger (délai d’au moins 3 mois). Et personne ne vous explique qu’il existe une dizaine de systèmes de sécurité sociale en Belgique. « Vous choisissez donc un peu au hasard ». Par exemple, pour la Mutuelle « j’ai la mutuelle spécifique à Expertise France et en plus la sécurité sociale belge dite « neutre » mais c’est compliqué à gérer ».

Sur le plan fiscal, Armelle GUYOMARC’H a bénéficié avec son employeur Expertise France, d’un entretien avec un fiscaliste mais cela reste très complexe. Le système belge est parfois difficile à comprendre.

Enfin pour la retraite, contrairement à son détachement en Chine (lors duquel elle devait régler ses cotisations à la trésorerie régionale), ses cotisations sont payées directement par Expertise France. Mais contrairement à d’autres experts, elle a appris que ses trimestres ne sont pas valorisés. Seules les expatriations dans certains pays permettent cet avantage[2].

Et le retour ?

Au retour de Chine, en 2016, « cela avait été compliqué. » En effet elle souhaite alors retrouver un poste à responsabilité dans les Relations internationales mais « plus on vieillit, plus on coûte cher et je n’avais plus les réseaux professionnels dans la collectivité ». Pour Armelle GUYOMARC’H, « notre expérience internationale est mal valorisée » et lorsque vous revenez au sein d’une collectivité où les agents bougent peu « vous faîtes un peu peur ».

Pour l’instant, Armelle GUYOMARC’H est à Bruxelles et le retour n’est pas à l’ordre du jour.

Son conseil

Pour Armelle GUYOMARC’H, partir à l’étranger nécessite de se laisser porter et d’accepter d’être dans un cadre différent. Si vous êtes sûre de vos compétences et de la plus-value que vous apportez, cela se passe bien. D’autant qu’en Ambassade comme à Bruxelles, vous vous habituez à une culture administrative différente de celle des collectivités locales.

Ce qui semble important à Armelle GUYOMARC’H, c’est « de vouloir défendre une vision française de la décentralisation  et de porter les politiques innovantes des collectivités locales européennes et a fortiori françaises».

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

[1] https://www.theses.fr/1999PA010262

[2] https://enseignants.se-unsa.org/En-poste-a-l-etranger-mes-droits-a-la-retraite https://alliancesolidaire.org/2023/03/13/carriere-a-letranger-et-calcul-de-la-retraite-2/


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