Alain BERGÉ


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)DétachementRevenu.e dans sa collectivitéPlus de cinq ansMarocMauritanieTunisie

Alain BERGE a 57 ans. Il est aujourd’hui administrateur d’une Réserve Naturelle Régionale en Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée. Il est attaché principal depuis 1995.
« Plus de 20 ans d’expériences en gestion de projets de développement durable et responsable des territoires, en collectivités locales, au service de l’État, en France, en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest. » C’est ainsi que Alain BERGÉ résume son parcours sur son profil LinkedIn.
Entretien réalisé en janvier 2021

Alain BERGÉ est diplômé de l’université de Toulouse Jean Jaurès (DESS « Aménagement du territoire et développement local »). Certifié en histoire et géographie depuis 1990, il décide en 1995, d’abandonner le Ministère de l’Education Nationale et de rejoindre la fonction publique territoriale en qualité d’Attaché Principal au sein de l’administration du Département de la Haute-Garonne. Il complète sa formation tout au long de sa vie : avec le CNFPT sur les fonctions d’encadrement et de management d’équipe, avec le Ministère des Affaires Étrangères sur la gestion du cycle de projet, avec l’UNESCO sur la gestion des sites du patrimoine mondial, etc. Plus récemment, en 2014, il suit dans le cadre d’un congé de formation continue un Master délivré par Sciences Po Lyon sur le pilotage, le suivi et l’évaluation des politiques publiques.

Alain BERGÉ a toujours aimé les voyages, et aller à la rencontre de l’autre, différent et semblable. Encore étudiant, il valorise d’ailleurs ses études d’histoire et de géographie avec des activités de guide de randonnées culturelles en Jordanie, en Turquie ou en Europe centrale.

Après ses études il collabore au sein d’une agence d’urbanisme, puis créée une petite société de conseil dans le domaine  du développement territorial et de l’environnement pour les services de l’Etat et les collectivités locales.

Son parcours dans la fonction publique territoriale se fait essentiellement en Occitanie. Il débute au Département de Haute-Garonne, en qualité de chargé des études d’aménagement du territoire et de développement local. Il intervient à cette occasion sur un territoire interdépartemental, ce qui le conduit quelques années après à être détaché auprès d’une grande association de communes pour s’organiser de l’émergence d’un « Pays » (Epoque des lois dites « Pasqua / Voynet »).

En 2001, au cours d’une formation, il rencontre une personne qui lui indique le service auquel s’adresser au Ministère des Affaires Étrangères (MAE) pour se porter volontaire à des missions d’assistance technique. Il sollicite un rendez vous à Paris. Son expérience « aménagement et développement des territoires » intéresse. Son profil de territorial également. C’est en effet l’époque où de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest commencent à décentraliser leurs politiques publiques : création de collectivités locales, lois de transfert de compétences, formation des élus locaux, etc. Une mission lui est proposée.

La discussion avec la Direction des Ressources humaines de Haute Garonne est rapide, ouverte à ses choix, protectrice du statut. Il part alors (en détachement) au Sénégal pour quatre années. Il est positionné auprès de la Maison des élus locaux à Dakar en tant qu’assistant technique du projet PADDEL (Projet d’Appui à la Décentralisation et au Développement Local) : il appuie dans ce cadre les associations nationales des élus locaux dans leurs différentes activités et une trentaine de communes sénégalaises dans l’élaboration de leur programme de développement local, l’organisation de leurs services techniques et administratifs, l’exercice des compétences transférées par les nouvelles lois de décentralisation.

Au terme de son contrat à Dakar et de la fin du Projet, il souhaite prolonger son parcours au sein du MAE et se porte de nouveau candidat sur un poste d’appui au développement régional en Tunisie, reposant sur la valorisation du patrimoine historique et archéologique. Il y reste 2 ans, rattaché à l’Institut du Patrimoine à Tunis, ancrage institutionnel du projet de coopération intitulé « Dougga et sa région ».

À l’époque, les contrats avec le MAE ne peuvent excéder 6 ans. Il doit alors rentrer en France en 2007. Après un poste de quelques mois au Conseil régional de Languedoc-Roussillon, Alain BERGÉ travaille alors sept ans en France en qualité de Directeur adjoint d’un Parc naturel régional. A partir de 2014, un changement de direction l’encourage de nouveau à consulter les offres d’emplois proposées par le MAE sur la « Transparence »[1]. Son attention est attirée par une mission dans la plus grande aire protégée du littoral de l’Afrique de l’ouest. Il candidate au printemps 2015 et part en septembre 2015 pour une mission de trois ans en tant que Conseiller technique du Directeur du Parc National du Banc d’Arguin en Mauritanie.

Il rentre en France en 2018 avec la fin du statut des ETI (Expert Technique International) gérés directement par le MAE. Il revient alors auprès de sa collectivité locale d’origine (Syndicat mixte de Parc naturel régional) où on lui propose un poste vacant (gestion d’une Réserve Naturelle).

Le fonctionnement sur place

Pour sa première mission, au Sénégal, Alain BERGÉ est sous une double hiérarchie : les associations d’élus locaux du Sénégal, et le SCAC avec qui il a un contact hebdomadaire. Considérant son statut de « territorial », l’Ambassade de France lui confie en effet le suivi des actions de coopération décentralisée des collectivités locales françaises qui interviennent dans ce pays : instruction des demandes de subventions, accueil des délégations d’élus locaux, suivi de travaux, évaluation de partenariats, etc. Il est à l’origine de l’un des premiers atlas « Pays » de la coopération décentralisée[2]. Il garde de bons souvenirs de ses relations professionnelles avec les partenaires et bénéficiaires de son projet, malgré les nombreuses difficultés à surmonter. Le Projet d’Appui à la Décentralisation et au Développement Local, regroupait par ailleurs, non seulement 4 assistants techniques français, mais également 10 assistants techniques sénégalais. Alain BERGÉ a encadré 3 d’entre eux dans une ambiance qu’il qualifie de stimulante et féconde. Il entretient d’ailleurs encore plusieurs années après d’amicales relations avec certains d’entre eux.

Lors de sa seconde mission, qui dura 2 ans en Tunisie (2005 à 2007), Alain BERGÉ est confronté à une administration centralisée et à un Etat policier. Les services centraux de l’Etat sont paralysés face à l’influence des gouverneurs en région. La mise en place de programmes de développement avec les acteurs locaux ou les perspectives de coopération décentralisée sont plus délicates à promouvoir. Au sein de l’établissement où il est basé, les relations entre collègues sont plus difficiles que celles tissées au Sénégal et restent empreintes de distance, voire d’une certaine défiance. Il ressent ici plus qu’au Sénégal, le poids de l’Histoire, en particulier de l’histoire coloniale. Il est en contact régulier avec le SCAC pour l’organisation des dépenses du projet dont il a la responsabilité, et rendre compte des résultats obtenus et difficultés rencontrées.

Lors de sa troisième mission, en Mauritanie, de 2015 à 2018, Alain BERGÉ est ce qu’on appelle un assistant technique « nu », c’est à dire sans enveloppe budgétaire dédiée à sa mission, hors de son énergie personnelle. Malgré la forte inertie qui pèse sur cet établissement existant depuis plus de 40 ans, il y trouve une ambiance professionnelle riche d’échanges et de controverses, et y noue des amitiés encore vivaces. Il est en contact régulier avec le SCAC pour là aussi rendre compte des résultats obtenus et difficultés rencontrées.

Les enjeux personnels

Sur le plan personnel, Alain BERGÉ est parti seul en expatriation durant ses deux premières missions (Sénégal et Tunisie), puis en couple avec un enfant en Mauritanie.

Au Sénégal, tout d’abord, Alain BERGÉ arrive dans une administration française relativement importante, habituée à recevoir des expatriés : une « case de passage » lui permet d’atterrir en douceur et lui laisse deux ou trois semaines pour s’installer tranquillement (logement, véhicule, services de la vie quotidienne, etc.). Chose assez rare, il est accueilli par le collègue qu’il doit remplacer et qui le forme à sa nouvelle mission.

Contraste en Tunisie où l’administration française ne lui apporte de ce point de vue aucun soutien particulier. Hormis l’accompagnement pour l’installation professionnelle auprès des autorités locales, il doit se débrouiller seul. Il loge chez des amis d’amis, le temps de trouver un logement, acheter une voiture, s’installer.

En Mauritanie, les conditions de vie relativement « rugueuses » supposent une grande solidarité. Il est aussi accueilli et logé dans une « case de passage » durant quelques semaines, s’inscrit sur les différents forums qui facilitent la vie (le « bon coin » du coin) pour une installation de la famille qui demande un peu de temps au début, mais sans problème majeur. Dans tous les cas, « au début, on campe » nous rappelle Alain BERGÉ.

Pour ses 3 missions, il est positionné dans une administration locale (Maison des Elus Locaux à Dakar, Institut National du Patrimoine à Tunis, Parc national du Banc d’Arguin à Nouakchott). Le principal intérêt est de se retrouver dans un cercle professionnel (et parfois de convivialité) associant collègues nationaux et internationaux. Quand, c’est le cas, les relations avec le SCAC sont soit « administratives » (gestion de projet, régime d’autorisations, etc.), soit « stratégiques » (cadre de coopération, positions diplomatiques).

Il n’a jamais rencontré de problèmes particuliers de sécurité. Même en Mauritanie, où la carte du voyageur est rouge ou orange (déplacements très fortement ou fortement déconseillé) et où les déplacements hors de la capitale sont soumis à autorisation de l’administration française : « On connaît les enjeux de sécurité, et on dispose souvent d’informations pertinentes sur la situation réelle et les risques objectifs ». D’ailleurs, pour ses différentes missions, Alain BERGÉ n’a bénéficié d’aucune formation de préparation au départ.

Au plan familial, son épouse l’a suivi dans ses choix avec un enfant en bas âge. L’expatriation en Mauritanie a été une belle expérience familiale. La scolarité de leur fils n’a posé aucun problème particulier. Mais, Alain BERGÉ reconnait que dans les 15 jours précédant le départ, il se questionnait encore sur le bien-fondé de ce choix. Mais « à un moment, il faut larguer les amarres. On part pour se faire bousculer et c’est énergisant. Même si on est dans une certaine précarité, éloignés des siens, aller au devant de l’inconnu est très stimulant ».

L’expatriation renvoie souvent une image de soleil et de « voyages ». C’est vrai qu’en Afrique, il peut faire plus chaud qu’en France, mais Alain BERGÉ rappelle comme de nombreux autres expatriés, que les missions sont lourdes : « on rentre rarement bronzé. Il faut se consacrer pleinement à la mission et on travaille beaucoup ». Par ailleurs, le travail peut paraître parfois ingrat, car l’énergie dépensée n’est que rarement récompensée immédiatement. Parfois, « on plante des graines qui germeront en notre absence, après notre départ ».

Pour Alain BERGÉ, ces différentes expériences internationales ont été très formatrices à de multiples niveaux : management d’équipes multiculturelles, techniques d’animation et de pilotage de projet, « écosystème » des acteurs de la solidarité internationales, mécanismes de l’aide au développement, etc. Mais également en terme de posture, de capacité d’écoute et d’adaptation, de capacité à relativiser les situations problématiques, ou à inventer des modes opératoires différents de ceux que l’on connaît déjà. Et puis l’expatriation permet de découvrir un pays et ses habitants, en immersion.

Et après ? Le Retour

En 2007, après 6 ans à l’étranger, il doit réintégrer la territoriale. Mais il n’est pas vraiment attendu au Département de Haute Garonne auquel il est « attaché ». Il postule par défaut sur un poste à la Région Languedoc-Roussillon où il est recruté durant quelques mois en qualité de chargé de mission. Le contraste est saisissant entre ses 6 années de gestion de projet de coopération et l’administration régionale. Au bout de 6 mois de recherche, il est recruté sur un poste de Directeur adjoint dans un Parc Naturel Régional, où il trouve durant 7 ans matière à faire valoir son expérience « métisse ». Avec par exemple le suivi d’un partenariat de coopération décentralisée entre son territoire et des communes des lagunes côtières du Bénin (un Directeur ayant lui-même l’expérience de l’expatriation aide sans doute dans cette « ouverture »).

En 2018, suite à sa troisième mission, il ne peut retrouver son poste laissé en 2015. En effet, un nouveau Directeur Adjoint a été recruté. Alain BERGÉ souligne qu’il très différent de chercher à réintégrer sa collectivité d’origine, selon qu’elle regroupe quelques dizaines, quelques centaines, voire milliers d’agents. Dans une petite structure, il est rarement possible de retrouver son poste ou un poste similaire. Toutefois, ne souhaitant pas changer de région (ancrage familial), il accepte un poste d’administrateur de Réserve Naturelle régionale. Car, il faut bien convenir, que malgré les incertitudes liées à ce type de parcours professionnel, les agents de la FPT qui sont tentés par une expérience professionnelle à l’international sont quand même protégés par le statut qui prévoit différentes modalités de réintégration.

Mais on reste à part : pour ce qui le concerne, rares sont les personnes qui, à son retour dans sa collectivité, se sont intéressés aux expériences et compétences acquises lors de son expatriation : peu de questions, pas de mise en partage, ni de mise en perspectives. Au départ, on suscite la curiosité, et on se projette dans l’inconnu. Au retour, soit on arrive à rebondir dans un nouvel environnent professionnel valorisant, soit on est contraint de revenir sur ses pas, voire à la case « Départ » avec un risque d’aigreur pour soi-même et d’indifférence de la part des autres. La préparation au retour est ainsi au moins aussi importante que la préparation au départ.

Son conseil

Alain BERGÉ encourage, celles et ceux qui dans la FPT, souhaitent connaître une expérience internationale au moins une fois dans leur vie professionnelle à le faire sans retenue. Même si le monde de l’assistance technique et les conditions d’exercice pour les agents de la fonction publique ont évolué ces dernières années. Ainsi, la gestion par l’Agence « Expertise France » de l’assistance technique qui était placée auparavant auprès du MAE est moins sécurisante sur le plan administratif pour les agents de la fonction publique. Et dorénavant de nombreuses missions d’assistance technique sont portées par des opérateurs privés dans un marché très concurrentiel animé par les différents partenaires de l’aide publique au développement. Dans ce cas là, il faut accepter de mettre sa carrière de fonctionnaire entre parenthèse et de partir dans le privé. Au regard de son expérience, il pense qu’on peut, avec une expérience de « Territorial », administratif ou technique, se positionner sur certaines de ces missions, mais il faut alors, développer une aptitude à la mobilité et accepter une certaine précarité car « il y a toujours une grosse incertitude sur l’agenda des missions ». Difficile en famille ! Car, si le projet d’expatriation concerne époux et enfants, il est alors nécessaire que le choix soit partagé par l’ensemble de la famille : au cours de ses séjours à l’étranger, Alain BERGÉ a connu de nombreux couples se séparant faute de partage d’un projet commun. Sur le plan personnel, il souligne l’importance de disposer d’un ancrage territorial, tant pour les périodes de congés en France que pour la gestion du retour familial et professionnel. Il se félicite sinon de la démarche entreprise par le CNFPT pour valoriser le parcours singulier de dizaines d’agents ayant enrichi leurs pratiques professionnelles par une expérience à l’international, et de l’intérêt que peuvent représenter ces agents dans leurs collectivités respectives. Une dynamique à encourager pour développer la culture de l’international dans nos collectivités locales.

 

Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Janvier 2021

[1] https://pastel.diplomatie.gouv.fr/transparenceext/transparence_emplois_reseau_etranger.php

[2] http://www.bfc-international.org/IMG/pdf/Pa[2]rtenariats_de_cooperation_decentralisee_franco-senegalis_1994-2008.pdf

 


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