Françoise DORE


DisponibilitéRevenu.e dans sa collectivitéDe deux ans à cinq ansCanada

Françoise DORE est attachée territoriale principale, elle occupe actuellement le poste de chargée de mission Valorisation du territoire à la ville de Saint-Joseph en Martinique. Au cours de sa carrière, elle a connu une expérience atypique d’expatriation au Canada. En effet, cette expérience s’est déroulée dans le cadre d’un projet professionnel de formation. Elle est responsable de service à Saint Joseph depuis quatre ans lorsque, à 43 ans, elle s’inscrit dans une université à Montréal. Elle part ainsi quatre ans se former au Canada, en 2010. Elle espère pouvoir évoluer dans sa carrière et renforcer ses compétences. Mais des soucis familiaux l’obligent à revenir en Martinique. Sa collectivité la réintègre, mais Françoise DORE ne pourra pas réellement mettre en pratique les apports de son expérience au Canada dans ce cadre professionnel. Cependant, les compétences (techniques, sociales, humaines, …) acquises vont lui servir dans le reste de son parcours.

Son parcours

Après une Maîtrise d’économie, Françoise DORE suit une formation d’agent de développement local et intègre la SEM Nord Caraïbe, en 1993. 3 ans plus tard, elle est recrutée au Contrat de Ville de Fort-de-France en qualité de chef de projet développement social urbain. Elle y reste dix ans sous statut de contractuelle. En 2004, elle passe le concours d’attachée territoriale. Elle intègre en 2006, la Mairie de Saint Joseph, comme Directrice des Affaires scolaires, enfance et loisirs.

En 2010 elle prend un « congé de formation professionnelle (CFP) » pour partir suivre des études au Canada. Elle rejoint l’UQAM – Université du Québec à Montréal – où elle suit un Master 2 en Sciences de l’Education. Au cours de cette formation, elle occupe des emplois d’étudiant, en particulier un emploi d’assistante de recherche.

A son retour en 2014 en Martinique, elle reprend son poste de Directrice des Affaires scolaires, enfance, jeunesse et loisirs à la mairie de Saint Joseph. Elle y reste jusqu’en 2023, date à laquelle elle sollicite un détachement à l’IRA et au Ministère de la justice. Après un an en hexagone, puis une pause professionnelle, elle réintègre la fonction publique territoriale en 2025.

Le fonctionnement sur place

En 2010, Françoise DORE suit des cours du soir en Martinique. Son projet est de se professionnaliser dans les sciences de l’éducation afin de mieux répondre aux exigences de sa fonction de directrice dans l’éducation. L’idée de partir au Canada pour se former germe dans son esprit. Elle prend connaissance des possibilités offertes par l’université du Québec lors d’une présentation de celle-ci en Martinique. Elle sollicite alors un « congé de formation professionnelle » de trois ans. Elle s’inscrit à l’Université du Québec et décolle pour Montréal. Elle a alors le statut d’étudiante au Québec. Mais en 2012 il y a une très longue grève au Québec : c’est une année blanche pour les formations. Françoise DORE est obligée de solliciter une année de disponibilité supplémentaire.

Après un an au Canada en qualité d’étudiante, elle obtient un poste d’assistante de recherche. Elle côtoie ainsi l‘administration canadienne, les professeurs, etc. « Ce qui m’a frappé, dit-elle, c’est la pratique de recherches mutualisées entre différents professeurs de différentes universités ». En tant qu’assistante de recherche elle a peu de fonction de management. Elle assure essentiellement des fonctions d’étude et de conception. Elle ajoute : « Au Québec c’est très organisé et professionnel dans la gestion. Il n’existe pas de grande différence avec la France si ce n’est que les Canadiens semblent plus rigoureux ». Deux des projets de recherche auxquels elle a contribué ont fait l’objet de publications*.

Les enjeux personnels

Pour son départ au Québec, Françoise DORE n’est pas en terre inconnue. En effet, « Lors de mes études, j’y avais fait un séjour de quelques semaines ». Mais pour son visa étudiant, alors qu’elle pense avoir tout bien fait, elle n’avait toujours pas d’autorisation quelques jours avant son départ. Elle doit faire une demande à la délégation canadienne à la Barbade. Finalement elle obtient les papiers juste avant son départ. Elle n’aura plus de souci ensuite pour les différents renouvellements.

Pour le logement, elle pensait avoir une chambre par l’Université. Mais elle n’a toujours pas de réponse à sa demande lorsqu’elle prend l’avion. Mais plus de peur que de mal, elle avait un studio réservé à la résidence universitaire, ce qu’elle découvre sur place. Toutefois, elle a commencé son séjour à Montréal par deux semaines à l’hôtel Après un an en résidence, Françoise DORE loue un studio en ville.

Financièrement, ce fût un peu compliqué. Françoise DORE avait bien sûr fait des économies pour cette expatriation mais les frais se sont révélés plus élevés que prévus, la scolarité est payante et son capital « fond rapidement ». Toutefois, grâce au poste d’assistante et une bourse canadienne, elle réussit. « Ce qui m’a étonné, professionnellement, c’est qu’on était payé à la semaine ou à la quinzaine », déclare-t-elle.

Un autre souci qui a eu un impact sur ses finances porte sur la sécurité sociale. Si un accord existe entre la France et le Québec, les services de la Sécurité sociale en Martinique n’en connaissait pas les termes. Françoise DORE aura ainsi un gros problème de remboursement pour ses dépenses de santé.

Françoise DORE fait le choix de ne pas acheter une voiture. « Les transports en commun sont très développés et fonctionnent bien en hiver ». En plus son logement est à proximité et elle peut aller à pied à l’Université.

Au début, elle se sent un peu seule. Elle ne trouve pas de communauté martiniquaise et se rapproche de la communauté haïtienne qui est organisée localement. La vie universitaire est dynamique, festive mais Françoise DORE sort peu dans ces manifestations universitaires. En revanche, elle a l’opportunité de s’investir dans du bénévolat et des activités communautaires comme le soutien scolaire et les cours de français pour allophones. Elle tisse aussi des liens d’amitié avec des collègues canadien(ne)s, elle découvre ainsi la cuisine canadienne comme « la poutine », le « le sirop d’érable ». Elle découvre Montréal : le Vieux port, le quartier chinois, le Musée d’art contemporain de Montréal et participe aux feux de fin d’année à Montréal. Au-delà, elle voyage peu par manque de moyens financiers mais visite tout de même quelques endroits comme les chutes du Niagara, la ville de Toronto. Son poste d’assistante de recherche lui permet de découvrir aussi la ville de Québec … « Au Canada, tout est grand et tout est possible ». On revient avec une vision changée.

les liens avec la territoriale et le retour ?

A son départ en 2010, Françoise DORE a un poste de Directrice dans sa collectivité. Ses élus dont elle est proche, sont ennuyés mais comprennent l’intérêt de son projet professionnel. Sur le plan administratif, le départ vers l’international n’était pas connu « j’étais la première ». Mais cela se déroule sans accrocs.

Sur le plan personnel, elle revient pour des raisons familiales. Mais ce retour au pays est un peu triste : « j’avais le mal du Canada ». Elle aurait aimé rester à Montréal et poursuivre sur un Doctorat, ouverture à de nouvelles perspectives professionnelles notamment dans le domaine de la recherche en éducation. Mais elle doit rester en Martinique en raison d’une fonction d’aidant familial.

Sur le plan professionnel, tout se passe bien. A son retour, son poste n’avait pas été pourvu : « Je n’avais pas été remplacée, les chefs de service avaient assuré et c’était la DGA qui avait fait l’intérim, je retrouve le même poste ». Elle est donc réintégrée dans ses fonctions au sein de sa collectivité.

Elle partage un peu son expérience avec son élue de référence, mais les responsables de l’administration communale ne lui proposent pas de témoigner de son parcours canadien. Toutefois, au sein de la collectivité, un projet hors du milieu éducatif a été développé avec le Canada par d’autres canaux. Professionnellement, Françoise DORE insiste sur les apports de ses études au Canada « elles m’ont aidé dans les relations avec l’Education nationale en Martinique, sur la carte scolaire, sur la prise en charge des enfants en difficulté, par exemple ».

Son conseil

Françoise DORE le répète : « il ne faut pas hésiter », « je suis adepte à la formation tout au long de la vie ». Mais il faut aussi préparer son projet. Elle a commencé à économiser et à se renseigner, un an avant son départ !

Plusieurs années après cette expérience canadienne, elle en tire encore les bienfaits.

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Juin 2025

 

 

*Desautels, L., Gohier, C., Jutras, F. (2018). L’éthique professionnelle en enseignement supérieur : Orientations et cas pratiques. Hermann

*Cormier, C., Pronovost, M. (2016). Intérêt et motivation des jeunes pour les sciences : portrait des étudiants collégiaux de sciences et leur appréciation des cours du programme. Cégep André-Laurendeau