Son parcours
En master 1, Thomas VAUTRAVERS passe une année Erasmus en Suède dans un master « européen » : 20 étudiants de 10 pays, avec des professeurs de 10 facultés : « ce fût une expérience fondatrice pour moi, cette confrontation de cultures et d’idées diverses ». Par ailleurs, il y rencontre sa femme, allemande.
A son retour, il effectue un service national sur la gestion des aires Natura 2000 pour le ministère de la Défense – la gestion de l’environnement est son second thème de prédilection. Mais il ne trouve pas de débouchés. En 2002, il réussit le concours d’attaché territorial et en 2003, rejoint la commune de Villeneuve-le-Roi comme Responsable Environnement, développement durable. Rapidement il se « sent à l’étroit dans un contexte trop franco-français ». « L’international me manquait » précise-t-il.
En 2006 Thomas VAUTRAVERS identifie une offre d’emploi proposée par la Région Aquitaine : un poste en Allemagne pour animer la coopération entre la Région Aquitaine et le Land de la Hesse. Il y restera un peu plus de 5 ans avant de revenir à Bordeaux, au sein de l’administration régionale. Il rejoint alors la direction des Relations Internationales où sur une période de 6 ans, il occupe plusieurs postes : responsable d’unité « coopération européenne » puis chef de service avant de devenir sous-directeur « relations extérieures » en charge des coopérations décentralisées.
En 2014, l’envie de repartir revient. Thomas VAUTRAVERS postule alors à la Transparence du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères. Il est présélectionné pour une mission à Bonn. Hélas lors de la dernière étape de sélection, un autre profil lui est préféré par l’ambassadeur: « j’apprends fin février, après 4 mois de sélection que cela ne passe pas, c’est une grosse déception ». Il doit donc à nouveau postuler lors de la transparence de 2015 cette fois pour des postes hors Allemagne. Mais finalement le MEAE lui propose justement la direction de l’Institut français de Munich. Toute la famille s’envole donc pour l’Allemagne en septembre 2017 pour deux contrats de 2 ans (« après 5 mois, le MEAE demande si, dans 19 mois, j’aurais le souhait de prolonger pour deux ans. Après un premier renouvellement, on ne peut poursuivre. Il faut recandidater sur un autre poste »).
En 2020, un an avant la fin du contrat, la question du retour se pose. Contraintes familiales obligent, Thomas VAUTRAVERS repostule au MEAE exclusivement pour des postes à proximité de l’Allemagne, dans les Balkans et en Turquie. La concurrence sur les postes en Europe est rude, et ne pouvant s’expatrier hors Europe pour raisons familiales, il n’est pas retenu. C’est donc le retour à Bordeaux en septembre 2021.
Son départ
Thomas VAUTRAVERS a vécu deux départs. Le premier est très rapide. Recruté pour un poste d’expatrié, il ne reste que 15 jours en Aquitaine avant de rejoindre Wiesbaden. Ces quinze jours ne sont pas suffisants d’ailleurs pour caller précisément les conditions du départ avec le service des Ressources Humaines pour qui l’expatriation est un monde inconnu. Ainsi, à la Région n’applique pas la jurisprudence qui impose à une collectivité, en cas de vide juridique pour la FPT, de s’aligner sur les conditions des fonctionnaires d’Etat. S’ouvre alors un an d’échanges tendus avec la direction des RH : ce n’est qu’au bout d’une année, appuyé notamment par un syndicat, que Thomas VAUTRAVERS réussit à obtenir une modeste compensation salariale liée à son expatriation (cf. enjeux personnels).
Pour sa seconde expérience d’expatriation, cette fois, celle-ci est réalisée dans le cadre du MEAE. Le cadre statutaire est bien défini et il sollicite un simple détachement qu’il renouvelle régulièrement durant les 4 années.
Le fonctionnement sur place
Pour sa première expatriation, Thomas VAUTRAVERS doit animer le travail commun entre une administration française (la Région Aquitaine) et une administration allemande (le Land de la Hesse). « Je découvre un autre monde administratif » avec ces Landër allemands qui ont des compétences et des moyens beaucoup plus importants que les Régions françaises (ce qui est toujours vrai en 2022 malgré lala dernière loi Notre). Ce job est « passionnant » pour Thomas VAUTRAVERS qui doit permettre à deux administrations se comprendre pour faire des projets ensemble dans de très nombreux domaines: « j’ai appris la diplomatie et l’interculturel ».
Pour la seconde expérience allemande, Thomas VAUTRAVERS est recruté dans un poste de management complexe mais passionnant (sur un autre volet). Et lors des deux premières années en poste, il est dans une équipe et avec une hiérarchie avez laquelle il s’accorde très bien : « c’est une expérience professionnelle extraordinaire ! ». Son poste implique une immense polyvalence, « avec un énorme défi managérial ». Ces deux premières années, Thomas VAUTRAVERS « se sent habité par l’obligation de représentation de son pays ». En plus il y a le vernis de la diplomatie avec ses codes, son étiquette, le formalisme « qui rajoutent au sentiment d’obligation ».
Au-delà, Thomas VAUTRAVERS apprend rapidement qu’un institut français à l’étranger, notamment en Allemagne, doit s’auto-financer. En dehors du salaire du directeur et de celui de son adjointe, pris en charge par le MEAE, il faut que l’ensemble du fonctionnement et des activités soit auto-financés : « un institut français, c’est une petite entreprise à gérer ». C’est un autre challenge à relever.
Mais après deux ans, une partie de sa hiérarchie au sein de l’ambassade change (mobilité interne obligatoire au MEAE tous les 2 à 4 années). Si les équipes permanentes locales sont « habituées » à ces changements, elles les subissent beaucoup. Pour Thomas VAUTRAVERS, c’est un choc car il doit s’adapter à une nouvelle hiérarchie dont la vision et la méthode sont diamétralement opposées à celles de la précédente. Nettement plus centralisatrice, elle laisse moins de latitudes aux instituts pour s’adapter aux réalités locales.
Les enjeux personnels
Lors de sa première expatriation, Thomas VAUTRAVERS est recruté par la Région Aquitaine pour partir en Allemagne. Depuis sa commune d’attache, il a donc un arrêté de mutation et rejoint les effectifs régionaux. Il est donc attaché à la Région Aquitaine. Au moment de son intégration, un débat s’engage avec la Direction des Ressources Humaines. Thomas VAUTRAVERS souhaite savoir quelles sont les conditions statutaires et financières proposées par la Région pour un « agent expatrié ». En effet, en Allemagne, le coût de da vie, ce qui est pris en charge par les collectivités pour les familles n’est pas similaire (ainsi les familles ont la charge de la garde des enfants plusieurs années, garde qu’il faut payer -500 € par mois pour la famille– il n’y a pas de maternelle, etc.
Pour Thomas VAUTRAVERS, en partant, il est nécessaire de faire un budget précis et de faire attention aux détails, aux nombreuses dépenses nouvelles. Par ailleurs, le coût de la vie peut varier énormément au sein d’un même pays, alors que la rémunération du MEAE est à peu près constante quelle que soit la ville d’affectation dans ce même pays. « en Allemagne, (à Munich, 3ème ville la plus chère d’Europe) mon salaire avait été multiplié par 2,5, ce qui est considérable, mais je n’ai pas noté de réelle différence en termes de pouvoir d’achat ». En effet, dans certains pays/villes du monde (Royaume-Uni, Suisse, Norvège, Japon…), les indemnités de résidences compensent tout juste l’augmentation considérable du coût de la vie pour une famille : loyers élevés, coût du lycée français, allers-retours vers la France…
Et le retour ?
Le retour en 2021 en Région Nouvelle Aquitaine n’était pas le choix initial de Thomas VAUTRAVERS. Il a postulé à nouveau à la Transparence du MEAE mais a été recalé : « compte tenu du travail réalisé à l’institut à Munich, pleinement reconnu par l’Inspection générale du Ministère à la fin de mon mandat, je pensais avoir toutes mes chances. Cet échec, je l’ai mal vécu ». Il n’est toutefois pas pris au dépourvu : n’ayant aucune certitude sur la démarche avec le MEAE, dès septembre 2020, il prévient sa collectivité. « J’avais gardé des contacts et chaque année (sauf pendant le confinement Covid) je revenais vois les collègues du pôle Europe ». En octobre 2020, il a un long entretien avec le DGS qui semble conscient « de la richesse des personnels qui reviennent d’un détachement » et entend leur donner la priorité lors de leur réintégration.
Mais lorsqu’il se rapproche plus précisément de la Direction des ressources humaines, c’est la douche froide. Un premier entretien est réalisé en avril 2021 (pour une réintégration en septembre) : « pour les RH, si vous revenez d’un poste au MEAE, vous êtes au mieux un OVNI, au pire vous êtes arrogant, compliqué à gérer ».
Quelques postes lui sont proposés mais les postes de direction ne sont accessibles qu’à ceux qui n’ont pas quitté la collectivité. Parti comme sous-directeur, on lui propose un poste de chargé de projets, malgré la forte expérience de management acquise en Allemagne.
Il postule dans différentes autres collectivités mais selon lui, son parcours est alors un repoussoir « certains ont eu peur que je sois surqualifié ou que je leur coûte trop cher en termes de régime indemnitaire». Au final, en tant qu’ancien directeur adjoint, pour lui, sa mobilité a donné un coup d’arrêt (pour un temps du moins) sa carrière. D’autant qu’il ressent aussi de la part de certains de ses interlocuteurs une forme d’incompréhension, voire de jalousie. « J’ai l’impression parfois que les gens se disent : il se prend pour qui, il a été bien payé pendant 4 ans, il ne faut pas se plaindre maintenant ».
Son conseil
Thomas VAUTRAVERS attire l’attention d’abord sur les questions financières. Pour lui, dans la majorité des pays, la rémunération des expatriés permet de vivre confortablement. Mais dans un certain nombre de « belles destinations », comme les capitales, certains pays européens, le coût de la vie quotidienne peut être élevé et il faut être attentif à sa gestion financière.
Il alerte aussi sur le fait qu’une expatriation, pour une famille, se décide à deux. En effet, avant que la personne qui « suit » l’expatrié trouve un poste sur place, il se passe un certain temps. Par ailleurs, la majorité des postes au sein du réseau culturel sont très prenants (« un sacerdoce »), et impliquent une très grande disponibilité. « On rencontre énormément de monde, on est très sollicité » ce qui peut entrainer un déséquilibre dans le couple avec un.e conjoint.e qui devient « la femme ou le mari de… ». « Au-delà on s’implique énormément et on peut devenir un mari absent ou un père distant ». Il faut donc une force importante dans le couple : il est difficile d’anticiper cela. « Nous en avions parlé en amont pour voir comment se préparer mais c’est de fait compliqué ». Les expatriations qui se soldent par une séparation sont très nombreuses.
Ensuite, sur des expatriations longues, quand vous êtes au sein du réseau français, il faut prendre conscience que « ce qui est vrai un jour peu fortement évoluer quelques semaines plus tard du fait des changements hiérarchiques ».
Entretien réalisé par Yannick Lechevallier
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Septembre 2022