Sylvaine COURANT


Moins de six moisRevenu.e dans sa collectivitéAutreSa collectivitéCanada

Sylvaine Courant a 42 ans, est mère de deux enfants scolarisés en primaire. Elle est conjointe de fait (comme ils disent au Québec) et avec sa famille elle s’est expatriée, pour le compte de sa collectivité – la Communauté de Communes du bassin de Marennes – auprès de la collectivité québécoise jumelle, la MRC – Municipalité Régionale du Comté – de l’île d’Orléans (Canada) en tant que « chargée de développement », durant le premier semestre 2020. Rentrée en France elle a poursuivi sa carrière à Marennes avant de rejoindre le Département de la Charente-Maritime comme Cheffe du service développement international.
Entretien réalisé en février 2020 et complété en novembre 2022

Le parcours

Sylvaine Courant a une formation « Master aménagement et développement local » obtenu en 2003 à l’IUP « Aménagement et développement local » de l’Université de Pau et des pays de l’Adour.

Elle acquiert une première expérience internationale par son stage de spécialisation qui porte sur la gouvernance locale en milieu rural (centre social rural en Deux Sèvres) comme en milieu urbain (Barcelone).

Après un poste dans un réseau régional d’éducation au développement durable, elle intègre pour six années (de 2008 à 2014), la Communauté de communes (CdC) de l’Ile d’Oléron en tant que « Chargée de mission Agenda 21 ».

Puis de2014 à fin 2019, elle poursuit sur un territoire élargi au sein du Syndicat Mixte du Pays Marennes Oléron en tant que « Chargée de projets stratégie de territoire et coopération décentralisée ».

Elle assure de manière partagée, d’une part, la mise en œuvre du projet de coopération décentralisée du Pays Marennes Oléron (« Faire de la Francophonie, un levier de développement local ») – http://www.marennes-oleron.com/fileadmin/vie_locale/syndicat/FEADER/2014-2020/Cooperation/Franco/Synthese_Franco.pdf- et, d’autre part, l’étude d’opportunité d’un Parc naturel régional du littoral charentais en tant que cheffe de projet.

Elle devient attachée territoriale le 1er janvier 2019

Dans ce cadre de ses missions au Pays de Marennes Oléron, elle est amenée à piloter plusieurs missions d’échanges avec différents partenaires, au Sénégal et au Québec entre autres. Elle construit alors avec ses élus un cadre innovant pour une expatriation de six mois au premier semestre 2020 : elle est chargée de mission « partagée » entre la CdC de Marennes et la MRC – Municipalité Régionale du Comté – de l’île d’Orléans (Canada).

Au retour elle réintègre sa collectivité et son poste durant plus d’un an.

En janvier 2022, elle change de collectivité pour le poste actuel de Cheffe du service développement international du Département de Charente-Maritime.

La préparation de sa mission

L’idée de vivre une expérience internationale en famille intéresse Sylvaine Courant et son conjoint depuis plusieurs années. Elle s’en ouvre à son Président de l’époque, Mickael Vallet, qui en tant qu’ancien diplomate, est très attentif à cette demande. Une première idée de prendre une disponibilité est envisagée puis le Président du Pays (et Président de la CdC) évoque la possibilité de l’échange avec le Canada (Marennes a deux collectivités partenaires : la MRC de l’Ile d’Orléans et Caraquet, Nouveau Brunswick).

Sylvaine Courant va donc construire elle-même la mission et le projet lui permettant une expérience à l’étranger, en lien avec les élus de sa collectivité.

L’idée émerge concrètement en mars 2019. Lors d’une mission au Québec en juin 2019 -dans le cadre des projets de coopération décentralisée- la proposition est réalisée aux deux partenaires, les deux acceptent le principe mais l’Ile d’Orléans propose un calendrier de mise en œuvre plus adéquat et une participation financière au projet. Une convention entre les deux parties sera construite au fil de nombreux allers-retours par mèls.

La convention sera validée en octobre 2019 par le Conseil communautaire du bassin de Marennes.

Petit gain de temps à prendre en compte : comme le projet ne s’appuie pas formellement sur la « mise à disposition » d’un agent au profit d’une autre collectivité, il est inutile de consulter la commission administrative paritaire (CAP).

Le point de bascule : le visa de travail.

Toutes les démarches engagées tant sur le plan administratif que pratique (cf. ci-après) étaient suspendues à l’obtention du visa de travail qui reste pour Sylvaine Courant, la grosse difficulté de son expérience.

N’étant pas dans une mobilité au sein d’un accord entre les pays, alors même qu’il n’y avait pas d’informations particulières disponibles, le service de l’immigration de l’Ambassade du Canada à Paris n’a pas su donner une réponse aux questions posées : fallait-il un « visa de travail » alors que Sylvaine Courant restait contractuellement liée à une collectivité française ? quelle serait la possibilité pour les enfants d’être scolarisés ? et quelle activité peut mener le conjoint ?

Lors du « mois du Québec en France », en octobre 2019, Sylvaine Courant a rencontré une juriste spécialisée qui lui a conseillé de réaliser une demande de visa de travail fermée. Or le délai est normalement de trois à six mois…

L’ensemble de la démarche a finalement pu être réalisée en quinze jours : pour cela, il fallait que la MRC de l’Ile d’Orléans publie d’abord une « offre de poste très qualifiée » (cat A) qui puisse justifier l’accueil de Sylvaine Courant, associée à une dispense d’EIMT (étude d’impact sur le marché du travail) pour l’employeur car une réciprocité (code C20) est prévue (accueil en France d’un cadre canadien).

La procédure a été réalisée en deux étapes, la première demande ayant abouti à un échec. Une nouvelle demande a été réalisée (coût à chaque fois : 250$ pour la collectivité canadienne et 135$ pour chaque demande + 80$ pour la prise des données biométriques obligatoire pour Sylvaine Courant). Cette seconde demande a été positive mais la réponse n’a été reçue que le 9 décembre 2019.

Cela génère alors une grosse incertitude familiale et Sylvaine Courant était un peu seule dans cette aventure.

Le départ

En dehors du visa, la préparation administrative pour ce départ a été un peu chaotique et difficile pour solutionner l’ensemble des problématiques administratives mais cela n’est pas insurmontable.

Au vu de la faiblesse des effectifs de territoriaux qui partent en expatriation, la connaissance par les Centres de Gestion des procédures est assez limitée et cela se comprend. Ainsi on peut se sentir comme une « extraterrestre » au premier contact et on comprend rapidement qu’il va falloir se débrouiller seule…

Statutairement, il n’y a pas de « mise à disposition ». Cette expatriation est réalisée dans le cadre d’une convention de coopération décentralisée entre les deux collectivités locales dans laquelle, les conditions de ce déplacement sont contractuellement partagées :

  • Sylvaine Courant travaille à 50% pour le développement local de la MRC et à 50% sur le programme de coopération entre les deux groupements de collectivités. Son salaire est donc payé par la MRC auprès de la CdC de Marennes à hauteur de 50%
    • Elle reste donc sous contrat d’« agent territoriale » de la CdC de Marennes
  • la CdC de Marennes, dans le cadre de ce projet prend en charge au réel , l’hébergement, la location du véhicule et l’assurance santé / voyage pour Sylvaine Courant et sa famille.
  • aucune « prime d’expatriation » n’est envisagée.

Pour complexifier un peu plus la démarche, une évolution territoriale est en cours : jusque fin 2019, Sylvaine Courant est agent du Pays de Marennes Oléron, structure qui est dissoute fin 2019 .Au 1er janvier 2020, elle doit alors être embauchée au sein de la Communauté de communes de Marennes pour poursuivre sa mission sur la coopération internationale du territoire… en commençant juste de l’autre côté de la « frontière » (à 6000 km de là)…

Il a donc fallu mener de front une démarche de mutation (du Pays à la Communauté de Communes) et d’expatriation !

On peut alors facilement imaginer la moue dubitative (mais toutefois bienveillante) lorsque Sylvaine Courant a contacté son interlocuteur au Centre de Gestion pour cadrer administrativement l’ensemble de la procédure.

Sylvaine Courant a pu aussi s’appuyer sur son nouveau DGS, lui aussi très ouvert à cette mobilité.

Par ailleurs, et cela a aussi été pris en compte, la mobilité de 6 mois, entre janvier et juin 2020 ,est une période durant laquelle la présence physique de l’agent est moins nécessaire, les commissions avec les élus étant limitées du fait des élections municipales de mars 2020. Ceci explique aussi pourquoi l’agent n’a pas été remplacée et le coût financier a été limité pour la collectivité.

Enfin, la Région Nouvelle-Aquitaine a allouée au projet une subvention « symbolique » de 2000€.

Le fonctionnement sur place

L’arrivée s’est faite assez facilement fin décembre 2019, une semaine avant le début de la mission car l’ensemble des points clés avaient été résolus en amont : « on avait tout trouvé à l’avance »…

Ainsi, le logement a-t-il été identifié sur les réseaux par l’intermédiaire d’une connaissance locale et réservé dès le mois d’octobre (la propriétaire étant compréhensive pour la signature définitive du contrat en attente du visa…) . La scolarisation des enfants a été simplifiée grâce à l’appui d’une collègue de la MRC. Et la location de voiture a été prise en charge pour les premières semaines, directement par une agence à Marennes, depuis la France, avant de faire évoluer le contrat sur un plus long terme.

 

Pour l’ensemble des frais, c’est Sylvaine Courant qui avance et se fait ensuite rembourser sur présentation des factures. En effet, les avances étaient rendues impossibles du fait de son changement d’employeur au 1er janvier 2020.

Les enjeux personnels

Les motivations personnelles de Sylvaine Courant étaient de pouvoir vivre une expérience professionnelle et familiale à l’étranger sans partir pour plusieurs années. Cette opportunité était idéale.

Ainsi la plus grosse difficulté était de pouvoir correspondre aux possibilités de mobilité pour son conjoint au regard de son agenda professionnel. Et la scolarisation des enfants est rendue possible (c’est le cas pour tous les étrangers dotés d’un visa)dans le cadre d’un visa de travail.

Et après ?

Quand Sylvaine Courant construit ce projet de mobilité, elle est légitime en interne car elle travaille sur les questions internationales pour le Pays Marennes Oléron et bientôt pour la CDC du bassin de Marennes. Son rôle est d’assurer l’échange et l’apport de pratiques nouvelles. Et l’équipe formée par ses collègues de la CCBM et du Pays de Marennes Oléron est très intégrée dans la coopération internationale. Donc les échanges sont réguliers et intéressés. Et au retour l’échange et l’inspiration continue : « les conversations sont sincères » et « les élus sont fiers de cette expérience » qu’ils rapportent à différentes occasions, en mettant en avant Sylvaine Courant.

Toutefois, à son départ début 2022, Sylvaine Courant n’est pas remplacée à la CdC (dont l’avenir reste incertain actuellement).

Cela fait désormais 18 mois que Sylvaine est revenue en France. Après 18 mois dans sa collectivité, elle a intégré le Département de Charente-Maritime. Selon elle, cette expérience a été un réel atout dans son recrutement. C’est un élément fort de sa candidature, tant sur la construction que pour la réalisation de cette expatriation.

Au-delà de ce savoir-faire, Sylvaine Courant met en avant aussi le fait que ses méthodes de travail ont évoluées au contact des Canadiens : elle considère avoir appris sur le management, dans la méthodologie, etc. : « je suis plus synthétique, plus cadrée dans les réunions », elle considère aller désormais à l’essentiel.

Ses conseils

 

En premier lieu, faire attention aux délais pour la demande de visa : cette démarche d’obtention du visa est essentielle car elle conditionne notamment la possibilité pour les enfants d’aller gratuitement à l’école (information difficile à vérifier en amont du départ !) mais aussi pour que son conjoint puisse avoir un visa ouvert (le permis de travail ouvert permet à une personne de travailler pour n’importe quel employeur pendant une période déterminée). La démarche prend du temps, compter 6 mois idéalement et doit donc être construite avec la collectivité québécoise longtemps en amont…

Second conseil : avoir quelques économies personnelles pour s’engager dans cette démarche du fait des délais de prises en charges et de remboursement des institutions publiques.

Pour Sylvaine, il n’y a pas eu d’accroc particulier car elle a pu avoir un long temps de préparation. Ainsi, elle a pu arriver juste une semaine avant sa prise de fonction et tout était organisé. Mais concrètement, elle n’a compté sur personne pour cette préparation et a dû construire pas à pas l’ensemble du projet, s’appuyant simplement sur ses relais au Québec et la bienveillance de sa collectivité en France.

Ainsi, elle pense que cette possibilité de mobilité entre villes partenaires est possible et très intéressante mais cette procédure reste à documenter (« la méthode »). Il ne faut pas attendre que quelqu’un organise cela pour vous, il faut être à la manœuvre. En identifiant un bon cadre de mission, le départ pour six mois est pertinent pour partir en famille (ni trop court ni trop long). Mais cela peut prendre une bonne année de préparation.

Enfin, elle incite les candidats à penser à leur retour, notamment dans leur collectivité. Une expatriation peut vouloir dire « je vais voir ailleurs parce que c’est mieux» et cela peut compliquer les relations avec les collègues et sa collectivité. Il est nécessaire d’y être attentif.

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier – en février 2020 et complété en novembre 2022

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/


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