Stéphanie BERTHOMEAU


Réseau France (MEAE, Alliance française, Expertise France, …)En poste au moment de la rédactionPlus de cinq ansSénégal

Stéphanie Berthomeau a 49 ans, dont 9,5 années passées en expatriation (sur deux périodes). Elle est actuellement Expert long terme, sur des fonctions de coordinatrice d’un projet de l’Union européenne basé à Dakar (Sénégal)
Elle est toujours Fonctionnaire territoriale (Grade de Directeur) en détachement de la Région Île-de-France.
Entretien réalisé en janvier 2020

Le parcours

Stéphanie Berthomeau a un master en Droit et a commencé sa carrière dans les collectivités locales, à la Mairie de Boulogne Billancourt comme chef de service de l’Action Scolaire en 1995. En mai 1999 elle est recrutée par la Région Île-de-France en tant que Chargée de mission auprès du Directeur des Affaires scolaires et de l’enseignement supérieur.

C’est en février 2002 qu’elle s’intéresse aux Relations Internationales en étant recrutée, toujours au sein de la Région Île-de-France en tant qu’Adjointe au Directeur des Affaires internationales. Elle y reste deux ans et sept mois.

Elle assure alors la gestion de différents dispositifs notamment d’appui aux associations franciliennes de solidarité internationale et travaille sur des programmes de coopération décentralisée avec des collectivités étrangères partenaires de la Région Île-de-France. Mais le contact avec les réalités du terrain lui fait défaut dans l’exercice de ses fonctions. Elle souhaite pouvoir « aller sur place » pour mieux appréhender d’autres logiques existantes. L’idée est alors de « partir pour renforcer ses compétences pour mieux revenir servir la territoriale ».

Elle postule alors au Ministère des Affaires Étrangères pour un premier poste en tant qu’attachée de coopération « Gouvernance démocratique et locale » au sein de l’Ambassade de France à Dakar. Elle y part en détachement pour une période quatre ans de 2004 à 2008. Elle est alors notamment en lien avec les collectivités locales françaises qui interviennent auprès des collectivités sénégalaises en coopération décentralisée mais travaille également sur des programmes d’appui à la décentralisation et au renforcement de l’État de droit.

Après cette première expatriation, elle réintègre la Région Île-de-France (non sans difficultés – voir § ET APRES ?) en 2008. Étant partie pour renforcer ses compétences en relations internationales, elle sollicite sa réintégration au sein de la Direction des Affaires Internationales et européennes, où elle restera 6 ans d’abord en tant que Chargée de mission Rayonnement international puis Directrice des Affaires internationales de juillet 2011 à août 2014.

En septembre 2014, elle repart sur un poste MAE comme Conseillère-adjointe de coopération et d’action culturelle au sein de l’Ambassade de France au Sénégal et en Gambie pour un contrat de quatre ans de septembre 2014 à août 2018.

Le retour dans sa collectivité d’origine s’annonçant compliqué, et ayant développé un réseau important dans le milieu de l’appui à la décentralisation et aux finances publiques au Sénégal parmi les acteurs institutionnels et les partenaires techniques et financiers du pays, il lui est proposé un poste d’ETI chef de projet d’abord sur le programme PAGIS (projet expérimental d’appui à la fiscalité locale dans 4 communes du Département de Mbour) (10 mois) puis, comme coordinatrice sur le projet européen OCWAR-M  (projet de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest) dans le cadre d’un CDD sous détachement avec Expertise France. https://www.expertisefrance.fr/fiche-projet?id=774453 .

Le départ

Le premier départ s’est préparé dans la sérénité. En effet, Stéphanie Berthomeau apprend son recrutement en décembre 2003 pour un départ en septembre 2004. La principale contrainte sera la montagne de documents et formulaires qu’il lui faut remplir, les rendez-vous médicaux à assurer pour elle et sa famille…

Ensuite, sur place, moins de souci car en Ambassade, elle peut s’appuyer sur les collègues.

Elle fera toutefois, à ses frais, une mission avant sa prise de poste pour rencontrer la personne qu’elle devait remplacer. Cela n’est pas obligatoire mais elle souhaitait cela pour avoir une idée aussi précise que possible des attendus de son nouveau poste dès sa prise de fonction.

Son intégration au sein de l’Ambassade et du Service de Coopération et d’Action culturelle n’a pas posé de problème, et l’apprentissage du métier s’est fait en douceur, d’autant que son expertise en matière de décentralisation et de coopération décentralisée était nouvelle au sein du SCAC et appréciée.

Le fonctionnement sur place

Le parcours d’expatriation de Stéphanie Berthomeau est particulier. En effet, elle a commencé par deux postes en ambassade avant de devenir ETI. C’est habituellement l’inverse (de l’ETI à l’Ambassade). Mais pour elle, cela apparait plus pertinent notamment en termes d’adaptation – l’Ambassade est un cocon au regard d’une administration étrangère dans laquelle l’ETI peut se retrouver très isolé faute d’en connaître les codes-.

La première qualité de l’expatrié, selon Stéphanie Berthomeau, doit être sa capacité d’adaptation et de surtout ne pas s’encombrer de certitudes. L’expatrié doit s’imposer un temps d’observation pour comprendre les grandes lignes du fonctionnement de la société et de l’administration dans laquelle il intervient tout en acceptant qu’il n’a pas et n’aura pas toutes les clés.  Il prend ainsi conscience qu’il ne sait pas et doit faire avec : « après 10 ans au Sénégal, plus je connais, plus j’ai conscience de ne pas savoir » nous résume Stéphanie Berthomeau.

C’est d’autant plus délicat que la mission de l’ETI relève de la politique d’influence de la France. Et du fait du passé colonial notamment, l’expatrié n’est pas obligatoirement accueilli à bras ouvert dans l’administration locale (surtout quand il est imposé par le bailleur de fonds). Il est constamment sur le fil. Il se doit d’être modeste pour se faire accepter par l’équipe locale tout en bataillant pour faire sa place. Ainsi, le risque de se retrouver isolé est grand, ne comprenant pas les codes sociaux et hiérarchiques qui supplantent l’organigramme, ou déstabilisé par une temporalité et des priorités qui ne sont absolument pas les mêmes qu’en France.

La place de la ‘territoriale’

Sur un ancien projet, Stéphanie Berthomeau a fait appel au CNFPT pour identifier des experts court-termes pour des missions ponctuelles – notamment de formation – sur la fiscalité locale. Grâce à l’efficacité du service international du CNFPT, plusieurs techniciens territoriaux ont pu assurer des missions de grande qualité.

Ainsi le vivier de la territoriale est très pertinent pour certains projets.

La décentralisation est en effet à l’œuvre alors que les administrations centrales ne connaissent que très peu le fonctionnement territorial. Les fonctionnaires territoriaux peuvent offrir des compétences éminemment utiles dans les projets de coopération.

Les enjeux personnels

Au plan de la carrière personnelle, après une si longue expérience à l’étranger, il est difficile de revenir dans la territoriale (voir ci-après).

Par ailleurs, il faut être conscient que le détachement ne donne pas la possibilité d’avancer en grade, même si l’avancée au sein du grade se poursuit. Cela doit être un choix bien compris.

Concernant les émoluments et les frais, si l’indemnité d’expatriation peut être alléchante, il faut prendre en compte plusieurs points :

  • sur cette indemnité, l’expatrié paye lui-même sa caisse de retraite (ce qui n’apparait pas en France) ;
  • les frais de scolarisation peuvent parfois être très élevés.
  • le paiement des impôts sur le revenu varie d’un pays à l’autre et il est parfois très compliqué de faire différencier le revenu de la prime d’expatriation qui doit être défiscalisée (mais pour cela, elle ne doit pas apparaitre sur les bulletin de paye de l’employeur…).

Ainsi le budget familial n’est pas simple à estimer précisément, au départ.

Sinon, l’expatriation sur Dakar est sans doute un peu particulière en termes d’environnement social : il y a plus de 8000 français résident et une très importante communauté étrangère. Donc pour tisser des liens (quand on réussit à sortir du bureau avant 22h ( !)) cela reste assez simple.

L’intégration au sein du tissu social sénégalais prend plus de temps.

Et après ?

Les retours ont été à chaque fois délicats.

Pour la première expatriation, la Direction des Ressources Humaines ne comprenait pas l’intérêt de la première expatriation et considérait que Stéphanie Berthomeau s’enfermait dans une niche (les « relations internationales »). Au retour, elle n’est pas attendue : partie avec le poste d’adjoint au directeur, on la réintègre comme simple chargée de mission.

Après la seconde expatriation, le retour a été quasiment impossible. Sur la fin du second contrat avec le MAE en 2018, Stéphanie Berthomeau est positionnée comme candidate sur des postes qui ne relèvent pas de son champ de compétences. Son expatriation ne semble en rien un atout, son CV atypique et le réseau forgé pendant de longues années ne semble pas intéresser les directions opérationnelles de la Région.

Par ailleurs, du fait de son grade de directrice territoriale, elle est difficilement recrutable par des collectivités de moins de 50 000 habitants

Mais surtout, en dehors d’une direction des relations internationales, dans les autres postes, tous ses interlocuteurs se demandent quelles sont les compétences « territoriales » qui ont été renforcées par cette expatriation… ?

Ainsi quand en 2018, elle demande le renouvellement de son détachement, elle l’obtiendra en 24 heures !

Stéphanie Berthomeau a donc pris pour l’instant le parti de rester au Sénégal sur un nouveau projet de coopération sur financement de l’Union européenne.

Son conseil

Avant tout, Pour Stéphanie Berthomeau, ces expatriations sont une « super expérience » qu’il est vraiment intéressant de tenter.

Ensuite, il y a bien sûr quelques points sur lesquels il faut bien réfléchir avant le départ :

  • Attention à la sécurité lorsqu’on a des enfants. « Il faut choisir un pays où mes enfants peuvent revenir à pied de l’école (ce qui est le cas au Sénégal) ».
  • Il faut vraiment en avoir envie et cela doit être un projet familial mûrement réfléchi car au-delà de l’exotisme, l’expatriation en ambassade ou en tant qu’ETI reste très mobilisatrice, très preneuse et cela a un impact sur sa disponibilité pour la famille.
  • Enfin, il ne faut pas minimiser l’impact d’une telle expérience professionnelle sur la « carrière » de territorial : la méconnaissance par les DRH des missions exercées pendant l’expatriation rend les retours très difficiles. Il faut y être préparé.

Enfin, pour Stéphanie Berthomeau, l’enjeu de l’expatriation est la découverte (d’une autre culture, d’autres méthodes de travail, d’autres contextes…). Cette découverte nécessite du temps. Pour cela, elle conseille une expatriation d’au minimum deux années.


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