Raffaella VIMONT-VICARY


DétachementRevenu.e dans sa collectivitéDe deux ans à cinq ansAutreMaroc

Raffaella VIMONT-VICARY a 59 ans. Elle est aujourd’hui Chargée de la recherche de financements publics et Mécénat à la DGS de la Mairie d’Agde et exerce une mission complémentaire comme Chef de projet coopération décentralisée eau et assainissement à la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée en Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, en charge notamment du projet « Eau et Assainissement » de coopération décentralisée avec la commune de Tata au Maroc et Ziguinchor au Sénégal. Elle est attachée territoriale depuis 2010.
Entretien en janvier 2021

Raffaella VIMONT-VICARY aime à rappeler qu’elle est arrivée à Agde par la mer après un périple méditerranéen en bateau qui durant trois ans lui avait permis de découvrir moultes territoires.

Elle intègre la mairie d’Agde. Elle n’a alors aucun diplôme et est embauchée en contrat aidé.

Elle passera après plusieurs années le concours de la fonction publique territoriale et gravira au fil du temps des différents grades. Au cours de ce parcours, elle est affectée à des missions d’animation, auprès des jeunes, sur des programmes avec les citoyens, etc.

En 2007, le DGS recrute Raffaella VIMONT-VICARY dans son équipe comme chargée de mission. De part son parcours et son esprit ouvert, on lui confie alors, à partir de 2009, le suivi de la coopération décentralisée de la ville d’Agde. Une coopération avec le Maroc dans un premier temps, a été lancée à la suite d’une mission du Maire, invité alors par l’association «CARI » pour se rendre aux ateliers préparatoires des Assisses de la coopération décentralisée maroco-française, à Agadir. Dès 2009, la coopération reçoit le Trophée d’or de l’Action internationale des collectivités locales du « prix Territoria »[1] de par la place de l’enfant considéré comme axe pivot, des problématiques de raréfaction des ressources en eau.  Un vaste projet concernant l’Eau et l’Assainissement est engagé. Ce programme très important pour les populations locales et très opérationnel est accompagné, au Maroc, par l’Agence de Promotion et de Développement social et économiques des Provinces du Sud.

Après quelques années, l’Agence propose un poste à Raffaella VIMONT-VICARY. Elle va pouvoir être au cœur des projets de coopération décentralisée.  Son souhait de découvrir de nouveaux horizons la pousse à accepter cette proposition et le Maire d’Agde la soutient dans cette évolution.

En janvier 2013, elle part en détachement auprès de l’Agence de Développement des Provinces du Sud pour s’occuper du développement de coopérations décentralisées des villes marocaines tout en conservant le suivi de la coopération de la ville d’Agde avec la commune de Tata[2].

Elle s’expatriera durant trois ans.

En 2016, elle réintègre la Mairie d’Agde et retrouve son poste de Chargée de mission au sein de la Direction générale des services.

En 2017, elle est en poste partagé au sein de la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée pour pouvoir suivre plus simplement le programme de coopération sur l’Eau et l’Assainissement.

Le fonctionnement sur place

Au Maroc Raffaella VIMONT-VICARY est embauchée sous statut de consultante pour un contrat de 2 ans renouvelable, auprès de l’Agence de Développement des Provinces du Sud. Elle est basée à Rabat mais son poste lui impose de nombreux déplacements. Même si elle ne parle ni marocain ni aucun dialecte, elle a une mission au plus prêt des acteurs locaux qui l’amène à réaliser de très nombreuses missions dans les communes des Provinces du Sud. Elle réalise ainsi régulièrement des missions par avion…

Sur place, au sein de l’Agence, elle est recrutée comme consultante spécialisée. C’est son employeur qui s’occupe alors de justifier de son recrutement pour ne pas être contraint par les règles de « préférence nationale ». Elle obtient donc sans encombre sa carte de résidente.

Pour son installation, elle est arrivée un mois avant le début de sa mission. Elle est alors hébergée à Rabat chez le Directeur des Affaires Financières de l’Agence avec qui elle collabore depuis plusieurs années. S’appuyant sur différents réseaux, elle trouve un logement fonctionnel en 15 jours. Elle rachète à des expatriés français quelques meubles pour équiper son logement.

En arrivant, après deux à trois semaines, elle se renseigne sur les procédures de paiements des indemnités. Elle découvre alors qu’au sein de l’administration publique marocaine, les retards dans le paiement des salaires est habituel (parfois 6 mois de retard). Ne souhaitant pas subir cela, elle s’appuie sur le lien avec le Maire d’Agde pour faire comprendre ses contraintes auprès du DAF de l’Agence de Développement ce qui lui permettra de toucher son salaire dans les délais impartis.

Si au plan personnel, elle profite de Rabat pour découvrir les Marocains, elle reconnait qu’au plan professionnel, les relations n’étaient pas simples. Être une femme, vivant seule, très autonome, était mal acceptée. Étant parfois plus compétentes que certains collègues masculins, elle a du subir de nombreux blocages (non communication de certaines informations, etc.) auxquels elle ne s’attendait pas. Le rythme de travail avec les collègues n’est pas le même et le manque de méthodologie ralentit fortement les projets.

Mais surtout, Raffaella VIMONT-VICARY doit faire face aux vestiges du colonialisme, encore très présents dans l’inconscient collectif tant pour elle que pour ses interlocuteurs. Ainsi, elle se rend compte très vite, alors qu’elle est née après la décolonisation du Maroc, qu’elle peut parfois avoir un « discours quelque peu moralisateur ». Elle va effectuer un travail important pour faire preuve de plus d’humilité dans ses interactions avec ses collègues. C’est aujourd’hui encore un apprentissage que Raffaella VIMONT-VICARY déclare important pour son activité professionnelle.

Elle raconte volontiers une anecdote qui illustre parfaitement la difficulté qu’elle rencontre professionnellement. Un de ces collègues marocain s’étant lui-même expatrié au Québec durant 5 ans lui révèle un jour pour l’éclairer sur son pays : «Si en France tu dis : j’ai raté mon train, au Maroc, nous disons : le train est parti sans moi ». Cette phrase résonne encore comme une évidence pour elle quant aux approches si différentes de la vie entre les deux rives de la Méditerranée.

Les enjeux personnels

Raffaella VIMONT-VICARY est « partie dans des conditions favorables » car elle collaborait avec les partenaires marocains depuis plusieurs années et le Maire d’Agde était engagé dans cette coopération. Mais elle s’est aussi fortement impliquée dans la préparation : elle a notamment négocié son salaire directement avec l’Agence.

Pour toute les questions administratives personnelles, elle prend les devants : elle échange par courriel avec son service des impôts pour ne pas avoir de soucis du fait de son expatriation. Au Maroc, la question ne se pose pas car les prélèvements sont réalisés à la source ce qui limite alors les démarches.

La seule petite difficulté a sans doute était la question des cotisations « retraite ». Normalement, dans le cadre d’un détachement, c’est à la structure d’accueil de prendre en charge. N’ayant pas anticipé ce point, l’Agence des Provinces du Sud a reçu un jour un titre de paiement de la part de la Mairie d’Agde, généré automatiquement… ce qui a provoqué quelques remous. Il a fallu solliciter le Maire d’Agde pour sortir de cette situation (la Marie d’Agde a pris en charge les cotisations). C’est un point qu’il est nécessaire de bien formuler dans le cadre des accords de détachement.

Enfin, au plan des assurances et de la santé, d’une part, Raffaella VIMONT-VICARY n’a pas eu de soucis médicaux au cours de son expatriation. Par ailleurs, étant intégrée à une Agence de Développement, elle était assimilée comme fonctionnaire marocaine : avec une assurance de 400 € / mois, l’ensemble des frais étaient couverts.

Seul point négatif de son expatriation : à l’époque, dans la FPT l’avancement d’échelon se traduisait par une durée minimum ou maximum évaluée en fonction de l’ancienneté et de la valeur professionnelle. En cas de détachement c’était la valeur maximum qui s’appliquait alors (exemple 3 ans au lieu de 2 ans). Au retour de ses 3 années d’expatriation, elle se rend compte qu’elle avait ainsi perdu 1 échelon. Ce qui n’était pas anodin sur le montant de son traitement.

Au plan personnel, elle vit deux ans à Rabat, et profite de la vie culturelle et sociale de la capitale.

Sa dernière année, elle doit déménager à Guelmin, dans le sud du Maroc. L’ambiance n’est plus la même : petite ville, isolée,… Elle doit louer une voiture pour pouvoir sortir. C’est un changement assez radical.

Et après ? Le Retour

Raffaella VIMONT-VICARY était partie pour quatre années a priori. Toutefois, en 2015, après deux ans, une vaste réforme de la « régionalisation avancée » est mise au Maroc dans la continuité des « Printemps arabes ». Après un an de son second contrat , de nombreux changements interviennent au sein de l’Agence de Développement. Le Directeur avec qui elle avait construit sa mission est remplacé et elle est mise un peu « sur la touche ».

C’est pourquoi elle anticipe un retour dans sa collectivité en 2016 et fait sa demande auprès du Maire d’Agde qui l’accepte. Elle est réintégrée sans difficulté sa commune d’attache au sein de la Direction générale.

Cette expatriation a permis de construire un autre regard en interne à sa collectivité sur les relations qu’elle entretenait professionnellement avec le Maroc.

Avant, quand elle partait en mission pour sa collectivité, les collègues considéraient cela un peu comme des vacances. Avec cette expatriation, elle a pu garder des contacts d’abord avec ses proches collègues avec qui elle échangeait régulièrement des courriels et qui découvraient ainsi la réalité de son activité.

Par ailleurs, dans le cadre de sa mission, suivant la coopération de la ville d’Agde et de l’Agglomération, elle avait des échanges très réguliers avec le Directeur de Cabinet et le DGS ce qui a permis un retour assez simple.

Elle a aussi pu présenter le projet de coopération menée avec une ville marocaine lors de « cafés-managers », ces moments d’animation au sein de sa collectivité, à destination des cadres. Elle y a rencontré un réel intérêt. Mais cette curiosité est délicate à entretenir.

Son conseil

Raffaella VIMONT-VICARY conseille dans un premier temps de bien préparer l’administratif, en France, pour une prise en compte de votre expatriation (fiscalité, santé, retraite, …).

Ensuite, arrivé sur place, il faut être très vigilant dans ses relations et ne pas être trop angélique : « du fait de votre statut d’occidental, les gens sont gentils mais attendent tous quelque chose en retour (une aide, un appui) pour venir en France, …) ».

Par ailleurs, il nous faut être très vigilant dans les interactions, vis-à-vis des cultures ou de la religion. Il ne faut pas tomber dans des travers qui peuvent renvoyer au colonialisme et donc être très respectueux. D’autant que la relation que l’on peut rencontrer sera très ambivalente : d’une part le savoir faire français est source d’admiration, d’intérêt fort ; d’autre part, l’histoire coloniale et une absence de « savoir-être » nous est souvent reprochée.

Connaitre la culture politique locale et les liens avec la France lui semble nécessaire. Pour cela elle nous conseille la lecture du livre « Les trois rois » d’Ignace Dalle.

Au-delà de ces précisions, l’expérience est vraiment intéressante. Ainsi Raffaella VIMONT-VICARY, à la question « repartiriez-vous », nous réponds que « c’est très possible, si l’opportunité se représente ».

 

Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Janvier 2021

[1] http://cites-unies-france.org/coopdec_tata_oct2018/

[2] https://www.pseau.org/outils/lettre/article.php?lett_article_lettre_id=1158


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