Après un Magistère (équivalence Master II) obtenu à la Sorbonne en Relations internationales et action à l’étranger, Laetitia SUCHECKI entre à la mairie de Montreuil comme « Chargée de mission Relations internationales » en 2005. Elle gère alors des projets en lien avec le Mali, la Chine et le Vietnam, et des actions locales d’éducation au développement et à la citoyenneté mondiale.
En 2009, elle obtient son concours d’attachée territoriale et change de municipalité. Elle rejoint la ville de Fontenay-sous-Bois (93) en tant que responsable des relations internationales.
Depuis son stage de fin d’étude au Pérou (2004), elle souhaite repartir. Elle prend une première disponibilité en 2013 pour un tour d’Amérique latine. Elle commence par 7 mois de disponibilité qu’elle prolonge de 5 mois supplémentaires.
Elle revient à Fontenay-sous-Bois mais l’appel de l’Amérique latine est plus fort.
En 2016, elle postule dans un premier temps sur le site Transparences du MEAE pour entrer dans le réseau des Affaires étrangères. Même si elle obtient un entretien, celui-ci est pour un autre poste que celui auquel elle candidate et elle n’est pas retenue. Elle est sceptique face au faible retour du MEAE.
Elle demande finalement une nouvelle disponibilité à sa collectivité d’un an et repars, seule, à l’aventure.
Le départ
En mars 2016 Laetitia SUCHECKI quitte la mairie de Fontenay-sous-Bois pour la Colombie :
« Je ne savais pas trop où j’allais. Je voulais continuer à travailler dans la coopération internationale, mais cette fois dans le domaine des droits humains civils et politiques. Je suis partie en naviguant à vue ».
Elle est alors en lien avec quelques organisations et notamment elle était présélectionnée par les Peace Brigades International (PBI) qu’elle rejoint en juin 2016.
Elle effectue pour cette ONG différentes missions de volontariat, essentiellement en Colombie en tant qu’observatrice et accompagnatrice internationales pour les droits humains :
- Accompagnement protecteur et observation internationale sur le terrain des organisations colombiennes de défense des droits humains menacées par la violence politique (ONG, communautés locales, collectifs d’avocats, etc.), mise en œuvre d’outils de protection physique et émotionnelle, dialogue préventif avec les autorités civiles et militaires colombiennes.
- Réalisation d’analyses de protection des organisations accompagnées, d’études de risques et de contexte sécuritaire aux niveaux régional et national,
- Suivi du Plaidoyer Post-accords de paix et situation de sécurité des organisations colombiennes: réunions avec les autorités civiles, militaires, diplomatiques et des ONG colombiennes et étrangères,
- Suivi des RH, des plannings, de la formation initiale et continue de l’équipe PBI Bogota
Cette expérience de 20 mois en Colombie lui permet de se doter une solide connaissance du milieu des ONG localement.
Le fonctionnement sur place
Laetitia SUCHECKI s’installe finalement en Argentine à Cordoba au début de l’année 2018, d’où elle enchaine les missions de consultante (notamment en Fundraising pour PBI mais aussi d’autres organisations), de professeur de Français à l’Alliance Française, etc. Cela reste de courtes missions avec des revenus très limités.
Mais s’installer en freelance est difficile en Argentine. En effet, les trois mois du visa touristique sont trop courts pour obtenir un visa de travail sur place (visa qui requiert une promesse d’embauche préalable des entreprises et implique de nombreuse contraintes administratives préalable a l’embauche de personnes étrangères). Laetitia SUCHECKI va donc s’inscrire comme étudiante à l’Université pour suivre un 3ème cycle en Production et analyse d’informations pour les politiques publiques qui lui permet d’obtenir un visa « étudiant » et lui laisse le temps de travailler. En 2019, elle se marie à son compagnon argentin, ce qui lui permet d’obtenir un visa pour vie familiale.
En Argentine, qui traverse depuis 2016 une importante crise économique, Laetitia SUCHECKI va mettre 18 mois pour trouver un réel emploi stable.
En septembre 2019, elle est embauchée pour une mission au sein de l’ONG ADRA Argentine comme coordinatrice du Centre d’appui pour les réfugiés, à La Quiaca. Elle assume les missions suivantes : Administration générale du Centre d’appui (suivi administratif et budgétaire) – Représentation et articulation auprès des partenaires externes – Évaluation des besoins d’assistance via la réalisation d’entretiens individuels – Distribution de l’assistance humanitaire à destination des populations bénéficiaires.
Et en avril 2020, au déclenchement de la crise du Covid19, Laetitia SUCHECKI est nommé Coordinatrice du Programme d’intégration des personnes sous protection internationale dans les régions Centre et Nord du pays par l’ONG ADRA https://fr.wikipedia.org/wiki/Agence_adventiste_du_d%C3%A9veloppement_et_de_l%27aide_humanitaire
La relation avec sa collectivité
Dès 2016, Laetitia SUCHECKI présente sa démarche et son engagement au Maire de Fontenay-aux-Roses. Depuis, à chaque retour en France (pour rendre visite à sa famille), elle rencontre le Maire pour le tenir informé de son parcours et échanger avec lui sur la situation vécue en Amérique latine. Par ailleurs, son engagement dans les Brigades Internationales de la Paix résonne avec les orientations de la municipalité de Fontenay-sous-Bois (FDG) et suscite un certain intérêt. Elle considère son parcours en Amérique latine comme une continuation de ses missions antérieures dans le domaine de la coopération internationale (coopération décentralisée).
Partant à l’aventure (sans poste), elle demande alors une disponibilité pour une durée d’un an seulement :
« Je renouvelle depuis, chaque année, ma disponibilité pour ne pas me mettre la pression ».
En effet, au vu des difficultés d’obtenir un emploi en Amérique latine, elle garde la possibilité de réintégrer sa collectivité chaque année.
Mais cela n’est jamais très simple, quand on habite si loin. En effet, pour respecter les trois mois de délai à chaque nouvelle demande de renouvellement, il est nécessaire de jongler avec les difficultés de la poste, etc… Laetitia SUCHECKI a réussi à négocier avec sa collectivité la possibilité d’envoyer un mél avec document signé et scanné pour les délais puis d’envoyer par courrier l’ensemble des originaux.
Mais elle doit inscrire sur son agenda électronique un rappel, d’année en année, pour ne pas avoir un souci dans le calendrier de demande.
Les enjeux personnels
Laetitia SUCHECKI a eu des difficultés pour réussir à se faire reconnaitre, professionnellement en Amérique latine.
Certes, le diplôme européen et notamment un diplôme français, a une réputation de bonne qualité et induit un a priori favorable. Mais il reste difficile de faire comprendre son parcours. Elle ne traduit pas « attachée territoriale » sur son CV mais essaye de mettre en avant ses fonctions et le fonctionnement d’une autorité locale. En effet, le modèle français de Fonction Publique Territoriale n’existe pas en Argentine et elle doit trouver d’autres moyens de mettre en avant ses compétences.
Et si la communauté française est très dynamique à Bogota, à Cordoba, c’est plus délicat. En effet, malgré le peu de français, la concurrence est rude. Donc on partagera facilement l’information (notamment par les réseaux de l’Alliance française – https://www.facebook.com/AlianzaFrancesaCordoba/) pour les bonnes adresses où trouver du fromage mais rarement des tuyaux professionnels.
Et après ?
Laetitia SUCHECKI n’est pas encore revenue en France à ce jour (mêle si à la date de rédaction de ce portrait, elle est bloquée en région Picardie du fait du confinement liée au COVID 19). Mais elle pense à ce retour qu’il est nécessaire. En effet, au regard des nouveaux textes concernant la période de disponibilité, il lui faudra réintégrer sa collectivité au bout de 5 années de disponibilité. Mais surtout, c’est au plan familial que l’éloignement devient un peu difficile.
Professionnellement, Laetitia SUCHECKI est partie de sa collectivité en 2016. La Mairie a recruté quelques mois après une nouvelle personne pour le poste de Responsable des Relations internationales. Laetitia SUCHECKI sera donc être réembauchée dans un autre service si elle rejoint sa collectivité, situation avec laquelle elle est en total accord.
Pour éviter de perdre toute son ancienneté (sa carrière de territoriale est entre parenthèses) Laetitia SUCHECKI souhaiterait faire reconnaitre par une VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) les différentes missions qu’elle a effectué au cours de se période de disponibilité. Mais la possibilité reste encore un peu obscure avec le nouveau décret, particulièrement pour les expériences réalisées à l’étranger (https://www.fonction-publique.gouv.fr/la-validation-des-acquis-de-lexperience-vae).
Mais c’est sur le plan administratif qu’elle a le plus d’inquiétude pour son retour en France : pour rouvrir ses droits à la sécurité sociale, pour être identifiée par l’administration. Si elle reconnait qu’en Argentine c’est parfois compliqué, il y a toujours une possibilité de trouver une solution et « à titre exceptionnel, … ». En France, elle garde une impression de trop forte rigidité : « quand c’est bloqué, c’est bloqué ».
Son conseil
Les principales qualités à avoir pour réussir son expatriation, d’après Laetitia SUCHECKI, sont la flexibilité, l’adaptabilité et l’humilité. En effet, on ne retrouve pas du tout le même rythme, le même rapport au travail et la notion du temps est appréhendée de manière très différente. Mieux vaut alors éviter d’arriver avec des préjugés tels « je viens de France ou d’Europe, donc je connais ».
« On nous perçoit en Argentine comme venant du « 1er monde » mais on n’est pas infaillible et nous n’avons pas une connaissance innée du contexte local » . D’autant que les rapports hiérarchiques sont très différents. Ils dépendent de l’organisation, de l’expérience, de contacts personnels antérieurs, etc. Mais au-delà de ces points qui sont à la base de l’expatriation et de la rencontre de l’Autre, des rencontres interculturelles, Laetitia SUCHECKI recommande de bien préparer l’administratif avant de partir, tant pour le lien avec l’administration française qu’au plan local.
Partir comme elle « à l’aventure » est passionnant mais l’économie locale n’est souvent pas si simple à intégrer et il faut tout de même peser le pour et le contre avant de sauter le pas. Pour réussir sur ces créneaux, elle suggère d’éviter les capitales où se concentrent la majorité des personnes diplômées.
Et surtout, garder le lien avec son employeur en France : une carte de vœux, un échange régulier (tous les 6 mois) avec les Ressources humaines et quelques collègues d’autres services pour savoir comment évolue la collectivité et partager également son expérience à l’étranger.
Fiche rédigée par Yannick LECHEVALLIER
https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/
Mai 2020