Son parcours
Après avoir obtenu son DEUG d’Histoire de l’Art et Archéologie, Laetitia BEGHIN décide de poursuivre ses études en s’inscrivant à un master Médiathèques, Archives et Image à Montauban qu’elle termine en 2005. C’est alors qu’elle rencontre celui qui deviendra son compagnon, partageant avec lui une passion pour la culture et le désir de découvrir le monde ensemble (« une histoire internationale qui s’est construite à deux » insiste Laetitia BEGHIN).
A la fin de ses études menées sans trop d’encombres, Laetitia BEGHIN a envie d’une année de césure avant de se lancer sur le marché du travail, avec notamment l’envie de perfectionner ses compétences linguistiques (aujourd’hui Laetitia BEGHIN pratique couramment 2 langues en plus du Français). Elle avait entendu parler du SVE (Service Volontaire Européen) et contacte donc une organisation qui propose ces missions. Mais la condition est de partir à deux, avec son conjoint. Elle épluche la base de données des offres (« on m’avait dit que partir à deux était difficile et en effet, il y avait peu d’opportunités »). Elle trouve une annonce en Estonie, au sein d’un musée dans une réserve archéologique et naturelle, l’occasion parfaite de mettre à profit ses compétences en histoire, documentation et son intérêt pour la protection de l’environnement. C’est aussi l’occasion de partir à deux. Ils resteront dans le grand Nord durant 12 mois.
A son retour, elle revient près de sa famille à Millau. Elle est enceinte et ne reprend pas immédiatement une activité professionnelle (« je fais du bénévolat pour l’association Accueil des villes françaises et devient la webmaster régionale»). Cependant, l’envie de repartir à l’étranger ne la quitte pas.
« A la fin de mes études, je m’étais inscrite sur le site des VIA (Volontaires Internationaux en Administration) pour le MEAE ». Elle se reconnecte et trouve une offre pour l’Alliance française de la Havane à Cuba. Elle postule et est retenue. « Nous voilà repartis pour 2 ans , avec notre bébé de 9 mois ». Elle restera à la Havane comme Médiathécaire de septembre 2007 à l’été 2009.
Au retour, son mari saisit une opportunité pour un VIA en Ethiopie et repart immédiatement pour Addis Abeba tandis qu’elle reste quelques mois en France pour donner naissance ,en septembre à son deuxième enfant. Mais dès octobre elle est dans l’avion pour l’Ethiopie. Elle s’occupe de sa progéniture dans les premières semaines mais cherche d’autres missions. « J’ai cherché rapidement car j’avais une épée de Damoclès au-dessus de moi : je ne voulais pas avoir une trop grande coupure professionnelle pour éviter toute difficulté à mon retour en France ». Elle enchaine alors deux missions, d’une part au Centre Français des Etudes Ethiopiennes, pour informatiser l’ensemble du fonds documentaire ,puis au musée national d’Addis Abeba.
La famille rentre en France en septembre 2011. Laetitia BEGHIN est enceinte et ne postule pas immédiatement un nouveau poste (leur 3ème enfant né en février 2012). Elle suit son mari qui trouve une nouvelle affectation dans une médiathèque dans le Cher. Elle reprend une activité après son congé maternité, en janvier 2013, comme coordinatrice culturelle au sein de la communauté de communes des Hautes Terres en Haut Berry.
Mais après 3 ans, le virus reprend le couple : « on avait découvert le réseau formidable des Alliances Françaises (il y a plus de 800 Alliances Françaises répartie dans plus de 130 pays!)». Le défi est alors le suivant « le premier qui trouve emmène la famille ». Monsieur postule alors pour le Lesotho comme directeur de l’Alliance française (« et consul honoraire pour les 10 français résidant sur place »).
La famille restera 4 ans au Lesotho. En 2019, il faut penser au retour en France. En mars, Laetitia BEGHIN identifie une annonce pour le poste de directrice adjointe à la médiathèque d’Antibes, dans la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis. Elle postule en proposant un entretien en visioconférence (« c’était une première pour eux »). Le lien se fait «Ils étaient un peu intrigué notamment par ma tenue car c’était l’été en France et j’étais au Lesotho, en tenue d’hiver. Mais l’entretien portera uniquement sur le questionnement professionnel ». Elle emporte le poste notamment car elle accepte le CDD de 6 mois et qu’elle est adaptable. Elle y restera 18 mois avant de changer de structure.
Le fonctionnement sur place
Pour leur première expatriation en Estonie, en 2005, le couple part un an pour une première expérience qu’ils qualifient d’« idéale ». En effet, dans le cadre SVE, ils bénéficient d’un accompagnement complet, l’administratif est limité, les frais des voyages sont pris en charge et ils perçoivent un petit défraiement. Cependant, une fois sur place, ils se retrouvent isolés car ils vivaient sur place, dans un bâtiment accolé au musée, dans la réserve naturelle. Ils ont su créer des liens avec les habitants qui les invitaient à participer aux animations et fêtes traditionnelles. Elle est archiviste au Rebala Museum au cœur de la réserve archéologique dans un petit village du Nord de l’Estonie. « Mais nous n’étions pas coupés du monde car super connectés avec les début du web) ».
Pour leur deuxième expatriation, en VIA, il y a moins de suivi pour l’organisation de l’accueil. Laetitia BEGHIN reprend la location et rachète le véhicule de sa prédécesseur. Mais les choses ne se passent pas aussi bien que prévu : le logement s’avère être loin, la voiture récupérée ne fonctionne pas. « J’ai alors fait de l’autostop, comme tout le monde à Cuba, en essayant d’apprendre les bons codes – même si je me fais avoir par quelques taxis ». Elle trouve assez peu d’appuis dans l’entourage professionnel direct. Ce sont finalement les professeurs cubains de l’Alliance française qui lui expliquent les réalités locales (« comment fonctionne le marché noir pour l’alimentation, comment se protéger car certaines choses sont interdites, etc… »). « Finalement après 2 années, je ne voulais plus partir. ».
Cette expérience professionnelle se révèle être une expérience « fantastique ». Laetitia BEGHIN découvre le vaste réseau des Alliances françaises. Elle aura deux directeurs qui lui laissent beaucoup d’autonomie. A la fin de cette mission, elle constate qu’il n’existe pas de processus de passation de poste entre volontaires. Elle prend l’initiative de préparer un document de passation des dossiers pour son successeur. ».
Au Lesotho, à partir de 2015, elle organise le départ (administratif, scolarité…) pour accompagner son mari. Malheureusement, la capitale est petite et les opportunités professionnelles se font rares pour elle. « Les 2 premières années furent très compliquées». Finalement, elle décide de se tourner vers un statut de consultant et réalise de petits contrats pour la GIZ (coopération allemande) ou pour l’informatisation des différentes alliances françaises. Elle est alors en contrat local (avec une rémunération moins importante) : « je voulais éviter les trous dans mon CV, la rémunération passait au second plan ».
Les enjeux personnels
Pour leur deuxième expatriation, à Cuba, Laetitia BEGHIN arrive directement en famille avec son bébé de 9 mois. « On arrive avec nos valises » simplement. Dans les semaines qui suivent, ils reçoivent leurs 3 cantines (« les éléments de bases pour le bébé ») qui correspondent au 1 m3 d’affaires pris en charge par le MEAE.
Ce mode déplacement léger a toujours été la règle pour le couple.
En Ethiopie, Laetitia BEGHIN trouve la vie plus simple qu’à Cuba. Les marchés sont plus fournis, ils sortent(« on trouve de nombreux restaurants ») et ne rencontrent pas de soucis de santé particulier. Cependant, les liens sociaux lui apparaissent plus difficiles à tisser. Les personnes autour d’elle parlent peu l’anglais, et même si elle va apprendre l’amharique, la langue locale, les rencontres restent essentiellement dans le cercle de l’Alliance. Elle estime qu’à Cuba, il y avait plus d’envie de rencontres, plus d’ouverture parmi la population.
Au Lesotho, la famille s’est agrandie et la scolarisation des enfants est un défi : « il n’y avait pas d’école française sur place. Nous avons opté pour une école anglophone de 8h à 14h compléter des cours complémentaires du CNED. Pendant 4 ans j’ai donc fait l’institutrice du primaire à la 5ème) ». L’objectif est toujours de penser au retour : elle voulait s’assurer que ses enfants développeraient leur niveau de français et des autres matières pour une bonne réinstallation dans le système scolaire français Et les enfants acquièrent un niveau fantastique en anglais. Pour Laetitia BEGHIN « le CNED c’est très bien tant que vous avez un bon accès à Internet ».
Professionnellement, c’est plus compliqué, elle vit totalement le statut de « conjointe de ». « Je ne m’attendais pas à ne pas trouver de travail » et gardant le passeport diplomatique en tant que conjointe, « j’avais interdiction même de faire du bénévolat ». Ce statut est particulier : « on a vu beaucoup de couples se séparer. Il faut vraiment faire attention à la santé mentale de chacun ».
Au Lesotho, une certaine ambivalence l’a marqué : d’une part le calme ambiant (« aujourd’hui je ressens le bruit en France »), mais d’autre part, la violence intra-familiale, envers les femmes et les enfants., notamment envers les femmes est très présente.
Pour chaque expatriation, le couple se réserve chaque année un mois pour revenir en France et faire le tour des familles. Et la question revenait : « Vous repartez quand ? Vous serez où dans 3 ans ? ».
Et le retour ?
En janvier 2013, alors qu’elle est de retour en France depuis près d’un an, Laetitia BEGHIN se lance dans la recherche d’une nouvelle opportunité professionnelle après son congé maternité. Elle décide de ne pas mettre en avant son expérience à l’étranger. Ce sont finalement ses compétences en gestion de médiathèque qui lui permettent de retrouver un emploi : « on ne me parle absolument pas de mon parcours à l’étranger, des compétences acquises par l’international ».
« Même avec mes collègues, dans mes différents postes, je n’ai que peu abordé ces expériences. Je n’en fais mention qu’avec certains interlocuteurs ».
Ce n’est que lors de sa candidature à Antibes pour la médiathèque Albert Camus de la CA Sophia Antipolis que son expérience internationale est évoquée : « Ma directrice avait eu une expérience en Afrique ». Cependant, Laetitia reconnaît que ce n’est pas cela qui lui a permis d’obtenir le poste : « La collectivité a surtout vu mon adaptabilité ».
Pour Laetitia BEGHIN, ces différentes expériences ont indéniablement influé sur son caractère. Elle se sent aujourd’hui plus sensible, plus attentive à tous ces détails en lien avec les relations humaines, avoir développé un sens du compromis : « je ne vais pas contre je vais faire avec, trouver des solutions plutôt que râler ». Les expériences internationales, où elle devait souvent composer avec des ressources limitées, l’ont amenée à travailler en collaboration avec les personnes. Elle crée ainsi beaucoup de liens sur les territoires. Ainsi à Henrichemont, elle met en valeur le patrimoine culturel local en organisant des randonnées littéraires avec les viticulteurs à travers les vignobles. « J’ai appris l’importance de la co-construction et la dynamique des alliances ».
Par ailleurs, au Lesotho, elle développe sa connaissance du FLE (Français Langue Etrangère) et de ces méthodes d’apprentissages particulières. Si en France, de plus en plus de médiathèques développent des parcours FLE, son expérience lui a permis de renforcer cet axe, dans la médiathèque d’Antibes.
Dans son poste suivant, comme chargée d’information et de communication à ARCA-Sud, son ouverture d’esprit et sa pratique des langues étrangères enrichissent son travail. Elle propose ainsi aux médecins des articles en anglais ou en espagnol, élargissant ainsi leurs perspectives : « Cela est bien reçu ».
Sur le plan personnel, le retour n’entraine pas de réelle déconnexion. Durant les différentes expatriations, si le couple bénéficie d’un salaire d’expatriés, ils font attention à ne pas trop changer leurs habitudes, et mettre un peu de côté même si certaines dépenses (santé, scolarité …) peuvent aussi être très chères parfois sur place
Son conseil
Le premier conseil de Laetitia BEGHIN porte sur les départs : il est crucial d’informer les employeurs suffisamment tôt et d’assurer une passation correcte. « Il ne faut pas prendre les gens de court et assurer la meilleure passation des actions/missions qui sont à poursuivre ».
Ensuite l’expatriation se fait en couple : « il faut bien discuter avec son conjoint ».
Pour les arrivées ou les retours en France, la préparation se fait de plus en plus par Internet. « il faut être carré, prendre contact en amont avec les personnes en poste » et cela devient de plus en plus facile au fil des expériences.
Pour profiter pleinement de cette expérience, « il ne faut pas vouloir vivre à la française ». Cela signifie qu’il faut accepter des rythmes différents, adapter sa nourriture. Mais il faut aussi apprendre de nouvelles recettes, ingrédients : « je me découvre de nouveaux talents », sans renier certains plaisirs. Ainsi au Lesotho, Laetitia BEGHIN fait du pain. Et rapidement, une fois par semaine, elle réalise 40 baquettes, pour l’ensemble des amis.
Quant aux 3 enfants âgés aujourd’hui de 17ans, 14 ans et 12 ans, ces expériences sont une véritable richesse pour eux. Ils fréquentent aujourd’hui la section internationale à Aix pour ne pas perdre leur anglais. Ils se rendent compte qu’ils ont eu de la chance de vivre à l’étranger : leur anglais est « fluent » et ils ont une réelle ouverture envers leurs autres camarades qui viennent d’ailleurs.
En conclusion : « Je ne pensais pas voyager autant, c’est un peu une fierté ».
On confirme. Bravo !
PS : A la rédaction de cette fiche, après l’entretien, Laetitia BEGHIN nous informe que la famille repart vers de nouvelles aventures : en septembre 2024, Monsieur est recruté pour la direction de l’Institut Français de Malabo en Guinée équatoriale.
Entretien réalisé par Yannick Lechevallier
https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/
Février 2024