Catherine MARCHETTI


DisponibilitéRevenu.e dans sa collectivitéDe deux ans à cinq ansAutreChine

Catherine MARCHETTI a 48 ans. Elle est ingénieure territoriale depuis 2001. Après des études de géographie et d’urbanisme, elle occupe différents postes de chef de projets au Havre, Lyon puis à Toulouse avant de rejoindre en 2013, TISSEO Collectivités qui est l’autorité organisatrice des mobilités de la grande agglomération toulousaine. En 2018, elle suit son mari en Chine. Elle y reste trois ans avec de revenir à Toulouse où elle reprend un poste de « chef de projets étude et travaux », en restant chez Tisséo collectivités.
Entretien réalisé en aout 2022

Catherine MARCHETTI obtient son DESS URBAM, Aménagement et développement local à l’Université de Nanterre en 1999. Elle passe dans la foulée son concours d’ingénieure territoriale. Grâce à cela, elle rejoint la ville du Havre comme chargée d’opérations et d’aménagement et de développement en 2000. Elle y reste 3 années. Puis elle part au SYTRAL à Lyon comme cheffe de projet « Amélioration conditions circulation bus » durant 5 années.

En 2008, Catherine MARCHETTI s’installe dans la région toulousaine. Elle occupe dans un premier temps un poste au sein du Conseil départemental de Haute Garonne de 2008 à 2012. Puis en janvier 2013, elle intègre Tisséo Collectivités d’abord comme Cheffe de projets « ouvrage et infrastructures » puis « matériel roulant et système de transport guidé ».

En 2018, son mari qui travaille chez Airbus, reçoit une proposition de son entreprise pour une expatriation en Chine pour une période de 3 ans reconductible de 2 ans. « Moi et mon mari, on aime les voyages et on attendait une possibilité de mobilité ». Le couple saisit l’opportunité et Catherine MARCHETTI quitte Tisséo pour une disponibilité de 3 années.

Son départ

Quand la possibilité de cette expatriation se présente, Catherine MARCHETTI est à une période particulière de sa carrière. Une envie de changement est présente. Le couple décide de partir et Catherine MARCHETTI se rapproche alors de la DRH. « Dans ma collectivité, il n’y avait pas d’habitude des mobilités internationales ». Le premier contact est un peu frais, notamment sur les questions statutaires : « la DRH m’a proposé de prendre une disponibilité pour suivre mon conjoint en me dissuadant de travailler et en m’indiquant l’obligation de saisir la commission de déontologie[1]».

Elle appelle alors son centre de gestion pour plus d’informations. Sans contredire la première information, celui-ci lui propose plutôt de prendre une disponibilité de 3 ans pour élever ses enfants. Cela lui parait de fait plus intéressant car les droits à la retraite sont maintenus d’office[2]. Elle sollicite donc une « disponibilité pour élever ses enfants » pour une période de 3 ans (qu’elle fera prolonger de 6 mois). La DRH lui indique alors qu’une disponibilité pour élever un enfant est incompatible avec une activité salariée. Ceci doit pourtant être relativisé (voir note CDG[3]).

Le fonctionnement sur place

En arrivant à Pékin, la famille n’a pas de recherches à réaliser car Airbus, l’employeur de son mari, prend tout en charge avec un service spécifique pour les expatriés. La famille visite un appartement et choisit puis tout est organisé : l’emménagement, les inscriptions aux écoles, … La famille se concentre sur la préparation matérielle « on est parti avec dix valises pour cinq et un petit container » avec notamment du petit matériel (livres cahiers, cocotte-minute ou grille-pain) suivant les conseils des personnes avec qui elle est entrée en contact.

Catherine MARCHETTI souhaite obtenir une expérience professionnelle. Elle prospecte mais le marché de l’emploi est compliqué, du moins pour elle. « Pour des jeunes diplômés ou des personnes qui ont une compétence très précise (comptable, professeurs …) cela semble plus simple ». En tant que membre de la fonction publique territoriale généraliste, le premier poste qu’on lui propose est d’être « surveillante de cantine scolaire ».

Finalement, Catherine MARCHETTI s’implique dans de nombreuses activités associatives pour ne pas rester inactive. Ne parlant pas chinois, elle s’oriente essentiellement vers les activités avec la communauté francophone (et pas uniquement française), notamment dans l’association « Pékin accueil ». Mais elle a pu voir monter la répression et le contrôle en Chine ce qui a petit à petit rendu de plus en plus compliquée l’organisation d’activités associatives (culture, voyage, …).

Avec le COVID, l’ensemble de ces activités se sont arrêtées.

Les enjeux personnels

L’une des premières sensations que retient Catherine MARCHETTI de son arrivée et de cette expérience, c’est « de devenir complétement analphabète ». En arrivant, « j’ai repéré un supermarché Carrefour mais j’ai fait des spaghettis sauce tomate toute la première semaine ». Il faut un réel temps d’adaptation : les produits sont très différents. La viande par exemple est présentée différemment (viande non réfrigérée dans les marchés très odorante, grand bac de viande congelée en libre-service dans les supermarchés).  De plus les suspicions sur la qualité des produits ( scandales alimentaires ou pratique agricoles différentes : OGM, fruits piqués au sucre, viandes piquées aux hormones…)  ne rendent pas l’achat facile.  Catherine MARCHETTI « admire les couples où les deux personnes travaillent » car il lui semble qu’il faut tellement de temps pour tout saisir. Et il lui faut aussi déployer de sérieux efforts pour créer un réseau social. En effet « nous étions dans une résidence sans français et tisser des liens demande un vrai investissement ». Au fil des semaines, elle trouve de nouveaux repères « par exemple, j’allais pour la viande dans une boucherie allemande ». D’après Catherine MARCHETTI « il faut bien un an d’apprentissage » si on ne parle pas la langue locale d’autant plus en Chine où les codes culturels sont très différents.

L’autre bienfait de cette expérience « c’est que cela m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes très différentes ». Ainsi, pour Catherine MARCHETTI, une expatriation permet de rencontrer, sur un pied d’égalité (« on est tous loin de notre pays ») des personnes de différents milieux ou avec des centres d’intérêts qu’elle n’aurait pas eu l’occasion de croiser, en France, en restant dans son réseau social habituel.

Mais les premières semaines sont rudes : « quand j’arrive, je change de statut :je suis uniquement la femme de « mon mari qui travaille chez airbus » ; on se rencontre uniquement entre « femmes d’expats » ». Certes on peut s’épanouir dans la découverte culturelle de la Chine qui est un pays très riche en termes d’histoire, mais « nous n’étions pas des passionnés de la Chine avec mon mari ».

Sur place, le couple n’a pas de voiture : « d’une part il est très compliqué d’avoir une équivalence pour son permis et de plus, cela nous a été déconseillé car en cas d’accident, le fait d’être étranger peut être problématique ». Mais Catherine MARCHETTI n’a aucune difficulté pour les déplacements car il existe de nombreux moyens proposés et des applications très efficaces traduites en anglais (nombreux « Uber » peu chers, scooters et petits véhicules électriques, vélos en libre-service, métro très efficace, grande artère avec contre-allée cyclable etc.).

En 2020, du fait du COVID, Catherine MARCHETTI rentre quelques mois en France. « Pékin était devenue une ville morte en l’espace de 2 jours, et avec mon mari on a pris rapidement la décision qu’il serait mieux pour moi et les enfants de rentrer le temps que la situation s’améliore et que l’école puisse rouvrir ». Le gouvernement chinois a décidé en mars 2020 de fermer ses frontières et de geler les visas de tous ceux qui avaient quitté le pays.  Il a fallu 7 mois de procédures administratives pour pouvoir obtenir le droit de revenir à Pékin en subissant à l’arrivée une quarantaine stricte de quinze jours en centre d’isolement sous surveillance des autorités.

Mais intellectuellement, malgré les engagements associatifs, elle ressent un manque. Elle veut faire quelque chose « pour elle ». Elle reprend alors des études dans le cadre d’un master en Relations internationales de Science Po Toulouse, qu’elle peut suivre à distance. Cela lui permettra notamment de mieux saisir les enjeux contemporains de la politique chinoise et de réaliser un stage auprès de l’Ambassade de France en Chine. Elle réfléchit, par ce master, à donner une nouvelle orientation à sa carrière et se donner toutes les chances d’obtenir un emploi en contrat local à l’Ambassade.  Mais le retour se précipite : en octobre 2020, le couple apprend que monsieur va être « repatrié » par Airbus au cours de l’année 2021 (juin) avec deux ans d’avance.

Et le retour ?

Catherine MARCHETTI lance très rapidement la procédure de réintégration. Elle prend un premier contact de manière informelle avec sa DRH six mois avant. Un échange se réalise alors sur une piste d’emploi qui finalement n’est pas créé. Puis trois mois avant, elle envoie sa lettre de demande de réintégration pour le 1er septembre 2021. Elle passe sa visite médicale en juillet 2021 et reçoit un mél pour « un poste qui vient de se libérer ». Catherine MARCHETTI ne passe pas vraiment d’entretien : « mon nouveau directeur est un ancien collègue qui est d’accord pour mon recrutement », et la DRH est bien contente de pouvoir la repositionner.

Pour son nouveau poste, Catherine MARCHETTI retrouve le même salaire que trois ans plutôt. Elle présente alors à la DRH le décret qui précise qu’elle a droit à un avancement. Dans un premier temps la DRH lui dit que ce n’est pas possible mais finalement obtient gain de cause après lecture attentive du décret.

Si l’expérience en Chine est un vrai enrichissement personnel, la réintégration est difficile. « Je suis revenue dans la collectivité que j’avais quittée, où j’avais un réseau professionnel, une reconnaissance, une certaine position. » Mais après 3,5 ans d’absence, les réorganisations et l’impact de la COVID 19, Catherine MARCHETTI a l’impression de devoir à nouveau faire ses preuves comme un nouvel arrivant, de ressentir un certain déclassement et ne retrouve pas l’ambiance qu’elle connaissait en 2018.

Au sein de sa collectivité, au retour, Catherine MARCHETTI échange finalement peu sur cette expérience, si ce n’est essentiellement avec son directeur sur ses perspectives d’évolution.  Avec ses collègues, elle ne retrouve pas l’ambiance d’avant.  Et finalement ce sont des petites réflexions sur le fait que les choses ont beaucoup changé depuis qu’elle a quitté son poste. Elle avait d’ailleurs un peu cette angoisse en revenant « comment justifier 3,5 ans d’absence, comment donner l’image que je ne suis pas partie en vacances ? ».

Alors même qu’elle a vécu dans une grande agglomération qui a des avancées importantes en termes de transport, que Catherine MARCHETTI a pu identifier avec son regard de professionnelle (les multiples moyens de transports publics à disposition, le concept des « petits véhicules », etc, aucune curiosité de sa collectivité n’est constatée. Finalement, il y a beaucoup de stéréotypes plutôt négatifs sur la Chine et peu de réelle curiosité.

Cette absence de valorisation professionnelle de cette expérience se double d’une autre déception. Si Catherine MARCHETTI reconnait que la réintégration a été simple « un coup de téléphone et j’ai un salaire », d’un autre côté, ce poste « je ne l’ai pas choisi et c’est finalement plus difficile de se projeter quand on n’a pas postulé et travaillé sur ses envies professionnelles ». Même si la situation est très confortable pour une réintégration, le sentiment de retour en arrière tout en ayant personnellement évolué est assez déstabilisant et Catherine MARCHETTI perd sa motivation. Elle a demandé un bilan de compétence (que la collectivité lui propose en 2023). Finalement c’est le Centre de gestion qui lui propose une « bilan de motivation ». Le premier entretien est positif : « c’est la première fois que quelqu’un m’écoute, me comprend et met en valeur mon expérience d’expatriation ».

Son conseil

Selon Catherine MARCHETTI, pour bien vivre une expatriation, il faut être adaptable, accepter de sortir de sa zone de confort. « Sinon, on risque d’être bloqué chez soi dans son appartement ». Mais il faut aussi se préparer psychologiquement : « je n’étais pas prête à une interruption professionnelle ». Elle avait cette petite voix « quelle impression cela va donner sur mon CV ? ». Mais elle reconnait qu’il faut aussi être plus souple avec soi-même et profiter de ces expériences.

Si elle repart, « dès la France, j’essayerai de trouver une activité professionnelle ». Et pour limiter le choc culturel, Catherine MARCHETTI choisira plutôt un pays anglophone ou hispanophone.

Comme le retour fût un peu précipité, une fois en France, Catherine MARCHETTI doit finir son master (écrire son mémoire) et s’occupe surtout de sa réinstallation et tout ce que cela induit pour ses enfants, la famille, etc. Elle n’a donc pas la possibilité d’envisager une recherche plus large de poste et a saisi l’opportunité de revenir à Tisséo. Elle reconnait : « j’aurai dû plus préparer mon retour dès la Chine, me remettre à niveau sur le statut de la territoriale » et plus réfléchir à son projet.

Ce qu’elle fera mais juste un peu plus tard, avec la richesse de cette expérience internationale.

 

Entretien réalisé par Yannick Lechevallier

https://www.linkedin.com/in/yannick-lechevallier-23059819/

Août 2022

[1] Ceci est faux. La collectivité doit simplement, après avoir été informé par l’agent de son souhait de travailler, saisir la commission de déontologie qui interdit très exceptionnellement un emploi.

[2] Si l’agent travaille durant une disponibilité pour suivi de conjoint, il bénéficie aussi de ses droits à la retraite.

[3] https://www.cdg60.com/wp-content/uploads/2021/05/Puis-je-exercer-une-activite-professionnelle-pendant-que-je-suis-en-disponibilite-pour-elever-mon-mes-enfants-de-moins-de-12-ans-1.pdf


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